Scarling, Alice. Interview avec l’auteur de Lacrimosa

Bonjour Alice. Tout d’abord, peux-tu te présenter pour les internautes de Vampirisme.com ?

Je suis Alice Scarling, l’auteur de la série Requiem pour Sascha, dont le premier tome, Lacrimosa, est sorti avant-hier (l’interview a été réalisée le 25 mai, lors des Imaginales 2014), chez Milady.

Peux-tu nous parler de la genèse de Requiem pour Sascha, et de son premier tome ?

Le point de départ de la série remonte à une anecdote un peu incongrue. On discutait avec des amies en imaginant tout un tas de paris un peu idiots, de « imaginons qu’on soit ceci ou cela ». Jusqu’à en arriver à : « que ferait-on si on était un homme, pour une journée ? » J’ai trouvé cette question amusante, et j’ai eu envie d’y répondre. J’ai donc commencé à réfléchir à l’idée d’un pouvoir surnaturel qui permettrait de faire ça. D’un seul coup, Sascha est apparue, pour m’expliquer que même si elle dispose de ce pouvoir, il n’est pas très pratique à utiliser. Même s’il peut lui servir à plein de choses, il lui gâche aussi la vie. Et d’un seul coup, c’est devenu beaucoup plus que la réponse à cette question de départ pour le moins ridicule.

Mais pour autant c’est loin d’être le ressort principal de ton intrigue, même si son pouvoir participe à l’évolution de Sascha

Absolument. Ça aurait été pauvre niveau intrigue si je ne m’étais intéressée qu’à proposer une réponse à la question initiale, ce n’était pas le but. Mon héroïne, à partir du moment où je l’ai créée a commencé à être bien davantage que ce pouvoir, elle a réellement pris vie. C’était donc bien plus intéressant de raconter sa vie dans son intégralité que juste cette partie-là.

Tu as choisis Paris comme cadre de ton récit, alors qu’habituellement, le genre semble favoriser soit les grandes métropoles américaines, soit des villes imaginaires. Pourquoi ce choix ? La place de la ville évoluera-t-elle dans les prochains opus ?

Je suis moi-même parisienne. C’est une ville que je connais très bien, même si pas autant que je le voudrais. Néanmoins je pense en connaître certains points d’intérêts qu’on ne trouve pas sur Google Maps. J’avais également envie d’ancrer mon histoire dans une culture européenne, francophone. Quitte à être une auteur française, autant apporter ça en plus à mes lecteurs. Des séries qui se déroulent aux États-Unis, il y en a énormément, et je pense que les auteurs de ces séries-là sont plus à même de rendre les décors et ambiances réels, étant pour la plupart plongés dedans. J’avais envie d’une petite différence, de proposer quelque chose de plus frais.

Qui plus est, les vampires viennent du Vieux Continent, je ne vois pas pourquoi ils auraient tous émigrés aux États-Unis. Toutes les créatures surnaturelles peuvent très bien évoluer en France, à Paris. C’est une ville qui continue à faire rêver, et s’avère tout aussi intéressante qu’une Nouvelle Orléans, bien qu’y habitant, on ne s’en rend pas nécessairement compte sur le moment. Quand on y vit et évolue chaque jour, on ne se dit pas « c’est le rêve parisien ».

La place de Paris dans les tomes suivants sera un peu moindre. Sans dévoiler l’intrigue, il arrive des choses à Sascha qui vont la forcer à quitter sa ville, et à voyager quelque peu. Dans le tome 2, Dies Irae, il y a donc une exploration de l’Europe en grande partie. J’avais envie de rester dans une culture européenne, mais de ne pas me limiter à trois mètres carrés. Il se passe des choses au point de vue mondial dans le tome 2, et je n’avais pas envie de donner l’impression qu’on a dans beaucoup de films américains. Quand les extra-terrestres débarquent, ils atterrissent nécessairement en plein milieu de Washington ou de New-York. Là, il va se passer des choses à l’échelle mondiale, et il faut donc qu’ont ait l’impression que ça se passe partout dans le monde.

Ton attirance pour la musique transpire autant au niveau des activités de Sascha que par les lieux où tu peux la faire évoluer. Était-ce une idée présente dès le départ ?

