Deuxième volet pour cette anthologie des éditions Lune Ecarlate, sous le direction de Marc Bailly, qui propose des textes vampiriques à des époques ne dépassant pas la Renaissance.
Dans un univers où la magie et l’humanité cohabitent, un roi force la main d’une chef de meute pour qu’elle lui ramène le remède miracle censé sauver sa femme. Secondée d’une de ses créatures et du fils du roi, la meneuse fait donc route vers la forêt où serait retenu prisonnier la fée dont le sens renferme l’espoir du roi. «Dracula – Les origines du mal» est une histoire de Malvyl qui commence dans une ambiance très typée dark fantasy, avec une mythologie personnelle qui se raccroche tardivement mais avec intérêt au thème central, après quelques incursions fugaces.
Le texte suivant, «la récitation du scalde», fait comme son nom l’indique le pont avec l’univers nordique, et notamment sa mythologie (via la figure de Loki). Sous la plume de Marie-Charlotte Tanguy, on y suit les pas d’un guerrier viking dont le quotidien va basculer suite à une rencontre avec un étrange personnage, sorti de nulle part. Si certains retournements de situation sont attendus, l’utilisation du thème (et la liaison avec le panthéon asgardien) est plutôt ingénieuse.
«L’apocalypse selon l’an mil», signé JB Leblanc, se déroule en France, à l’époque de l’an 1000. On y suit un moine missionné pour calmer les superstitions induites par l’approche du millénaire. L’histoire est particulièrement sombre dès le début (le contexte aidant), et verra un ecclésiastique plutôt pragmatique confronté au mal à l’état pur. Une ambiance très réussie, et quelques éléments assez intéressants dans l’utilisation du mythe (la transmission de la connaissance notamment).
«Le remède» de Patrick S Vast est le 4e texte du lot. L’auteur y déroule une histoire centrée autour du pouvoir curatif du sang, notamment le sang d’une vierge. Y est également mis en scène l’oppression des serfs par la noblesse. Pour autant, la fin m’a semblé quelque peu capillotractée.
«Lilith» de Marc Van Buggenhout se déroule durant les croisades, et imagine que les armées d’Occident font appel à un vampire pour mettre un terme aux exactions d’un de ses congénères. Sauf qu’il ne s’agit pas de n’importe lequel d’entre eux, mais de la sulfureuse Lilith. L’auteur joue sur certains pouvoirs vampiriques (celui de ressentir la proximité d’un autre vampire, de se transformer en animal nocturne), et détourne certains codes des récits du genre (la religion, avec la présence d’un prêtre défroqué).
«Agnus Dei» de Nicolas Saintier met en scène une jeune amoureuse qui rentre bien tard chez elle. Une situation qui va lui valoir de rencontrer une créature de la nuit, et découvrir le lien réel entretenu par l’Église vis à vis des buveurs de sang. Plutôt bien ficelé dans le genre.
Chris Red signe ensuite «La naissance d’un vampire». Un texte qui se démarque du lot, et entraine le lecteur à suivre les pas d’un marchand qui intègre la caravane de Niccolò Polo, alors que le jeune Marco est encore un enfant (déjà ambitieux). Un texte historiquement intéressant, mais le propos vampirique y est quelque peu noyé.
«Lignage» de Salyna Cushing Price met en scène 3 générations de femmes destinées, à un moment ou un autre, à se transformer en créature de la nuit, au travers d’un rituel. Assez sombre et violent, la place de la femme dans cette histoire marque clairement sa différence.
«Felix Culpa», de Michel Lamart, est le premier de deux textes consacrés à Gilles de Rais. Le texte possède pour lui son style (l’auteur ayant opté pour le vieux françois), mais je lui préfère l’autre texte consacré au même personnage, «Parmi les ombres du château» de Tepthida Hay. L’auteur n’y convoque par la langue de l’époque, mais ses personnages sont plus travaillés, plus intéressants, et elle démontre une fois de plus son habileté à jouer avec le mythe (elle était déjà au sommaire de l’anthologie Vampire Malgré Lui).
«Démon Blanc» de Pierre Bruhlet me permet de retrouver la plume de ce dernier, déjà croisé plusieurs fois (dont au moins une dans le cadre d’une anthologie aux dents longues). A la différence de ses pairs, l’auteur choisi l’Afrique comme point d’ancrage de son intrigue, mettant aux prises deux enfants avec la créature de légende qui a tué les leurs. Mais s’ils puisent dans les récits de leur peuple pour appréhender leur ennemi, ce dernier vient pour autant de l’occident, et utilise un bateau pour se reposer à l’abri de toute attaque. Un texte bien mené, avec des idées intéressantes,, qui en appelle autant à l’universalité des mythes qu’aux spécificités de chaque culture face à ceux-ci.
«La seconde jeunesse de la bienheureuse comtesse Loba» de Daniel Walther, est un des rares textes dans lesquel je n’ai pas réussi à m’immerger. On y suit l’histoire du noble vampire, entre Espagne et Transylvanie. Il ne reste du coup pas grand chose de ma lecture.
«Un nouveau monde» de Jean Lhassa & Mythic se déroule en Espagne, alors en pleine Reconquista. Un vampire parvient à obtenir des cartes lui permettant de faire voile vers une nouvelle terre, alors qu’au même moment Christophe Colomb se prépare à son voyage. Mais la trahison guette. Une histoire bien amenée, qui prend son temps et propose un dénouement tragique à souhait.
«Le secret des Frères Mineurs» de Nicolas Pages est l’avent dernier texte du recueil. On y croise à nouveau le chemin de Colomb, par l’entremise du héros, qui travaille pour ce dernier. Il doit convier une étrange caisse sur le Nouveau Monde. Mais des morts étranges commencent à se produire dès les premiers jours de la traversée. L’auteur propose une version revisitée du voyage du Démeter dans un contexte différent. Assez réussi.
«Hans» de Valérie Simon est le deuxième texte de l’auteur que je lis sur le thème du vampire. Elle choisit cette fois-ci son Alsace natale pour narrer l’histoire de Hans von Trotta, un chevalier de sinistre réputation, qui prend possession de son nouveau fief. Si les habitants ont délaissés ce dernier, la troupe du chevalier à la surprise de trouver une étrange prisonnière dans les geôles. Laquelle va ensorceler le seigneur, jusqu’à provoquer le départ de la compagne de ce dernier. Un des textes les plus réussis du recueil, à n’en pas douter.
L’ensemble des textes tend à ne pas s’ouvrir d’emblée sur le vampire, et à mettre ce dernier en situation d’antagoniste, revenant aux premières incarnations littéraires du genre. Le vampire est ici tour à tour folie, tentation, perversion mais aussi moyen d’émancipation. Reste que tout n’est pas parfait non plus : certains textes se perdent en circonvolutions, d’autres font quelque peu doublon (deux textes sur Gills de Rais, deux où l’on croise le chemin de Colomb…).
Un recueil que j’ai trouvé davantage varié que le premier, plus original dans les approches des différents textes, et qui vaut le détour. J’espère que certains des auteurs auront le goût de poursuivre ces armes contre les bêtes à crocs par des textes plus long.