Dans une France en pleine débâcle Napoléonienne, alors que Louis XVIII est rappelé au pouvoir, le colonel Édouard Delmont décide de quitter précipitamment Paris, accompagné de sa femme, de leurs deux enfants et de Raoul, son homme de confiance. Rapidement, ils trouve une vieille demeure à louer dans la campagne toulousaine. Même s’il justifie ce départ précipité à sa femme par de fausses spéculations à son encontre, la raison politique ne semble pas être la seule ayant motivé le départ du colonel. Alors qu’il doit précipitamment se rendre auprès de sa sœur, le colonel laisse sa famille aux bons soins de Raoul. C’est alors qu’une mystérieuse étrangère venue de Hongrie décide de s’établir non loin de là. Lorsque Raoul reconnaît cette dernière, il sait qu’un danger pèse sur la sérénité de la famille Delmont.
Présenté par l’éditeur, Florian Balduc, comme la première variation française sur le thème de la morte amoureuse, avant même la publication du texte éponyme de Théophile Gautier (1836). Plus de 10 ans avant la nouvelle de l’auteur du Capitaine Fracasse, Lamothe-Langon, qui avait déjà plusieurs textes à son actif à cette époque, se fera plus tard connaître par son Histoire de l’Inquisition, et par de nombreuses biographies souvent présentées comme falsifiées. Reste que son Vampire est un texte qui devenait aujourd’hui difficile à trouver, et dont la place chronologique attire d’emblée l’attention de l’amateur d’histoire de littérature vampirique.
Comme à leur habitude, les éditions d’Otrante proposent un bel objet, en grand format, imprimé sur papier épais, sur le moule des précédents opus sortis dans la « Collection Méduséenne ». Le texte est par ailleurs augmenté d’une note de l’éditeur qui rappelle la place de l’ouvrage dans les premiers textes de fiction français sur le thème du vampire, d’une postace de Valery Rion, qui met en parallèle le texte de Lamothe-Langon et celui de Gautier, d’un article de Florian Balduc qui se penche sur l’hystérie vampirique du XVIIIe siècle, le tout se clôturant par des extraits du Pays par-delà la forêt d’Emily Gerard, extraits centrés autour des chapitres consacrés au folklore transylvain, notamment les croyances, rituels et pratiques associées à la mort (et aux vampires).
Le texte de Lamothe-Langon constitue cependant l’essentiel de l’ouvrage. Après lecture, force est de constater l’intérêt du texte, même si les habitués éventerons rapidement le déroulement de l’action, une fois les premières pages passées. Pour autant, Lamothe-Langon fait preuve d’un incontestable talent de mise en scène de ses personnages (à ce titre, les rencontres entre Alinska et Édouard sont de vraies perles du genre, à l’ambiance gothique aussi pesante que réussie), et d’une utilisation fine des éléments surnaturels, qui finissent par s’imposer au lecteur sans démonstration de force, procédant par suggestion (le gant d’Alinska, son aversion pour la chose religieuse, son isolement, les allusions quand elle prend la parole) plutôt que de mettre d’emblée le lecteur face au surnaturel, attendant les dernières pages pour lever le voile sur le mystère qui entoure la mystérieuse Hongroise.
Un texte vraiment réussi, qui méritait d’être remis en lumière, et ne démérite aucunement vis à vis des autres nouvelles fondatrices de la littérature de fiction sur le vampire. L’intégration d’extraits particulièrement intéressants du livre d’Emily Gerard (jamais traduits en français) permet en conclusion d’explorer les liaisons entre le vampire du folklore et celui de la littérature, et d’observer que si la représentation du vampire n’y est pas la même, la fiction n’en a pas moins (et continue) puisé dans les caractéristiques héritées du folklore pour donner vie au vampire tel que nous le connaissons aujourd’hui.