Crockett Island, décor insulaire fictif aux larges de l’Amérique, où résident quelques familles de pêcheurs, situe sa communauté fragilisée par une marée noire, dans l’attente de jours meilleurs. En décrépitude, abandonnée, éloignée du continent, Crockett Island expose des êtres en souffrance, en errance, perdus dans les méandres d’une foi, désertée par le prêtre, Monseigneur Pruit (Hamish Linklater).
Mike Flanagan, livre, à travers Sermons de Minuit, production de la plateforme Netflix, une expérience singulière, autant macabre qu’envoûtante sur les rapports à la foi, et sur le fanatisme religieux.
Associant habilement et lentement les références bibliques au mythe du vampire, la série exploite une réflexion philosophique sur des chemins de croyance propres à chacun, dans un contexte hétéroclite et d’adversité.
On remarque, aisément, en Sermons de Minuit de véritables échos ou emprunts à l’œuvre de Stephen King, dans ce nouvel opus de Mike Flanagan. Talent émergent du cinéma horrifique, The Haunting of Hill House (2018), Bly Manor (2020), il transpose avec succès les romans du maître et s’en inspire, tant sur la structure du récit que sur ses personnages.
Sermons de Minuit inscrit une narration en sept livres, en référence à la Bible : Genèse, Psaumes, Proverbes, Lamentations, Evangile, Actes des Apôtres, Révélation, instillant pour chacun son lot d’évènements étranges.
A Crockett Island, les quelques fidèles présents à l’église Saint-Patrick sont éprouvés dès l’arrivée surprenante d’un nouveau prêtre, Monseigneur Paul, fraîchement débarqué de l’île.
Apportant une malle abritant une mystérieuse entité, le prêtre semble correspondre avec elle, évoquant, par ailleurs, la malle de l’antiquaire dans Salem’s lot de Tobe Hooper (1979), et de son vampire, Kurt Barlow, adapté du roman de Stephen King.
Dès lors, des faits surprenants se produisent avec l’ombre d’un grand oiseau plongeant les jeunes gens dans la peur, mais surtout la mort de nombreux chats vidés de leur sang sur la plage. Enfin, des miracles surviennent avec celui de la jeune Leeza (Annarah Cymone), marchant à nouveau, bien qu’handicapée sur un fauteuil roulant, après un accident causé par Joe Collie, l’ivrogne notoire de l’île (Robert Longstreet) ou encore le rajeunissement spectaculaire de Mildred Gunning (Alex Essoe) qui reconnaît en Monseigneur Paul, John Pruit, le vieux prêtre de Crockett Island, parti en convalescence sur le continent. Des disparitions suspectes ponctuent, par ailleurs, la vie en apparence paisible de la communauté. Pourtant, le charismatique prêtre, arbore un discours liturgique en phase avec le Carême, mettant à l’épreuve, ainsi ses nombreux disciples, alors, curieux des miracles produits depuis son arrivée.
Les processus d’enfermement et les temporalités
Le contexte insulaire de Crockett Island participe à une représentation fantastico-gothique du lieu, de par son caractère d’enfermement et des faits étranges qui s’y produisent. Crockett Island est le reflet d’un lieu hors du commun, figé dans une forme d’abandon, depuis la marée noire, mais aussi depuis l’incendie en 84, auquel fait allusion la diacre, Beverly Kean (Samantha Sloyan) dans le livre VII (Révélation).
Le livre II (Psaumes) dévoile avec la vision macabre des chats morts, le coup brisé, un passé troublant de Crockett Island. Le discours du maire, Wade (Michael Trucco) révèle que « ce n’est pas la première fois qu’il arrive quelque chose d’étrange ».
Filmée en plongée, Crockett Island participe à l’effet d’isolement, d’écrasement, signifiant qu’une tension va poindre. Quelques plans subliment le contexte insulaire pour en dévoiler une forme d’étrangeté, dès lors que des mouvements d’ailes se font entendre, survolant ainsi l’île, à l’instar des mouvements de caméra du cinéaste. Fascinante et sauvage, Crockett Island apparaît dans une individualité profonde, et témoigne d’une destinée singulière des protagonistes.
