Dezzy Donaghue est une artiste peintre en blocage créatif depuis plusieurs semaines. Elle doit livrer un tableau pour une exposition qui se tient dans quelques jours, le gardien de son immeuble lui réclame son loyer en retard de plusieurs jours et son manager finit par la lâcher. Au pied du mur, la jeune femme se tourne vers son dealer, alors qu’elle est clean depuis quelque temps.Ce dernier lui propose d’essayer le Diablo, une drogue qu’il décrit comme un mélange de Cocaïne et de DMT. Sa première prise va avoir sur Dezzy un effet libérateur, et lui offrir l’inspiration pour avancer sa toile. Mais c’est aussi à partir de là qu’elle va s’enfermer dans une spirale descendante placée sous le signe du sang.
Bliss est le troisième film de Joe Begos, jeune réalisateur à qui on doit déjà Almost Human (20013) et The Mind’s Eye (2015). Focalisé autour du personnage joué par Dora Madison Burge (vue dans Dexter), le film est au croisement entre Enter the Void de Gaspar Noé, Schizophrenia de Gerald Kargl et The Addiction d’Abel Ferrara, qui explore la thématique de l’inspiration artistique autant que celle de la drogue. Si les premières images baignent dans une ambiance assez sobre, le film bascule rapidement dans un enfer psychédélique quasi épileptique, ce que rehausse le recours à une musique où brillent des groupes lourds et excessifs comme Electric Wizard. À partir de son premier fix de Diablo (la drogue qui prend le nom de Bliss dans la suite du film) de Dezzy, sa perception comme ses sens se décuplent, ouvrant les vannes à une inspiration macabre de laquelle ne surnage aucun espoir. Mais cette première prise ne suffit pas à Dezzy, pressée de toute part, qui finit par céder à l’addiction, et découvrir qu’un nouveau besoin est désormais au cœur de son existente : celui du sang. Quitte pour cela à tuer à répétition.
Suivant une idée qui rappelle celle du Norman Spinrad de Vamps, Begos va faire se rejoindre la drogue et le sang, par l’entremise de Courtney, vieille amie de la jeune femme qui se révèle bien plus qu’une simple noctambule. Le réalisateur, en braquant tous les objectifs vers Dezzy, va alors permettre au spectateur de suivre le maelstrom dans lequel cette dernière est prise. De fait, si l’actrice campe parfaitement les différentes étapes de sa « transformation », elle est le seul personnage du film à être réellement travaillé, les autres n’étant finalement que des faires valoir. Begos choisit également de faire de sa protagoniste centrale une « artiste » dans tous les sens du terme : prête à tout sacrifier pour sa création, révérée par ses amateurs, mais hautaine et suffisante quand elle se trouve face à eux. Ce parti pris court-circuite toute tentative d’empathie vis-à-vis de Dezzy, qui apparaît d’emblée agaçante. Quelque part, cela nuit aussi à la force du film, le spectateur ayant bien du mal à ressentir de la pitié pour cette créative obsédée par son art, quitte à lui sacrifier sa santé et ses relations.
En ce qui concerne le vampire, ce sont essentiellement Dezzy et Courtney qui sont les personnages vampiriques centraux du film. Ce sont des créatures qui survivent dans l’ombre, et semblent suivre des règles (c’est du moins ce que suggère Courtney suite aux exactions de Dezzy) pour ne pas attirer l’attention. On est face à une image transgressive de la figure du vampire, où la sexualité exacerbée (et au plaisir dans son expression la plus primale) est centrale. Bien évidemment, ce sont des créatures avides de sang, qui ont besoin de ce dernier comme des drogués de leur prise. Quant à la manière d’en venir à bout, seul un pieu en plein cœur (qui voit le corps se désagréger sous la forme liquide, les fluides corporels en étant les ultimes traces) semble à même de les , même si le final complète la liste des éléments létaux qui sont en mesure de les tuer.
Un film psychédélique, parfois à la limite du supportable, qui reste une expérience intéressante sur le sujet, par la place qui offre un parallèle entre la figure du créatif et celle du vampire, en plus du classique rapprochement entre vampire et drogué. Un long-métrage certes imparfait, mais qui a le mérite de revenir à une vision plus transgressive du vampire, à une époque où elle aurait tendance à se diluer dans la production de masse.