Londres, 1891. Ethan Chandler, un Américain roublard qui survit en se donnant en spectacle, accepte la proposition de Vanessa Ives et Sir Malcolm Murray. Tous deux ont en effet besoin de ses dons de tireur pour les escorter lors d’une mystérieuse entrevue. S’associant de manière plus appuyée à l’étrange duo, Ethan va voir un petit groupe se constituer autour d’eux, entre le Dr Victor Frankenstein ou encore Van Helsing. Mais la menace représentée par les créatures qu’ils traquent n’est pas unique, car chacun d’eux a sa croix à porter, fardeau qui risque à un moment ou un autre de mettre en danger son implication dans le combat.
A l’origine, les penny dreadful sont des récits fictifs (majoritairement dans le giron horreur, mais embrassant en fait tous les genres de la littérature populaire) vendus sous formes d’épisodes, à 1 penny chacun. Il s’agit d’une forme littéraire anglophone qui a vu le jour dans les années 1830, comme une alternative meilleur marché que les récits de Dickens, qui se ciblent dès 1850 les adolescents. Les grands récits phares du gothique anglais de l’époque (Dracula, Le Portrait de Dorian Gray, Frankenstein) ne sont pas à proprement parler des penny dreadful, car non destinés à être édités sous cette forme. Mais il est fort probable que des rééditions de ces ouvrages (ou des copies) l’aient été. A noter que le genre est d’ailleurs utilisé dans la série, Van Helsing tendant un exemplaire de Varney le vampire à Frankenstein, quand tous deux se penchent sur les aspects scientifiques de la créature.
Après la déconvenue Dracula (série de de NBC qu’il va falloir que je trouve le courage de finir), c’est avec un certain plaisir que je suis tombé sur le premier épisode de Penny Dreadful. Car pour ce qui est de la mise en scène du Londres victorien, force est de constater que les auteurs de la série ont mis les petites plats dans les grands, aussi bien sur le fond (l’intérêt pour le spiritisme et le mesmérisme, l’égyptomanie ) que sur la forme (la vision des rues de Londres, poisseuses et sombres, régulièrement envahies par le Fog). Une immersion réussie et fouillée dans l’Angleterre de la fin du XIXe siècle, qui se dote en outre d’un casting haut de gamme, entre Timothy Dalton, Eva Green, Josh Hartnett (que les amateurs de vampires ont déjà vu dans de 30 jours de nuits) ou encore Billie Piper.
Les scénaristes ont choisi de puiser librement dans les romans gothiques classiques pour modeler leur propre histoire, plutôt que de respecter au pied de la lettre les récits d’origine. Un choix osé, d’autant que les matériau de base sont des ouvrages comme Dracula, Le Portrait de Dorian Gray, Frankenstein, voire Le Fantôme de l’opéra, particulièrement connus et appréciés du grand public (et dont les personnages sont dans le domaine public, ce qui a pu aussi influencer les choix des scénaristes). Pour autant, le brassage effectué se tient bien. Les personnages sont convaincants, autant par ce qu’ils héritent de leur archétype d’origine que par ce qui leur a été ajouté. L’histoire regorge de mystères (notamment pour ce qui est des secrets dissimulés par les différents personnages, qui sont tout sauf manichéens) et de faux-semblants qui permettent de conserver intact l’intérêt du spectateur d’un bout à l’autre, sans réel temps mort. Et que dire du rendu visuel de la Londres victorienne, particulièrement travaillé (le théâtre a été intégralement fabriqué en studio), et autrement plus convaincant que les effets spéciaux fauchés du Dracula de NBC.
Le mythe du vampire mis en scène dans la série est assez original. Si certains éléments proviennent du Dracula de Stoker (à commencer par la présence de Mina Murray et celle de Van Helsing), les scénaristes dotent ici les vampires de racines égyptiennes, et les relient à deux entités de l’Egypte ancienne : Amun-ra et Amunet. Les corps des vampires portent ainsi des tatouages sous-cutanés, protégés par un exosquelette, reprenant des passages du Livre des morts tournant autour de ces deux entités. Les vampires sont représentés comme des créatures à la peau d’albâtre, pour autant aussi rapides qu’avides de sang, mais qui ne se déplacent que la nuit tombée. Comme l’explique par ailleurs Van Helsing à Frankenstein, le vampirisme provoque une mutation du sang des victimes. Pour tuer les créatures, il ne reste qu’à leur enfoncer quelque chose en plein cœur où à leur détruire la tête (voire les décapiter). On note enfin une sorte de hiérarchie, tous les vampires ne semblant pas avoir les mêmes pouvoirs, entre le maître et son aspect très Nosferatu et des créatures comme Fenton, plus proche de l’humain tout en étant victime des besoins du vampire.
Une première saison vraiment réussie, qui distille une ambiance d’une noirceur rare, portée par un casting sans faille. Une vision revisitée des grandes classiques de l’horreur de la fin du XIXe siècle qui s’avère plus judicieuse qu’une adaptation d’un des classiques, et offre un potentiel scénaristique autrement plus poussé pour les saisons à venir. On peut certes objecter que certains personnages connus ont droit à un traitement radical (je pense à Van Helsing), pour autant l’ensemble est pour le moins cohérent.