Métaphore de l’isolement et de la « réclusion », Crockett Island esquisse, dans un autre registre, Summerisle, une île éloignée des Hébrides, dans The Wiker Man de Robin Hardy (1973). L’île impose une représentation ambivalente du lieu, et s’entache à exprimer un ancrage édifiant d’une religion, le celtisme. Deux dimensions se confrontent, incarnées par le lord Summerisle, guide spirituel des habitants de l’île et par un représentant de la loi, britannique, et chrétien naïf, le sergent Neil Howie. Le sergent, sera démasqué et emmené vers le Dieu d’Osier, the Wicker Man, où il sera offert en sacrifice, brûlé. The Wicker Man permet d’exploiter, d’un côté, l’hymne aux rites païens et impies et de l’autre le respect de la loi et des pratiques chrétiennes. Cette dualité fait écho dans Sermons de Minuit, aux dérives sectaires de la communauté chrétienne de l’île, et de la fin macabre de ses habitants. Pourtant, le shérif de Crockett Island, Hassan (Rahul Kohli), musulman, représentant de la loi, tentera de mettre en garde la communauté des dérives de la foi : « ce sont les hommes qui ont détourné la parole de Dieu » et s’opposera, tant bien que mal, à la volonté de son fils, Ali, (Rahul Abburi) de découvrir la bible et d’assister aux messes de Monseigneur Paul/Pruit.
A l’instar du sergent Howie, Riley Flynn (Zach Gilford) est celui qui observe la communauté de l’île, et perçoit de surprenants faits : la présence de Monseigneur Pruit sur la plage, les mensonges du prêtre Paul, convaincu qu’il ne quittera jamais l’île.
Riley est l’étranger, ayant fui Crockett Island pour une vie tumultueuse, après avoir purgé une peine de prison pour la mort d’une jeune fille, ébranlé et torturé par les maux de l’alcoolisme et de la culpabilité, il est en quête de réponse et de sens. Il tente de se reconstruire au fil des jours, hébergé chez des parents aimants et pieux.
Rejetant la bible, il questionne et éprouve l’empreinte forte de la foi au sein de sa propre famille et de sa communauté ; il refusera la communion lors de la première messe. Les ombres de Jack Torrance et de Danny Torrance planent inlassablement, Shining (1980) de Stanley Kubrick et Docteur Sleep (2019) de Mike Flanagan, adaptés de l’œuvre de Stephen King. C’est comme si Riley, assistait, impuissant au processus d’emprise et de déterminisme du lieu, tout comme celui de l’Overlook hôtel de Shining. Rattrapé par le discours insidieux du prêtre, Riley « expérimentera » les réunions « des alcooliques anonymes » en tête à tête avec lui, au centre culturel de Crockett Island, au lieu de celles initiées sur le continent. Les tentatives d’étouffement jaillissent ponctuellement au cours du récit, dans une mise en abyme temporelle et onirique, comme si la fuite était inconcevable. Mike Flanagan sème des indices, des éclairages, dans le discours narratif, Riley éprouve dans un rêve récurrent l’incapacité de quitter l’île, alors qu’il est seul sur une barque, Erin (Kate Siegel) raconte un événement marquant de son enfance, dans lequel sa mère l’oblige à couper les ailes d’un oiseau et ajoute « tout le monde a les ailes coupées à un moment ». Jo dira qu’il n’a pas le droit de partir de l’île, alors qu’Erin indiquera ne pas pouvoir quitter l’île, Sarah Gunning répondra à la demande d’une amie, lors du Crock Pot Luck, de partir de l’île, qu’elle ne peut pas abandonner sa mère malade. La communauté se resserre, affichant une population de 127 habitants, bien que quelques familles aient quitté l’île ; la mère de Riley, Annie Flynn (Kristin Lehman) annoncera qu’ils sont moins d’une centaine sur l’île. Ces protagonistes ont tous des liens indéfectibles avec l’île, et semblent happés, par une force indomptable, espérant un renouveau, un avenir meilleur. Monseigneur Pruit sera celui qui incarnera cet espoir, et n’aura de cesse de les confronter à des discours emplis de passion et de foi, dévastateurs.
