Alors que Jason McGuire semble détenir des informations compromettantes sur Elizabeth Collins Stoddard, Willie Loomis, un de ses amis qui d’arriver à Collinwood, est attiré par un vieux portrait suspendu à l’entrée du manoir Collins. Il s’agit de la représentation de Barnabas Collins, un aïeul de la famille mystérieusement disparu en Europe. Les bijoux que porte le personnage attisent la cupidité de Loomis, qui apprend que certains Collins se sont fait enterrer avec leurs colliers, bagues et autres pierres précieuses. Le jeune homme décide de se rendre au caveau familial afin de constater par lui-même la véracité de la légende… et en profiter pour faire main basse sur les apparats de la famille Collins.
Si Dark Shadows est une série TV quasi-inconnue chez nous (elle n’a jamais été doublée), il n’en est pas de même aux Etats-Unis, où le programme de 1225 épisodes trône en bonne place dans le panthéon des séries fantastiques. Si la série créée par Dan Curtis a mis un certain temps à trouver son style comme l’adhésion du public, le recours à l’imaginaire semble avoir été au cœur de son succès. Ainsi, au fil des saisons, croisera-t-on fantômes, phœnix, sorcières, loup-garou, de même que des thèmes comme la réincarnation, le voyage dans le temps, etc… en 1966 ! La série fut diffusée entre 1966 et 1971 sur ABC, et compte un nombre impressionnant d’axes narratifs (une quarantaine, répartis dans les différents époques où se déroulent le feuilleton), tout en ayant donné vie (et une place centrale) à un vampire emblématique : Barnabas Collins. La série, depuis son arrêt, continue d’être rediffusée sur les différents réseaux US (encore à ce jour), a bénéficié d’adaptations et suite en comics (il y a même un crossover avec Vampirella !), romans et dramatiques audio, a été adaptée en jeux de plateaux, a été réadaptée (avec un nouveau casting incluant Barbara Steele et Roy Thinnes) en 1991 (pour une saison incomplète), et a connu deux longs métrages : Night of dark shadows en 1970 et House of dark shadows en 1971, deux films réalisés par Dan Curtis. Sachant enfin que, depuis 1983, un festival dédié aux fans de la série a lieu chaque année, avec les acteurs survivants. Mais, en France, on ne la connaît que pour le film de Tim Burton, adaptation potache et caricaturale qui reprend certains éléments originaux (des morceaux d’arcs narratifs qui se retrouvent catapultés les uns contre les autres, dans une mixture indigeste) pour un résultat nettement moins intéressant que l’œuvre originale, sorte de mix improbable entre Les visiteurs de Jean-Marie Poiré et une caricature du style de Tim Burton (qui ne semble plus en mesure de se renouveler), Johnny Depp y reprenant le rôle du vampire en cabotinant à outrance. Pour un scénario signé Seth Grahame-Smith (auteur d’Abraham Lincoln : chasseur de vampires), on aurait pu s’attendre à mieux.
La présente compilation regroupe l’arc consacré au retour de Barnabas Collins, lequel a été enchaîné depuis plusieurs siècles dans une pièce secrète du caveau familial. L’arc dure une vingtaine d’épisodes, et est précédé par un rappel extrêmement dense de ce qui s’est passé jusque-là dans la série (l’arc en question commence à l’épisode 202). Malgré une image qui a bien vieilli (il n’y a eu aucun travail de restauration sur cette version), et une bande son qui accuse elle aussi le poids des ans, il y a un charme fou qui se dégage de cette sélection. Les amateurs peuvent ainsi découvrir l’œuvre culte dans son jus d’époque, et l’étrange et audacieux mélange entre soap opera et fantastique qu’elle proposait alors sur le petit écran. La réalisation est codifiée à l’extrême (il y a de nombreuses scènes ou les personnages échanges en regardant tous deux la caméra, alors qu’ils sont situés sur des plans différents de l’image), les effets spéciaux très limités, mais les acteurs campent à merveille leurs personnages, leurs angoisses et secrets inavouables. Les décors ne sont pas légion (encore un effet du soap, où on se focalise sur les intérieurs, quasi jamais sur les extérieurs), mais sont relativement travaillés. Mention spéciale pour l’ancienne demeure des Collins, où Barnabas pose ses pénates, ainsi que pour le cimetière, qui en appelle plus à Universal qu’à la Hammer.
Côté vampire, un seul personnage de cet arc est associé au mythe : Barnabas Collins. Si on ne sait pas comment il est devenu vampire, ni s’il existe des moyens de l’affronter, on comprend rapidement qu’il a été tenu prisonnier dans son cercueil, perdant peu à peu toute force physique. Il lui faudra s’abreuver à même la gorge de Willie Loomis pour recouvrer assez de force, et arpenter à nouveau Collinsport. Il semble devoir reposer chaque jour dans ce même cercueil, et ne sortir qu’à la nuit tombée. Rapidement, il fait de Loomis son homme-lige, ce dernier se pliant contre sa volonté aux demandes du maître. En ce qui concerne ses attributs physiques, il possède les canines des vampires, qui laissent des traces caractéristiques sur la gorge de ses victimes. La morsure lui donne enfin la possibilité de contrôler psychiquement sa proie (et à ce titre, les jeunes femmes semblent avoir sa préférence).
Il faut également noter un point qui n’est pas au centre (même s’il est bien présent) de cet arc de la série mais à son importance sur la fortune littéraire et cinématographique du vampire. Maggie Evans présente une troublante similitude avec Josette, l’amour défunte de Barnabas (la série joue sur l’idée qu’elle puisse en être la réincarnation). Dan Curtis se rappellera de cette idée pour son Bram Stoker’s Dracula, en faisant de Mina la réincarnation de la femme disparue de Dracula. Ce qu’une majorité de réalisateurs et écrivains réintégrera dans leurs adaptations et variations autour du personnage, et ce encore aujourd’hui (le dernier en date : dans le Dracula de Dario Argento).
Dark Shadows est une série incontournable quand on s’intéresse à l’histoire du vampire en littérature et au cinéma. Si l’œuvre de Dan Curtis est quasi-inconnue par chez nous (voire que la connaissance qu’on en a est brouillée par la version ridicule de Burton), on ne peut retirer à la série son cachet, même encore aujourd’hui, et l’influence qu’elle a pu avoir sur les feuilletons TV à connotation fantastique.