Bonjour Sophie. Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaîtraient pas encore ?
Bonjour. C’est la question la plus difficile de chaque interview, je crois… Je ne sais jamais quoi dire ! Alors je vais faire court… Je suis une Lyonnaise en mal du pays, et j’écris, j’écris pour faire s’évader mon esprit dans des situations improbables, entraînant avec moi tous ceux qui auront le malheur de croiser mon chemin au détour d’une page !
Ta série les Etoiles de Noss Head, sorti aux éditions Rebelles, a été ta première publication. D’où t’es venue l’idée de départ ?
Eh bien, l’aventure a commencé devant le désert qu’est la littérature francophone en matière de fantastique. Tout du moins, le désert officieux, celui provoqué par les éditeurs, car des auteurs francophones qui écrivent du roman fantastique, il y en a beaucoup. Je me suis lancée après un voyage en Italie en août 2009. Je n’avais jamais lu de romans traitant des loups-garous et mes seuls clichés en la matière provenaient de Teen-wolf, avec Micheal J. Fox, un peu de Wolf avec Jack Nicholson et de Dracula. C’était un peu maigre pour écrire, mais j’en avais envie.
J’ai donc fait quelques recherches, avec la volonté farouche de voir l’intrigue se dérouler en Écosse, dans les Highlands. C’est un endroit où je n’aurais pas été surprise de voir surgir un lutin des broussailles, tant il est magique et mystérieux. Je voulais des personnages qui soient comme nous en tout point, avec un petit plus sous le chapeau. On peut trouver facile le coup de l’héroïne qui s’en va en vacances chez sa grand-mère et qui rencontre un bel étranger pas tout à fait humain, mais… j’avoue m’être calée aux codes prédéfinis du moment, Stephenie Meyer, Carry Jones, Lisa J. Smith… Je ne savais pas trop comment m’y prendre, alors j’ai suivi le mouvement. Mais, car il y en a toujours un, j’ai souhaité me démarquer par le réalisme de mes personnages, des endroits que je décrivais, des émotions que je voulais faire passer. Jusqu’à présent, mes lecteurs m’ont suivie sur ce point, et je suis rassurée.
Pourquoi avoir éprouvé le besoin de revenir au thème du vampire avec Pamphlet contre un vampire ? N’avais-tu pas peur de redite concernant ta vision du mythe ?
Je fais vivre des vampires dans Les Étoiles de Noss Head, mais le héros est un loup-garou. C’est justement en abordant le thème vampirique que j’ai eu envie de lui dédier tout un roman, avant l’écriture de Les Anges mordent aussi. L’approche technique n’est pas si différente en soi, mais le vampire est devenu l’objet de tous les fantasmes, on l’imagine un peu comme on veut et ça fonctionne.
Pourquoi pas moi ? me suis-je dit. J’ai écrit de manière un peu hasardeuse, ne connaissant pas grand-chose au sujet, mais sans jamais me dire que je risquais de raconter ce qui se narrait déjà. Quand bien même c’était le cas, ce n’était pas grave. Car selon moi, l’essentiel n’est pas tant la matrice choisie, mais le contenu, la manière dont les choses sont abordées, traitées. L’intrigue de Pamphlet contre un vampire est loin d’être exceptionnelle, cependant, elle a le mérite de cibler des personnages qui font l’histoire à eux seuls. Je voulais un roman détente pour jeunes adultes, un roman qui leur ressemble, des personnages qui leur ressemblent. J’espère avoir réussi.
La passion de sa meilleure amie pour Twilight (même si la saga n’est pas citée ouvertement) est à la base du Pamphlet de Satine. Est-ce une manière de régler tes comptes avec une conception du mythe auquel tu n’adhères pas ?
Non, pas vraiment. C’était pour moi l’occasion de faire de l’autodérision, car n’oublions pas que je suis aussi ce genre d’auteur. J’écris entre autres de la romance paranormale pour jeunes adultes et les clichés souvent servis me font beaucoup rire, même si je les utilise moi-même. Je ne me prends pas beaucoup au sérieux, mais comme le disait Pierre Dac « On peut rire de tout, mais pas pour rien. ». Ce qui veut dire que oui, de manière sous-jacente, je suis un peu inquiète de voir des jeunes adolescents se déconnecter complètement de la réalité pour y rester définitivement, aux dépens de ce qu’ils devraient vivre pleinement. Mon message, dans Pamphlet contre un Vampire, n’était sans doute pas des plus clairs, mais je tenais à soulever le débat. Et cela va bien au-delà de ma conception du mythe vampirique.
Es-tu une grosse lectrice de Bit-Lit et/ou de Young Adult, ou préfères-tu rester à distance des séries qui constituent ces deux genres pour ne pas influencer ta plume ?