Les signes annonciateurs de la fin des protagonistes, au travers des rêves de Riley, et plus précisément de la vision horrifique de l’église, témoin de faits sanguinaires, et du voyage en barque s’achevant avec le lever du soleil, témoignent du caractère déterminant du dessein de Monseigneur Pruit. Tout comme la vision obsessionnelle de la jeune fille morte sur le pavé, des morceaux de verres lumineux sur le visage, annoncera la fin irrémédiable de Riley, tandis que son dernier rêve révélera sa fin, brûlant dès le lever du soleil, face à Erin, dans la barque, en un rêve prémonitoire. La temporalité onirique apporte de véritables indices à la compréhension de Sermons de minuit, à l’image des rêves de Danny dans Docteur Sleep (Mike Flanagan), annonçant les évènements futurs macabres. Ces rêves tissent les liens avec les différents jalons de la fin proche de Crockett Island et de la venue de l’Ange. Par ailleurs, alors que Mildred Gunning , la mère de Sarah, reconnaît en Monseigneur Paul, John Pruit, le prêtre de Crockett Island et le père de sa fille, Sarah, ce dernier lui répondra qu’il s’agit peut-être d’un rêve.
Autre lieu emblématique, l’église de Saint-Patrick, accueillant les habitants, dans un profond élan de communion, endosse une symbolique sacrée, mais aussi sacrificielle et révèle la vraie identité du prêtre Paul, alors considéré comme le remplaçant de Monseigneur Pruit. C’est alors qu’il présente sa confession en plusieurs tableaux, depuis le confessionnal, autre lieu clos, abritant les pêchés de la communauté de pêcheurs de Crockett Island, jeu de mots intéressant auquel Monseigneur Paul prêtera attention lors de sa première homélie dans le livre I (Genèse), pour définir les apôtres et louer le Seigneur.
Monseigneur Paul/Pruit raconte son cheminement depuis Jérusalem, alors perdu dans les ténèbres, jusqu’à la recherche d’un refuge, dans le désert, vers une grotte secrète abritant une entité obscure aux yeux perçants. Symbolisant la réincarnation dans la pensée biblique, la grotte accueille le vieux prêtre fatigué et lui redonne vie, par la morsure d’un Ange aux ailes gigantesques. C’est alors que John Pruit repart vers les chemins de la foi, en un prêtre rajeuni, afin de répandre la bonne parole, la « bonne nouvelle » aux habitants de Crockett Island et les guider vers une nouvelle alliance. La sémantique employée, s’apparente au vocabulaire de la guerre, en évoquant au livre V (Evangile), la formation d’une armée, de soldats : « Il y aura une guerre et les soldats feront des choses mauvaises » et demande aux fidèles : « battez-vous pour son royaume ».
Le royaume dépeint par le prêtre est un monde obscur, inscrit dans les ténèbres, dans lequel « Dieu vous demandera de faire des choses horribles ».
Mike Flanagan emmène le spectateur, vers des signes, lui indiquant de prêter attention au schéma narratif et à la temporalité prégnante dans ces Sermons de Minuit. En effet, la période de Carême depuis le mercredi des Cendres jusqu’à la célébration de Pâques porte une symbolique forte sur le temps liturgique de dévotion à Dieu, associé à une alternance de jours de jeûne complet et de jours d’abstinence d’une durée de quarante jours, en référence aux quarante jours de jeûne de Jésus dans le désert. La temporalité biblique, revêt ainsi une dimension de transition vers un renouveau, une régénération des corps et des âmes. Le discours religieux est alors détourné de sa finalité première, au profit d’une quête vers un « ailleurs » transitoire, « autre », vers une vie éternelle, accordée à ceux qui le méritent, les fidèles pratiquants, venus assister aux homélies du prêtre Paul/Pruit.
