Barde-Cabuçon, Olivier. Interview avec l’auteur du Carnaval des Vampires

Bonjour. Pouvez-vous vous présenter pour les internautes de Vampirisme.com ?

Il naquit avec le don du rire et le sentiment que le monde était un peu fou. Depuis, il écrit des romans pour savoir ce qu’il y a dedans !
À commis plusieurs méfaits : Les adieux à l’empire (sous le 1er empire), Le détective de Freud (dans le Paris de la Belle Epoque) et la série des enquêtes du commissaire aux morts étranges sous le règne de Louis XV dont la 7e enquête vient de sortir : Le carnaval des vampires.
Pardon pour cette présentation à la troisième personne. C’est soit signe de recul, soit un signe clinique avancé du syndrome Alain Delon !

Le Carnaval des vampires est sorti il y a quelques semaines aux Editions Actes Sud. Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce projet ?

Barde-Cabuçon, Olivier. Interview avec l'auteur du Carnaval des VampiresLes enquêtes du commissaire aux morts étranges, qui portent bien leur nom, se situent souvent à la lisière du fantastique ou de l’étrange. Ce qui m’intéresse dans le XVIIIe siècle, ce ne sont pas les lumières, mais les ombres !
Mon duo d’enquêteurs est composé du jeune commissaire aux morts étranges qui recherche toujours une solution rationnelle tandis que le moine hérétique, son père, est un érudit fantasque et toujours ouvert à tout et surtout curieux de tout. Après avoir étudié notamment des thèmes comme le satanisme dans Messe noire, ou la possession diabolique avec Entretien avec le diable, j’avais envie de mettre en avant le peuple de la nuit. Ceci d’autant plus que le XVIIIe siècle est le siècle des vampires en Europe centrale. Louis XV demande à son ambassadeur d’enquêter à ce sujet et l’impératrice Marie-Thérèse commande en 1755 (un an donc avant la date du récit du Carnaval des vampires) un rapport médical sur les vampires !

Il me semblait avoir lu que la série devait s’achever au 7e tome ? Qu’est-ce qui a influencé votre choix de poursuivre les aventures de Volnay et du Moine ?

Je n’avais au départ aucune intention de créer une série et puis, avant même d’avoir terminé le premier j’avais déjà commencé à écrire dans ma tête le début du second et depuis c’est toujours comme ça ! Ajoutons à cela mon attachement à mon duo d’enquêteurs, le commissaire aux morts étranges et le moine hérétique (mon double littéraire). En fait, je continue la série tant qu’elle continuera à me plonger, quand j’écris, dans un état de surexcitation totale et que mes personnages continueront à me surprendre !

Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir Venise pour ce roman fortement teinté de vampirisme ? Le passif vampirique de la ville a-t-il joué ?

Indéniablement, mais pas seulement ! Beaucoup de facteurs en fait !
La Venise gothique et crépusculaire que je décris s’y prêtait bien et la polémique sur le squelette de la femme enterrée sur une île de la lagune (Lazzaretto Nuovo), avec une brique entre les dents pour l’empêcher de mordre a été un facteur déclenchant. Ainsi que les deux grandes épidémies de peste connues par Venise et qui ont changé son rapport à la mort. Les liens anciens tissés entre l’Empire d’Orient (et avec Byzance, on se rapproche de Vlad !) avant la fatale trahison. Les rues labyrinthiques. Le système des portes (Porte de la mer, Porte de l’Orient etc … en un clin d’œil à Corto Maltese et son itinéraire à Venise). Les grandes échappées possibles dans la lagune. L’agonie de la très vieille république de Venise dont les édifices et toutes les structures politiques se lézardent. La possibilité d’un carnaval où tout devient possible derrière un masque sachant également qu’en dialecte vénitien on emploie le même mot pour désigner masque ou visage. Et enfin l’éventualité et la menace d’une acqua alta qui vient balayer tout cela.

À la lecture du roman, j’ai senti une réelle volonté de mixer l’approche fictionnelle et l’approche folklorique du vampire ? En effet, vos personnages sont au fait du travail d’auteurs comme Raft et Calmet, mais dans le même temps votre mythologie vampi-rique rappelle certains aspects de séries littéraires récentes (je pense à Gail Carriger, dans le parallèle entre vampires et abeilles) ?

Mille pardons, je n’ai pas lu Gail Carriger. Le thème de l’essaim est assez régulier dans les légendes urbaines d’aujourd’hui (Patricia Briggs, Kim Harrisson …), mais je pensais plutôt (sans rapport apparent) à La ruche d’Hellstrom de Frank Herbert ou à L’apiculteur de Bonaparte de José Luis De juan. Dans ce dernier, un apiculteur de l’île d’Elbe découvre que Napoléon Bonaparte doit toutes ses victoires à son lien très particulier avec les abeilles. Et l’organisation d’un essaim et d’une ruche est à proprement parler fascinante. Le nom de Corvinus pour Maddalena dans mon roman est un clin d’œil à Underworld.

