Abner, un sorcier hopi, explique à son ami Youngman Duran qu’il veut en finir avec le monde, et entame sous les yeux de celui-ci un étrange rituel. Le jeune shérif adjoint ne sait que penser du vieux sorcier pour qui il s’est pris d’affection. Mais il découvre son corps le lendemain, vidé de son sang, au milieu du dessin qu’il avait exécuté devant les yeux de Youngman. Dans le même temps, on retrouve du bétail exsangue, mystérieusement attaqué par un animal inconnu. Abner a-t-il déclenché les puissances surnaturelles sur le monde ?
Si le premier chapitre peut laisser croire à un récit fantastique mâtiné de folklore indien, le roman de Martin Cruz Smith s’oriente rapidement vers le genre de l’horreur animale, dans le sillage des Dents de la Mer. Sorti 1 an après le roman de Benchley, et 2 ans après le film de Steven Spielberg, Le Vol Noir propose en effet un récit très similaire, mais orienté autour des chauves-souris vampires.
L’un des points forts de l’histoire est d’être relativement proche de la réalité pour ce qui est de l’ancrage amérindien. Les Hopis vivent dans une réserve à l’intérieur de la réserve navajo. Les différences entre les deux tribus posent des problèmes de cohabitation (notamment dans leur rapport à l’homme blanc), même si une partie du territoire est géré conjointement. Le recours au folklore hopi est également fidèle à la mythologie de la tribu, à commencer par le découpage en étapes de la genèse de l’humanité, et dans le légendaire qui entoure Maasaw, une entité immortelle considérée comme le gardien des mondes souterrains.
Reste que la liaison entre les aspects amérindiens du roman et la menace animale n’est pas franchement très réussie. On sent un peu le recours pour brouiller les pistes et éviter de trop se rapprocher des récits déjà existants d’agression animale, sans pour autant donner une explication surnaturelle à l’arrivée des chauves-souris. Les personnages manquent également de psychologie, et leur destin ne passionne pas le lecteur.
Côté vampire, on est donc en présence de chauves-souris vampires, qui attaquent le bétail et les humains et transmettent des maladies à leurs victimes. D’un point de vue scientifique, le roman est bien documenté, que ce soit au niveau zoologique ou quand il détaille, par la voix de Paine, que les peuples d’Amérique du Sud avaient incorporé le danger que représentait pour eux ces animaux dans leurs croyances et légendaires.
Un roman qui manque clairement d’un souffle épique pour se démarquer de ses contemporains. On regrette que les deux dimensions du livre soient si disjointes, le contraire aurait pu aboutir à une histoire bien plus originale.