Texte fondateur de la littérature à crocs, le Vampyre a été rédigé entre 1816 et 1819 par John Polidori, à partir d’un brouillon de Lord Byron, dont il était alors le secrétaire et le médecin particulier.
Il s’agit en fait d’une nouvelle (une trentaine de pages dans la présente édition), qui conte les mésaventures du jeune Aubrey, aristocrate britannique qui se retrouve, au cours de ses voyages, sous la coupe d’un homme mystérieux, qui se fait appeler Lord Ruthven (ou Ruthwen). Son caractère dépravé et ses talents effrayants pour la séduction poussent Aubrey à prendre ses distances, et à partir loin, comme en Grèce où il rencontre la jolie Ianthe, dont il tombe amoureux. Mais bientôt elle expire dans ses bras, apparemment victime d’un vampire. Malade, il est recueille par Lord Ruthwen, qui le soigne, mais qui meurt à son tour, mortellement blessé par des brigands. En fouillant ses affaires, Aubrey comprend qu’il a côtoyé -sans être mordu- un prédateur de la pire espèce, et sombre dans la folie. Jusqu’au jour où il apprend que sa soeur doit se marier avec… Lord Ruthwen.
On le voit, dès ces prémisses, la littérature vampirique se place sous le signe de l’aventure, de l’exotisme, mais aussi, en quelque sorte, du vaudeville, avec ce scénario à ressorts, à chausses-trapes. L’aspect immortel de Lord Ruthwen est représenté par le fait qu’il réapparaisse, après être supposé mort. Les attributs habituels des vampires ne sont pas présents chez lui, seul le magnétisme surnaturel et, partant, ses dons pour la manipulation, qui se dégage de sa personne en fait une créature inquiétante.
Le personnage d’Aubrey, de fait, est un brin naïf, mais il s’agit là d’une figure classique en littérature de cette époque, nous laissant totale liberté pour appréhender les personnages qu’il rencontre. On pourrait, quelque part, y voir une transposition de la relation entre Polidori et Byron, la figure de Lord Ruthwen, hautaine, séductrice et finalement toxique, étant celle qu’avait Polidori après avoir abandonné le service du poète. Mais l’ensemble est assez agréable à lire, si l’on se base sur les canons d’écriture de l’époque.
Cette réédition, qui bénéficie d’une nouvelle traduction par Arnaud Guillemette, est suivie d’un texte qui se place exactement dans le sillage de l’oeuvre de Polidori. En 1820 paraît ainsi Lord Ruthwen ou les vampires, écrit par Cyprien Bérard (plus tard adapté en pièce de théâtre par Charles Nodier, à qui on a d’abord attribué cette séquelle). Directeur de théâtre et journaliste un brin opportuniste, Bérard intègre donc Aubrey à une suite d’aventures mettant des jeunes gens de différentes origines aux prises avec une créature maléfique, en général responsable de la mort de leur bien-aimée, et qui se trouve bien sûr être Lord Ruthwen, lequel n’est bien sûr pas mort à la fin de la nouvelle de Polidori. Cet assemblage de fictions et de légendes n’est rien moins que difficile à lire, car les styles des différents récits sont dissemblables, et l’ensemble est d’une lourdeur assez gênante. Cet ouvrage est toutefois considéré comme le point de départ de la littérature vampirique en France. A noter que Nodier a rédigé une introduction au texte, et que le frontispice de l’ouvrage à sa sortie mentionnait « publié par l’auteur de « Jean Sbogar » et de « Thérèse Aubert » (soit Nodier lui-même, ce qui a dû contribuer à la confusion) qui se penche non pas sur celui-ci, mais sur la figure vampirique.
Cette réédition chez Les Forges de Vulcain est soignée en termes de maquette, avec une très belle couverture, mais il aurait fallu une relecture supplémentaire, de menues fautes de frappe, ou encore cette agaçante faute sur le nom de Bram Stoker subsistant encore…
Le livre avait été republié (dans une traduction assez ancienne) il y a quelques années, au sein de la collection Frissons des éditions Sirius : https://www.vampirisme.com/livre/polidori-le-vampyre-une-legende/