Clara et Eleanor sont obligées de fuir une nouvelle fois, après que leurs pairs aient finalement débusqué leur trace. Elles finissent par se retrouver dans une petite ville côtière. Clara fait rapidement la connaissance de Noël, qui leur ouvre les portes du Byzantium, la pension tenue jusque-là par sa mère récemment décédée. Et alors que Clara réfléchit à un moyen de faire croître leurs moyens, Clara fait la connaissance de Frank, un jeune homme avec qui elle finit par se lier d’amitié. Mais que fera-t-il en découvrant ce que sont Clara et Eleanor ?
Byzantium est un film qui se sera longtemps fait attendre en France. À tel point qu’il n’a finalement pas eu les honneurs de la sortie en salle, mais aura tout de même fini par sortir directement en DVD et Bluray. Un choix pour le moins dommage pour ce film au rythme et à l’ambiance assez particuliers, qui montre que le réalisateur d’Entretien avec un vampire n’en a pas fini avec le sujet.
Après le roman d’Anne Rice, Jordan part cette fois-ci d’une pièce de théâtre de Moira Buffini (qui signe au passage le scénario). Par son entremise, le réalisateur nous invite à suivre les pas d’un autre duo de créatures de la nuit, Clara et Eleanor, pourchassées par d’autres de même nature qu’elles. L’histoire permet au réalisateur d’aborder plusieurs thèmes, parmi lesquels le lien filial entre les deux protagonistes principales, mais ici ce sont les femmes qui sont au-devant de la scène. Chacune avec sa manière d’accepter sa condition : l’exubérance de Clara faisant face à la timidité d’Eleanor, qui veille à ne pas faire souffrir ceux dont elle se nourrit. Pour autant, c’est cette derrière qui va suivre une véritable quête initiatique au fil du film.
Si le rythme du film est assez lent, il faut avouer que l’ambiance de ce dernier est particulièrement réussie. Les décors de la ville côtière sont particulièrement pesants, et accentuent le côté oppressant de la situation des deux personnages centraux, dont l’anonymat peut voler en éclat du jour au lendemain. La maîtrise de Jordan lui permet cependant de casser en certains endroits cette ambiance, et de délivrer des scènes à la limite de l’onirisme (Clara et Eleanor se réveillant dans un champ) ou du symbolisme (les chutes de l’île qui se teintent de sang à la naissance d’un nouveau vampire). Cette diversité graphique, associée à des flashbacks particulièrement réussis, n’en est pas moins cohérente et plonge le spectateur dans l’histoire, même si le déroulement de cette dernière n’a en soit rien de particulièrement novateur.
C’est en effet à mon sens le seul défaut du film : s’il joue de manière efficace avec la mythologie du vampire, les différents rebondissements, les protagonistes, et finalement la résolution de l’intrigue n’ont en soi rien de très originaux. Reste que Neil Jordan parvient pourtant à passer outre, à l’aide autant du traitement visuel que par l’interprétation des acteurs, notamment les deux actrices principales, qui campent une famille monoparentale vampirique franchement réussie, toute en oppositions.
Les vampires de Byzantium, s’ils sont nommés ainsi par certains des protagonistes, s’affublent eux-mêmes du nom de soucouyant. Ce nom fait écho à une créature du folklore des caraïbes : une vieille femme qui retire sa peau la nuit venue et s’en va, sous une forme éthérée, s’abreuver du sang de ses victimes. Ici, pour autant, le mythe est déporté au Royaume-Uni, dans ce qui figure une ville de la côte irlandaise. Les vampires sont présentés ici comme une société fermée, composée exclusivement d’hommes. Ils se transmettent, au fil des transformations, une carte localisant l’île où peut se dérouler ces dernières. Car s’ils doivent boire du sang pour survivre, ce ne sont pas des vampires comme les autres : ils ne sont pas en mesure de créer seuls d’autres créatures comme eux. En outre, ils ne craignent pas la morsure du soleil, ni les symboles religieux, mais peuvent être décapités.
Un film qu’il est fortement dommage de n’avoir pu voir que sur petit écran, et qui aura été un échec retentissant au box-office à l’échelle mondiale. Neil Jordan prouve une fois de plus qu’on n’est pas obligé de sombrer ni dans la mièvrerie ni dans l’action menée tambours battants pour proposer au public un film sur le thème du vampire. Et il démontre également qu’on peut proposer un film réussi en l’articulant sur un scénario simple, qui gagne en intérêt par son traitement graphique et le jeu des acteurs. Je ne peux par ailleurs que vous inciter à poursuivre votre découverte du film avec l’article détaillé d’Amnésia.