C’est quelque chose qui fait partie de moi, je pense. Je ne peux pas écrire sans musique. C’est vraiment ce qui m’inspire, me donne de l’énergie et des émotions, que je peux retranscrire sur le papier derrière. Certaines de ces émotions passent aussi par cette ambiance musicale qui va être présente dans le roman. Je baigne dans la culture métal depuis que j’ai 11 ans, c’est mon genre musical favori, je ne pouvais donc pas envisager de l’occulter dans mon texte.

Tu choisis de te positionner dans la lignée des auteurs qui ont choisi de rompre avec la métaphore et choisissent de mettre en scène des vampires sexués, à l’opposé de ce qui se faisait (par exemple) dans la littérature du XIXe s. , où les vampires ne goûtaient pas de manière ostensible aux choses du sexe. Que penses-tu de cette évolution dans la manière de représenter la créature ?

Je pense que c’est simplement une question d’évolution de mœurs. On vit à une époque où tout est plus direct, annoncé de manière plus ouverte. Pour moi, décrire aujourd’hui les créatures surnaturelles en jouant davantage sur la métaphore, à la manière des auteurs du XIXe siècle, ce serait plus complexe, et pas forcément abordable pour le lectorat. Pour moi, en tout cas, ce n’est pas toujours abordable. Et je pense que si c’est mon cas, ça doit aussi l’être pour d’autres lecteurs. Pour moi la bit-lit est indissociable d’une part d’érotisme et de sensualité. Il y a une manière d’envisager l’héroïne, la femme a sa place dans la société, qui fait que ne pas dissocier cette même héroïne de sa sexualité est incontournable à mes yeux. J’avais donc envie de garder ça, que ce soit à découvert.

Tu parles de la place du vampire dans la société. Quelque part, c’est peut-être aussi pour ça qu’il fait les choses de manière plus visible, justement parce qu’il fait partie de la société moderne.

Pour moi, il y a le vampire pré-Anne Rice , qui est vraiment une créature sans sentiments et qu’on ne peut pas associer à quelque chose d’humain (notamment de la société). Et à partir d’Anne Rice, on voit les choses du point de vue des vampires. Du coup, on peut trouver des points sur lesquels s’identifier. Ok, c’est une créature monstrueuse qui tue des gens et boit du sang, mais on peut trouver des choses en commun, notamment des émotions. Du coup il n’est plus distancié, ce n’est plus juste une créature. Il fait partie de l’humanité et de la société. A partir de ce moment-là, l’évolution me semble logique, j’ai envie de dire. Il y a eu Twilight, où le vampire va à l’école. Malgré tout le mal qu’on a pu en dire (et celui que j’en pense, sur de nombreux aspects  je ne considère même pas qu’il s’agisse d’un vrai vampire  ), il y a eu cette évolution-là, qui a marqué un tournant malgré tout, et qu’on ne peut pas ne pas prendre en compte quand on écrit sur le sujet à l’heure actuelle. On ne peut pas se dire : moi j’arrive certes après mais je ne suis pas d’accord avec cette conception des choses, donc je reviens 10 ans en arrière.

Requiem pour Sascha est présenté par ton éditeur comme un des nouveaux moteurs de la bit-lit francophone. Quel regard portes-tu sur la place actuelle du genre dans les littératures de l’imaginaire ?

Avant d’être auteur de bit-lit, je suis lectrice de bit-lit. J’en lis énormément, tout le temps, de la bonne comme de la mauvaise. J’ai vraiment une passion pour ce genre, que je pense fait pour perdurer. Qui n’est pas uniquement une mode, destinée à n’avoir qu’une vie éphémère, le temps que sorte les 5 films de Twilight. Pour moi, c’est autant une évolution intéressante que logique des genres de l’imaginaire.