L’inquiétante étrangeté et la quête de la vie éternelle
Mike Flanagan propose une nouvelle approche du mythe du vampire, par de subtils procédés narratifs, et parcellaires sur l’origine du mystère, tout au long de la série. Il construit et développe une atmosphère ambivalente sur les disparitions soudaines. Brouillant ainsi les pistes, en semant des indices liés à une histoire de fantômes, il suscite l’étonnement. Pourtant, il ne s’agit pas de fantôme, mais d’un voyage vers l’imperceptible, d’une narration dédiée en filigrane à une communauté religieuse détournée de sa vocation initiale. Les sermons s’apparentent à des psaumes, et comme l’indique Monseigneur Paul, ce sont des chants de louanges, afin d’exprimer les pêchés, la noirceur qui pénètre chaque fidèle. On peut noter, par ailleurs, que la bande originale participe à exacerber le discours, notamment, par la chanson Holly, Holy (Neil Diamond- The Newton Brothers) qui évoque l’appel du soleil au cœur de la nuit qui se lèvera dans le ciel et touchera un homme. Cet homme touché par le soleil, est Riley, vampirisé par l’Ange et refusant de devenir un monstre. Des questionnements sur la mort, en dehors de la communauté, entre Riley et Erin, sont exposés, lors de longs monologues philosophiques sur la représentation de la mort, dans le livre IV (Lamentations) ; chacun d’eux étant confronté à des doutes, des peurs, l’un, hanté par l’apparition obsédante de la jeune fille morte, et rongé par la culpabilité, l’autre par la douleur et la perte d’un être naissant, perdant le souffle d’un nouveau départ. Tandis que le sang vampirique introduit dans le calice du prêtre, répand la mort dans le corps d’Erin, il répare les maux des autres habitants de l’île, leur apportant une nouvelle jeunesse. Mike Flanagan convie, ici, les figures féminines démoniaques, lamies, stryges, ainsi que Lilith, suçant le sang des nourrissons. On peut rappeler, que la projection, dans le rêve, chez Riley, procure une sensation de passage vers un au-delà, au sein d’un monde « autre », occupé par des monstres. Oscillant entre l’état de veille et l’état de sommeil, il se retrouve, dans une barque, seul, plongé dans un lieu intermédiaire, entre Crockett Island et le continent.
Le réalisateur s’empare du mythe, pour démontrer les effets pervers d’une religion manipulatrice, sous l’apparente dévotion à un guide spirituel reconnaissant et offrant des récompenses, la vie éternelle ; il met en exergue le fanatisme religieux. : «…la résurrection de l’âme et du corps, la rédemption de l’âme et du corps, les miracles, ce ne sont pas des métaphores… » martèle Monseigneur Paul, face à une communauté médusée.
Alors qu’il explique sa rencontre avec l’entité tapie dans la grotte, il s’incline et reconnaît la nécessité de voyager avec elle et de répandre la vie éternelle à Crockett Island. Sermons de Minuit emmène la communauté dans un long cheminement métaphorique, à l’image d’une mutation identitaire propre au vampire.
Crockett Island est ainsi, envoûtée, fascinée par de belles promesses, dans l’attente de miracles, pendant le temps du Carême, depuis le mercredi des cendres, à la nuit de Pâques, annihilant la question du mal et du malin, sous les paroles trompeuses du serviteur de l’Ange. Chaque fidèle reçoit la bénédiction du prêtre par le signe de la croix sur le front, lors de la messe de Carême, et ainsi devient, en quelque sorte, le futur pêcheur vampirisé, à l’état de cendres, à l’aube du sacrifice. Les faits marquants de Sermons de Minuit, puisent dans une dramaturgie à venir et mettent en abyme la tragédie finale aux livres VI et VII en une curée sanguinaire, à l’image de vampires zombies assoiffés de sang. Associer l’acte de communion à celui de résurrection, sous couvert de suicide collectif relève d’une symbolique liée à l’extrémisme religieux envahissant d’autres lieux ; à l’image des portes closes de l’église Saint-Patrick, forcées pour extraire le mal et le répandre dans toute l’île.