Je lis de tout et beaucoup. J’ai découvert la bit-lit avec Anita Blake, le young adult avec Harry Potter. Et non, je ne reste pas particulièrement à distance des romans qui seraient susceptibles de m’inspirer, simplement, je m’interdis de les lire quand j’écris, ou quand je créé un synopsis. Car oui, le danger est de faire un copier-coller sans même s’en rendre compte. Je reste prudente.
Quelles sont tes premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et / ou cinématographiques) ?
Entretien avec un vampire a été mon premier film vampirique et mon premier roman du même genre. J’ai été subjuguée par le film, un peu moins par le livre. Trop de descriptions superflues, à mon sens, mais ça n’engage que moi. J’ai redécouvert, il y a peu, Dracula de Bram Stoker. C’est puissant. Cet univers profond, ces descriptions et ces mises en situation angoissantes me laissent à chaque fois rêveuse. Il a été écrit à la fin du XIXe siècle, faisant le tour d’un lectorat improbable ! J’aime les auteurs avant-gardistes qui prennent des risques.
Et puis, dernièrement, j’ai lu L’Évangile des damnés. Un vrai coup de cœur pour moi, surtout le tome trois. C’est une trilogie qui se présente comme un thriller-romantico-vampirique. Quelque chose de rare, en mon sens. Une intrigue si complexe, que je me suis souvent dit que l’auteur avait dû vivre tout ça pour retranscrire un truc pareil. Non, bien sûr, mais quel talent !
Sinon, au niveau des films, deux m’ont particulièrement frappée. Le premier, c’est Une nuit en enfer de Tarentino. Je ne m’attendais tellement pas à un film de vampires, assise devant mon petit écran, qu’il m’a marquée à vie, me rappelant les vilains vampires de Buffy (que je n’ai jamais vraiment regardé, soit dit en passant). Le deuxième, c’est Les Vampires du désert de Cardone. Pas inoubliable en soi, mais ce que j’ai aimé l’énergie de ce film ! Cette Afro-Américaine plantureuse, le petit gringalet qui protège les vampires le jour, Jonathan Schaech, le beau maître vampire… Sinon, j’ai une culture vampirique très petite. J’ai découvert le fantastique très tardivement donc… je prends mon temps, je savoure.
Pour toi, comment peut-on analyser le mythe du vampire? Qu’est-ce qui en fait la pérennité ?
Le sombre merveilleux qui dort au fond de chacun de nous se révèle toujours à un moment donné, nous obligeant à nous délecter d’histoires aussi farfelues les unes que les autres. Pour les vampires et les loups-garous, c’est particulier. Ils ont été mentionnés de tout temps, bien qu’ils n’aient pas été autant adulés qu’aujourd’hui. De fait, ils sont inscrits dans l’inconscient collectif comme un héritage immuable. Le grand méchant loup, la chauve-souris qui se transforme en vampire… Nous les connaissons peu, mais nous les connaissons quand même. Si bien que lorsqu’une histoire s’ajoute au mythe, on s’en nourrit presque sans le vouloir, on est curieux, on veut savoir…
Ma mère, comme beaucoup de gens, dit toujours : « Il n’y a pas de fumée sans feu. » Oui, c’est vrai… le cannibalisme existe, donc pourquoi pas le désir de s’abreuver de sang, au hasard d’une pulsion de curiosité ? Quel effet ça fait de boire du sang ? Et si j’essayais ? Alors j’essaye, je tue, je bois, bizarrement j’aime ça, ça devient culturel, je me fais surprendre et je crée le mythe. Tout le monde en parle, me créant même une lignée, me vouant des exploits que je n’ai pas faits ! Je deviens une légende…
Je suis archéologue, rationnelle (presque tout le temps), et je ne vais pas chercher midi à quatorze heures. Je ne crois pas aux vampires comme créatures surnaturelles, mais je veux bien croire que des gens se prennent pour eux, et vivent comme on se l’imagine : assoiffés d’hémoglobine et craignant le soleil. Et le mythe continu…
As-tu encore des projets de livres sur ce même thème ? Quelle va être ton actualité dans les semaines et les mois à venir ?
Bien sûr, en mai, la sortie de Les Étoiles de Noss Head 3, dont l’intrigue est essentiellement basée sur des personnages amoureux d’hémoglobine. C’était déjà le cas pour le tome deux, mais pas du tout le un. Après ça, je m’attacherai à écrire la suite de Les Anges mordent aussi et là, je sens que je vais beaucoup m’amuser. Écrire pour les jeunes adultes a quelque chose de frustrant, car tout ne peut pas être dit, alors que la littérature pour adultes est presque sans limites. Après coup, c’est ce que je préfère écrire, je crois. Cependant, il y aura un ultime tome de NH, d’ici 2013, sans doute. Quant à des projets inédits du même thème, non, je n’en ai pas dans l’immédiat. Je pensais plutôt m’essayer à un pur chick-lit. Mais tu sais ce qu’on dit : on revient toujours à ses premières amours…
Une Nuit en Enfer, c’est Rodriguez, pas Tarantino. Beaucoup de gens font l’erreur.