Bonjour. Pouvez-vous vous présenter pour les internautes de Vampirisme.com ?
Bonjour Adrien. Merci pour cet entretien. En quelques mots, j’ai 37 ans, je suis scénariste et romancier. Je suis installé à Montréal où je me consacre à l’écriture à plein temps.
La Faim et la Soif est sorti il y a quelques semaines chez Hugo Thriller. Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce projet ? Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à cette partie sombre de l’histoire moderne ?
J’ai toujours voulu écrire un roman sur le mythe du vampire se passant à notre époque.
Comme d’habitude, avant chaque projet, je me documente. Je regarde, lis et écoute presque tout ce que je peux trouver sur le sujet et ses ramifications. Au fil des informations, je me suis tourné vers la Roumanie, le berceau du vampirisme. Puis, de recherche en recherche, je me suis intéressé à la Securitate, la police politique de Ceausescu. Trente ans après la révolution, le pouvoir de hantise de cette police continue d’abîmer les esprits. Aujourd’hui encore, de nombreux Roumains rapprochent les agents de la Securitate à des Nosferatu. On le sait, ce mot roumain renvoie aux non morts, au Diable et bien sûr aux vampires. Le pont entre hier et aujourd’hui était tout trouvé grâce à ce terme. Il m’a permis de rapprocher le mythe du vampire aux faits historiques évoqués dans le roman.
Vous ne basculez jamais dans le surnaturel, pour autant le roman convoque de nombreux aspects de la figure du vampire. Déjà les codes classiques (le crucifix, le terme Nosferatu), puis la sous-culture vampyrique, pour finir par rappeler que les agents de la Securitate ont été considéré comme des vampires. Pourquoi ce jeu avec le fantastique alors que vous restez dans le registre du thriller réaliste ? Que représentent pour vous chacun de ces aspects de la figure du vampire ?
Effectivement, mon défi était de rester dans le Thriller traditionnel, brut, dur, factuel, tout en y apportant quelques touches fantastiques.
Pour cela, il fallait poser un regard froid sur les faits et leurs portées historiques.
C’est de cette manière que toute la trame policière-enquête a été construite. Pour la partie fantastique, l’idée était de jouer avec les codes connus et communs du vampirisme et de mesurer leurs résonnances actuelles. Je crois que la plus grande portée fantastique du vampire – et que j’aborde dans le roman – c’est qu’aujourd’hui encore, en Roumanie ou ailleurs, cette croyance est tellement installée, balisée, naturelle, qu’elle se trouve à l’origine de bon nombre de coutumes et de traditions. La touche vampirique, donc fantastique, existe par la facilité qu’ont les personnages à donner du crédit aux mots et aux symboles, aux mythes et aux croyances. De voir plus loin que le cadre commun. Dans la même logique, je parle également des clans de Vampyres – avec un Y – qui existent un peu partout dans le monde : de New York à Tokyo. C’est un mouvement qu’on pourrait trop facilement qualifier d’obscur ou de radical. À mon sens, c’est davantage une philosophie de vie qui rassemble des personnes qui ne se retrouvent pas dans notre société actuelle et ses règles. Ils assument pleinement leurs fantasmes, leurs pensées, leurs idéologies, leurs contradictions, sans se préoccuper du « qu’on dira-t-on ». Comme le vampire, ils échappent à la norme. Échapper à la norme. N’est-ce pas là, la première définition d’un vampire ?
Quel regard portez-vous sur l’évolution du vampire en littérature ces dernières années ?
Je ne suis pas assez connaisseur. Ma focale restera donc large. À la vue de mes lectures récentes, je crois que le vampire, et notamment en littérature, suit les époques, les genres et les styles. Du Dracula de Stoker en passant par Entretien avec un Vampire d’Anne Rice ou encore la saga de Del Toro et Hogan (La lignée), le vampire s’adapte aux époques et aux univers. Il mute, se transforme, se complexifie. Le côté gothique, dandy, noble, laisse peu à peu place à un vampire moins fantasque, charmant et charmeur. Plus commun. Un vampire directement en résonnance avec nos problèmes quotidiens de simples mortels. J’ai comme la sensation que le vampire certain de sa toute-puissance a laissé place à un être qui doute, se pose des questions, devient facilement tourmenté par sa condition. Ce qui faisait hier sa force devient aujourd’hui un poids.
Quelles sont vos premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et/ou cinématographique) ?
Ma dernière rencontre avec un vampire a été la série Dracula sur Netflix. J’ai adoré le premier épisode pour son ambiance, les personnages et la référence à Bram Stoker, évidemment. Pour les deux autres épisodes, j’ai surtout apprécié le décalage constant qui existait entre Dracula et son environnement. Cela fait écho à ce que je disais plus tôt. Le vampire – dans notre société – peut très vite devenir inadapté à l’époque, être en perdition malgré son statut. Cette situation donne lieu à des décalages parfois comiques, burlesques ou à des phases d’humour grinçant. Ça humanise davantage le vampire donc le fragilise.
Pour ce qui est de ma première rencontre littéraire ou cinématographique, je ne m’en souviens plus. Par contre, j’ai en mémoire certaines lectures dont Je suis une légende de Richard Matheson. Il y a dans ce roman un ton, une fatalité acceptée, un climat de noirceur et de terreur qui continue de m’impressionner.
Pour vous, comment peut-on analyser le mythe du vampire ? Qu’est-ce qui en fait la pérennité ?
Je crois que le vampire est multiple. Sanguinaire ou psychologique, historique ou fictionnel. De Dracula à Twilight, le vampire s’adapte aux époques, au genre et à sa vocation. À son auteur ? C’est ce qui rend ce mythe aussi dense. Le vampire réveille les coins sombres de ce que nous sommes. L’appel du sang, le mythe de l’immortalité, ce rapport presque charnel – et sexuel – à l’autre. L’emprise et la fascination. Le mythe est si dense, si ancien, si obscur, si actuel, que malgré tout ce que l’on sait, ce qu’on a pu lire, le vampire demeure un inconnu. Il continue de nous interpeller. Nous fasciner ou nous révulser. On parle ou on écrit sur ce mythe sur l’ensemble du globe, mais toujours avec certaines nuances ou subtilités. C’est pour ces raisons, je crois, que ce mythe a encore énormément de choses à nous dire et à nous apprendre.
Avez-vous encore des projets de livres sur ce même thème ? Quelle va être votre actualité dans les semaines et les mois à venir ?
Des livres sur le thème du vampire, c’est possible. Je crois que Raphaël a encore des choses à dire… d’une manière ou d’une autre. Mais pas dans l’immédiat. En ce moment je me concentre essentiellement sur des projets TV/ciné et me documente pour préparer mon quatrième roman.