Vule a été embauché comme meunier dans le village de Zarožje, en Yougoslavie. Une nuit, il est attaqué et égorgé par une créature humanoïde, qui laisse son cadavre exsangue derrière elle. Les hommes du village, réunis en conseil, apprennent rapidement la nouvelle. Ils sont autant dépité qu’effrayés par la nouvelle, car Vule était le quatrième meunier à avoir la charge du moulin, indispensable pour transformer leurs récoltes de céréales en farine. Pendant de temps, Strahinja annonce à Radojka qu’il va demande sa main à son père. Mais ce dernier, conscient de la pauvreté dans laquelle vit, refuse. C’est alors que les villageois proposent à Strahinja de prendre la succession de Vule.
Leptirica est une oeuvre rare, un téléfilm tchécoslovaque sorti dans la première moitié des années 1970. Adapté d’une nouvelle de Milovan Glišić, After Ninety Years, il s’agit d’un des premiers exemples de cinéma fantastique pour la production locale, et à ce titre considéré comme un jalon. Le film plonge le spectateur au coeur d’un village perdu, s’immisçant dans le quotidien et les croyances des villageois. L’histoire présente dans un première temps deux trames parallèles. La première s’intéresse aux attaques répétées des meuniers, qui réduit à néant le peu de profit des paysans locaux. La seconde met en scène un couple dont les projets de mariage sont mis à mal par le père de la jeune femme. Dans le même temps, celui-ci incarne autant la richesse – c’est le plus aisé des personnages – que la rationalité. C’est en effet le seul à ne pas croire en la possibilité d’une explication surnaturelle, quand ses pairs plus pauvres sont persuadés que leur malheur est dû aux exactions d’un certain Sava Savanović, décédé depuis près de cent ans.
Le film fait preuve d’une économie de moyen certaine, les décors se limitant à quelques bâtiments et à la campagne. Pour autant, une ambiance forte se dégage des images, à commencer par les plans qui montrent la créature faire glisser la farine entre ses doigts avant de s’attaquer à ses victimes. Les effets spéciaux, relativement réduits, se concentrent sur la créature, autant sur sa dentition que sur sa pilosité. La blessure qui permettra à Strahinja de comprendre ce qui est arrivé à Radojka est également réussie, sans doute l’élément le plus « gore » du film. Le réalisateur Djordje Kadijevic flirtera plusieurs fois avec le surnaturel au cours de sa longue carrière, notamment au travers de films comme Sticenik (1973) et Devicanska svirka (1973), également destinés à la télévision. Plus représentatif encore, on lui doit une adaptation du Vij de Gogol, sous le titre Sveto mesto (1990).
L’un des intérêts majeurs du film est d’être fidèle aux croyances du folklore local en ce qui concerne les vampires. On est donc assez éloigné des créatures que le Dracula de Stoker a contribué à faire émerger au panthéon horrifique. Il y a déjà l’idée que le supposé vampire, Sava Savanović, était un homme mauvais, ce qui pourrait expliquer qu’il soit devenu vampire. Ensuite, il y a tout les rituels utilisés par les hommes pour trouver et détruire le vampire, depuis l’utilisation d’un étalon jusqu’au pieu qui sera enfoncé dans le cercueil. Les protagonistes ont également recours à de l’eau bénite et des prières. Enfin, et c’est autant la racine du titre que le fil rouge du film, il ya l’idée que l’âme du vampire est en mesure de quitter son corps, sous la forme d’un papillon. La créature est enfin désigné sous le nom de vukodlak, pas sous celui de vampire.
Même si le film fait des coupes dans le texte d’origine (la dernière partie notamment), il n’en est pas moins relativement réussi, autant dans sa sobriété que dans la mise en scène des croyances est-européenne relatives aux vampires. Leptirica est ainsi un film que tout amateur de cinéma ès vampire se doit de connaître. A l’époque où la Hammer imposait Dracula sous les traits de Christopher Lee (en 1973, cela fait un an que Dracula 1973 est sorti) le cinéma est-européen proposait une réponse authentique, puisant dans son bestiaire et ses figures vampiriques (la légende de Sava Savanović a refait fait parler d’elle en 2013[ref]https://www.huffpost.com/entry/sava-savanovic-vampire-on-the-loose-serbia_n_2211364[/ref]). Se faisant, il offrait à la production yougoslave ses premiers pas dans le cinéma fantastique, tout en donnant une autre voie à la place du vampire sur écran. J’avais déjà essayé par le passé de visionner le film, mais la qualité de la version disponible sur Youtube était trop mauvaise pour vraiment en profiter. Le combo Blu-ray/DVD allemand est de bonne tenue, même si les premières images – d’une qualité moindre – m’ont fait peur quelques instants.