Le moine hérétique, avant d’être un déconneur, est un érudit. Dans une enquête, il analyse toujours les faits en les plongeant dans un contexte historique. Et comme je l’ai dit, c’est mon double littéraire. Lui et moi, nous nous sommes donc intéressés à beaucoup de sources. Je vais m’en tenir à quelques-unes seulement. Citons d’abord Lilith, l’ancêtre de ces démons et qui mêle déjà sang et sexualité. La mythologie grecque avec Lamia qui engendre les horribles lamies, démons femelles de l’Air et de l’Eau. Appollonius de Tyane, un philosophe grec qui rapporte déjà des anecdotes de vampires en Grèce ou en Orient. L’antiquité romaine et ses larves. Les Milles-et-Une nuits avec ses histoires de vampires. Joseph Pitton de Tournefort et les événements de Mykonos que j’évoque dans mon roman. Toutes les traditions et les rituels dans les pays d’Europe autour de la veillée funèbre et de l’enterrement. Ferdinand de Schertz et le très contesté Dom Augustin Calmet. Et puis, bien entendu, les contradicteurs comme Prospero Lambertini, Voltaire ou Boyer d’Argens. Il faut savoir donner la parole à tout le monde ! Après, sur un fond de documentation solide et porté par les archétypes, l’imagination fait le reste !

Quel regard portez-vous sur l’évolution du vampire en littérature ces dernières années ?

J’ai vu une explosion du thème dans la bit-lit de la fantasy urbaine avec notamment des auteurs que j’ai apprécié comme David Wellington (la superbe série Vampire Story) et Kim Harrison (la série Rachel Morgan). De très belles choses comme tout dernièrement la découverte de La glace et le sel de José Louis Zarate. Mon seul regret est de voir un peu trop le thème du vampire récupéré dans des séries littéraires, cinématographiques ou télé d’inégale qualité et dans un contexte de légendes urbaines. Le vampire est ainsi trop banalisé et réintégré de force dans notre environnement urbain moderne. Se pose aussi le problème de la qualité littéraire de certains textes. C’est pourquoi des retours aux sources et au style comme le contemporain de Zarate me font plaisir.

Quelles sont vos premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et/ou cinématographique) ?

Au cinéma, j’ai dû le découvrir pour la première fois, en tombant sur un ciné-club, les vieux films noir et blanc sous-titrés avec Bela Lugosi et son incomparable accent d’Europe centrale et ceux avec Christopher Lee puis ceux avec Peter Cushing. Des vraies gueules de vampires ! Cette découverte des vieux standards a été suivie de contemporains comme le Nosferatu de Werner Herzog, plus tard de Van Helsing, du Dracula de Coppola ou Entretien avec un vampire. Ou encore, moins sérieusement (mais ne me jetez pas la pierre !) de la trilogie urbaine de Blade, ou enfin des Underworld dont je suis un grand fan. Mais j’ai peine à tout citer !

Littérairement, j’étais déjà adolescent un grand fan de SF, d’héroïc fantasy, de cyberpunk et de fantastique avec notamment Lovecraft et son appel de Cthulhu sur la base duquel je préparais ou jouais des jeux de rôle. Je suis donc tout naturellement passé au Dracula de Bram Stoker, au Carmilla de Le Fanu, Je suis une légende de Matheson, Histoire de la dame pâle de Dumas, Anne Rice, l’historienne de Drakula d’Elizabeth Kostova (d’où le clin d’œil en nommant Maddalena Corvinus : Historienne officielle des vampires à Venise) puis de la bit-lit etc. Mon dernier lu : La glace et le sel !

Pour vous, comment peut-on analyser le mythe du vampire ? Qu’est-ce qui en fait la pérennité ?

Le mythe immortel du sang d’abord. Ce sang qui scelle les pactes, qui court dans nos veines … la vie, quoi. J’ai été marqué dès ma jeunesse dans la mythologie grecque (qui a toujours été une source d’influence pour moi) par les mânes d’Hadès qu’on abreuve de sang pour les évoquer comme se plaît à le rappeler le moine, mon infernal double littéraire.
Le mythe de l’immortalité ensuite. Immortalité du corps plus que de l’âme à partir du moment où, comme l’explique le moine, une religion qui prône l’immortalité de l’âme suscite inévitablement son contraire en faveur de l’immortalité du corps.
Le rapport troublant de l’homme à la nuit, le vampire étant d’essence lunaire …
La sensualité enfin. Car si le zombie vous dévore, le baiser du vampire est pour sa part très sensuel et, comme nous le savons tous, à la limite de l’acte sexuel.

Avez-vous encore des projets de livres sur ce même thème ? Quelle va être votre actualité dans les semaines et les mois à venir ?

Je travaille actuellement sur le prochain épisode de la série qui se déroulera en Orient avec une redécouverte des Mille-et-Une Nuits à ma sauce très personnelle et le plus étrange des meurtres des enquêtes du commissaire aux morts étranges. J’alterne avec l’écriture d’un hors-série très particulier pendant les années folles à Paris. En principe, ces deux romans sortiront en 2019. Enfin, fin d’année, début de la publication de la série en langue anglaise. Une invitation au voyage …

Enfin, et entre nous c’est le plus important, un lecteur vient de me poser la question cruciale : mais quand donc allez-vous cette fois-ci tomber tout entier dans le fantastique ? Voilà, comme dirait le moine : ça, c’est la question !

Barde-Cabuçon, Olivier. Interview avec l'auteur du Carnaval des Vampires

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