Petite anecdote. Quand j’avais 12-13 ans et que j’écrivais dans ma chambre, me rêvant grand écrivain, je me disais il y a plein de choses qui ont été faites avant moi. Ça va être compliqué d’être originale. J’avais donc envie de faire quelque chose qui soit différent, sans pour autant réinventer la roue. J’avais envie de trouver un petit truc qui change de d’habitude. A l’époque, ma connaissance des littératures de l’imaginaire était limitée à la Fnac du coin, la bibliothèque de quartier, et ce qu’on pouvait me proposer. Il n’y avait pas Internet à l’époque. Je n’avais donc pas une connaissance infinie du genre. Je me suis dit, j’adore la fantasy, j’aimerais bien faire un truc à moi qui soit plus neuf. J’avais ainsi envie de placer des personnages de fantasy dans un univers et un cadre urbain. C’était une nouvelle catastrophique que j’espère personne ne retrouvera jamais, mais c’était l’histoire d’un elfe qui se baladait dans notre monde quotidien. A 12 ans, pour moi-même, j’avais donc inventé la fantasy urbaine. J’ai bien sûr découvert a posteriori que plein d’autres gens l’avaient inventé avant moi, et que c’était pas nouveau.

L’évolution que représente la bit-lit est donc pour moi logique, parce que j’avais eu pour moi cet instinct quand j’étais jeune. Comme tous les autres sous-genres de l’imaginaire, du Steampunk, de la fantasy, de la SF… la bit-lit est à mes yeux un chainon en plus, destiné à rester et à évoluer.

Tes premières et dernières rencontres avec un vampire, en littérature ou au cinéma ?

Ma première rencontre avec un vampire, je ne m’en souviens pas. Je ne me rappelle pas du jour où j’ai découvert cette notion, comme s’il avait toujours été présent, comme une espèce de conscience collective commune. Je n’arrive donc pas à me me remémorer ma première lecture sur le sujet. Après, ce qui m’a marquée dans ma jeunesse, c’est au cinéma Entretien avec un vampire, que j’ai vu très jeune. Je me demande encore comment mes parents ont pu me laisser regarder ça à cet âge-là. J’ai vu le film, j’ai dévoré les livres en 4 nuits, et ça a été quelque chose qui m’a marquée durablement, et qui a durablement influencé mon intérêt pour le mythe du vampire, que j’aimerais continuer à explorer le plus longtemps possible.

La plus récente rencontre avec un vampire ? Je lis de la bit-lit tous les jours, donc il y a du vampire assez régulièrement. Ma dernière non-rencontre, c’est le film de Jim Jarmusch, Only Lovers Left Alive, que je n’ai du coup pas vu. J’attends donc le DVD.

Et ce qui t’aurait le plus marquée dernièrement sur le sujet ?

Pas grand chose. J’ai l’impression qu’il n’y a pas eu grand chose de marquant sur le sujet depuis un moment, même si ça a un côté snob dit comme ça. Ah si, il y avait un film, mais je ne me rappelle plus du titre. Jouons aux devinettes, du coup. Un film un peu post-apo, où les vampires sont la race dominante…

Daybreakers ?

Oui c’est ça ! Je n’en attendais pas grand chose, étant passée à côté de sa sortie ciné. Mais j’ai trouvé ça très sympa, et assez intéressant sur l’univers. Le scénario ne laisse pas une impression de merveille éternelle, mais l’univers était assez travaillé.

Pour toi comment peut-on analyser le mythe du vampire ? Qu’est-ce qui en fait la pérennité ?

Ce qui en fait la pérennité, c’est qu’il y a une fascination pour une créature qui a été humaine, qui a vu des siècles d’histoire et qui ne répond pas aux codes de la société. Qui participe sans participer. Qui a une bonne excuse de faire ce qu’il a envie de faire, et de dire merde à tout le monde. Un côté rebelle anarchiste, et l’incontournable rapport à la sexualité et au sang.

As-tu d’autres projets de livres sur le même thème ? Quelle va être ton actualité dans les semaines et mois à venir ?

Le premier tome de Requiem pour Sascha est sorti le 23 mai. Le suivant sort en août. Le tome 3, si je survis à mon actualité, sortira en novembre. L’année va donc être chargée. Je vais être en effet soit en train d’écrire, soit en train de chercher de la cocaïne pour survivre au planning, soit sur des salons à faire la promotion de la série. Du coup, pour tout autre projet, il va falloir attendre que j’ai récupéré une vie. Une fois que j’aurai fini le tome 3, j’envisage de dormir pendant 2 mois, et ensuite de profiter de mon abonnement à World of Warcraft qu’on m’a offert à mon anniversaire et que je n’ai pas le droit de toucher avant d’avoir mis un point final au tome 3.

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