Ce roman français dont l’intrigue prend place dans un Bordeaux underground montre rapidement les dents, pour ne plus lâcher sa proie qu’à la dernière page. Le lecteur est amené à suivre trois grands mouvements principaux : l’un introduit par un duo de flics pistant les traces pavées de victimes exsangues, un deuxième arc est consacré à un groupe de vampires et le dernier et principal, à une lycéenne, nommée Lily.
D’emblée, les éditions Mnémos établissent une filiation du monde de l’auteur, « plus proche des univers de Poppy Z Brite et d’Anne Rice ». J’ai donc lu ce livre avec cette première idée en tête, cet appel à la comparaison… Voyons donc : il m’apparaît clairement que l’on a un plantage de décor faisant penser à du Poppy Z Brite, avec une nostalgie très assumée pour le post-punk, le new wave, le batcave, etc. cristallisée par un des vampires, dit J.F., réincarnation de Sid Vicious, et le club le Bathory. Au-delà, cet univers splatterpunk est gangrené par la drogue, la saleté, l’absence de bonté, le sexe sans partage. Là où Poppy établissait à travers tout ça une esthétique, une recherche de l’art, du fantasme, de l’absolu pour plusieurs personnages, ici, la pourriture n’a rien d’une charogne Baudelairienne, il n’y a pas de sublimation, sinon peut-être dans le plaisir ou la satisfaction éphémères que l’on éprouve à infliger le mal à l’autre.
D’Anne Rice, je me suis souvenue l’une de ses figures du vampire, à mes yeux son motif le plus fascinant et effrayant : l’enfant-vampire. Il est ici le plus âgé des vampires du groupe et le plus craint. On ne retrouvera par contre pas la posture du vampire torturé par la question de sa condition, pas vraiment.
Deuxième axe présenté par l’éditeur : ce roman est un anti-twilight « Les gentils vampires n’existent pas », « pour public averti », nous annonce en gros caractères la 4e de couv’. Effectivement, les vampires de Caussarieu ne sont pas des gentils, pas plus que ses humains, d’ailleurs !
L’auteur s’est ainsi amusée à piocher dans les histoires de vampires pour midinettes. En particulier, il m’a semblé que l’histoire de la lycéenne Lily et du vampire Damian parodie assez clairement Journal d’un vampire, d’une manière assez jouissive et sans pousser au point de pervertir l’intérêt du texte.
Quant au mythe du vampire, si nous ignorons où il s’origine, l’un des personnages expérimente une épiphanie des plus intrigantes lors de sa mort-résurrection et à laquelle chacun donnera l’explication qu’il voudra bien. Plus prosaïquement : les vampires deviennent plus puissants au fil du temps, mais ne sont pas si difficiles à détruire, pour un peu qu’ils soient exposés à une lumière de plein soleil. Ils absorbent le sang des humains ou des animaux, mais aussi tout ce qui constitue la vie : larmes, salive, sperme, énergie… afin de s’en servir pour leur propre corps. Du point de vue de l’ « âme », sans doute n’existe-t-il pas plus de nature vampire que de nature humaine, mais les premiers ont cette particularité d’oublier ce qui leur arrive au fil des années (peut-être pour mieux évoluer à l’aune de l’humanité, à l’instar du vampire imaginé par SP Sowtow).
Au total, c’est un roman qui réjouira sans doute, effectivement, ceux qui ont lu des histoires de vampires dans les années 1980-1990 et qui fera date pour ceux qui découvrent. On ne peut pas avancer, pour autant, que c’est daté : Caussarieu introduit par exemple un peu de contemporanéité avec la mise en scène d’un petit groupe de vampyres qu’elle tourne en ridicule. Toutefois, personnellement, même si j’apprécie le côté pamphlétaire, le bon dosage de pas mal d’ingrédients, que je trouve l’écriture tout à fait à la hauteur, je n’ai pas ressenti, finalement, de couleur profondément personnelle et c’est, sinon ce que je reproche, ce que j’espère trouver dans la suite de la carrière de l’auteur.