De l’eau a coulé sous les ponts depuis qu’Ann Radcliffe est revenue de Sélène, la Ville-Vampire. Elle a entre-temps publié plusieurs livres, dont Les Mystères d’Udolphe, qui lui vaut une certaine renommée. Mais elle sait que les vampires peuvent décider de se venger de son raid au cœur de leur Nécropole. Ann commence à faire des rêves étranges, où une créature l’assure de leur rencontre proche. Bientôt, elle reçoit une missive l’invitant à un bal, signée d’une seule et unique lettre : D.
J’attendais la publication de la Ligue des Écrivaines Extraordinaires depuis un moment. C’est ainsi avec un certain intérêt que je me suis lancé dans la lecture de ce roman qui fait le lien avec la Ville-Vampire de Paul Féval. Ce dernier avait d’ailleurs été réédité dans une livraison précédente des Saisons de L’Étrange, sous le titre de Ann Radcliffe contre les vampires. Il y avait donc depuis un moment la motivation, du côté de l’éditeur, de poursuivre le jeu littéraire initié par le feuilletoniste.
Bénédicte Coudière lance les hostilités et reprend le fil quelque temps après la première aventure d’Ann Radcliffe. Elle réemploie au passage certains des protagonistes originaux, à commencer par Grey Jack, le serviteur d’Ann et William (depuis devenu son mari). La suite de l’histoire nous permettra de recroiser la route d’un vieil ennemi de l’autrice. Celui-ci n’est pas sans avoir un lien avec le piège dans lequel l’héroïne va tomber. Mais la romancière convoque également d’autres influences, comme celle du Bal des Vampires de Polanski. S’il s’agit là d’un roman relativement court (une centaine de pages), je dois néanmoins avoir eu un peu de mal à accrocher. Les derniers chapitres, qui voient le rythme s’accélérer, sont assez intéressants et les rebondissements restent dans l’esprit du texte d’origine, mais toute la première partie, constituée du voyage de Lady Radcliffe en Valachie, peine à convaincre. Il y a quelques bonnes idées (le chat, assurément), mais il manque un je ne sais quoi pour réellement retrouver la folie du récit de Féval.
Les vampires décrits par Bénédicte Coudière respectent les codes érigés par l’auteur de la Ville-Vampire. Il s’agit de créatures qui boivent du sang pour vivre, mais disposent de pouvoirs importants. Ainsi, ils sont en mesure d’assimiler leurs victimes, qui deviennent des avatars d’eux-mêmes, capables d’être contrôlés à distance. Ils émettent également une lueur verte, quand ils oublient de le dissimuler. Cette « suite » nous montrera par ailleurs que la communauté des vampires possède son propre tribunal, apte à juger ceux qui s’attaquent à l’un des leurs, ou mettent en danger leur survie. À noter que Dracula semble disposer d’un ascendant marqué sur l’ensemble des vampires.
J’attendais avec un intérêt certain cette poursuite des aventures d’Ann Radcliffe, d’autant qu’elle devrait être rejointe par d’autres autrices de son époque dans les opus à venir. Pour autant, je ne suis pas totalement emballé par ce premier livre. La romancière s’est appliquée à bien enchaîner son histoire à celle de Féval, respectant les bases posées par ce dernier, mais je trouve que le tout manque de conviction. On notera enfin que la couverture est signée Melchior Ascaride, qui se penche pour la deuxième fois (c’est déjà à lui qu’on devait le couverture de la réédition du roman original) sur cet univers.