Crockett Island devient, alors, le théâtre d’une destruction collective, ravagée par le feu, à la fois, purificateur et libérateur du fléau vampirique. Tous les protagonistes de l’île, transformés en vampires, disparaîtront à l’aube du sermon final de minuit, brûlés par le soleil, et réduits en cendres, comme l’avait annoncé Monseigneur Pruit « Poussière, tu es et tu redeviendras poussière ». La poussière ou les cendres plonge les fidèles au rapport au monde, et les alerte sur un devenir altéré. Riley l’avait compris, très tôt, alors qu’il avait cru voir en l’apparence de Monseigneur Pruit, un fantôme sur la plage, l’Ange travesti en prêtre rôdait sur l’île. Néanmoins, Leeza et Warren Flynn (Igby Rigney), l’enfant de chœur, s’échapperont en barque, vers le continent, laissant derrière eux toute la communauté de Crockett Island, brûlant au lever du soleil et apercevant l’Ange tournoyer et fuir au-dessus d’eux, vers un ailleurs.
L’acte de vampirisation de l’Ange, dans la grotte, n’est pas sans rappeler certains marqueurs picturaux, dont Le cauchemar de Füssli, qui symbolise dans certaines légendes, l’emprise de démons sur les personnes endormies, invoquant le kobold qui vient abuser la femme endormie, tel un vampire suçant le sang de sa victime. La dernière scène de vampirisation du livre VII (Révélation) incarne l’état d’emprise sur Erin, alors maintenue par l’Ange, l’enveloppant de ses mains crochues, de la force d’un Nosfératu, tandis qu’elle lui déchiquète les ailes, faisant écho aux ailes coupées d’un oiseau, lors de son enfance.
Œuvrant à retenir l’Ange dans son acte de succion, elle l’accapare d’une main délicate mais ferme, se dévouant pour d’autres qu’elle ne connaît pas, à l’image de Lucy Harker (Isabelle Adjani) dans Nosferatu, fantôme de la nuit de Werner Herzog (1979), l’invitant à accomplir sa morsure jusqu’à l’aube. La mise en scène de la faim du vampire, exploitée par des tiraillements, des évanouissements chez Monseigneur Pruit, est assez novatrice dans la filmologie vampirique ; elle renforce, en quelque sorte, son humanité et annihile toute forme d’animalité.
Par ailleurs, le réalisateur intègre l’iconographie propre au mythe, sur les pouvoirs du vampire : les mouvements climatiques à travers les tempêtes et les effets hypnotiques par les yeux perçants de l’Ange et des fidèles vampirisés. De surcroît, les déplacements de l’Ange, rappellent la capacité du vampire à se mouvoir et à atteindre ses proies.
La représentation du vampire, en un Ange aux ailes gigantesques, l’identifie à un prédateur, aux ailes de chauves-souris, évoquant la cape du vampire. Empruntant les références à la mythologie gréco-latine et au vampire de Transylvanie, Mike Flanagan invoque une créature hybride mi humaine, mi animale, sur un terreau religieux, revêtue d’une chasuble, couleur or, lors de la messe de minuit dans le livre VI (Actes des Apôtres). Pourtant, tel un monstre, il ne dit mot et empresse à garder le silence. Appelé à l’aide par le prêtre, n’ayant plus de quoi faire les sacrements, et nommé dans ses prières, Ange de Dieu, il alimente les fioles de son sang.
L’aveu de Monseigneur Pruit, sur sa véritable identité, au livre VI (Actes des Apôtres) et l’apparition de l’Ange, en Ange du Seigneur, contribuent à opérer la résurrection collective, en ingérant le poison mortel, celui apparu dès le livre II (Psaumes). Mike Flanagan introduit très tôt dans la narration des plans serrés sur les éléments constitutifs de la ferveur fanatique finale.
Pourtant, le prêtre porte dans une dualité latente, un discours de bienveillance envers la communauté de Crockett Island et un dessein individualiste auprès de la femme qu’il a aimée, Mildred Gunning. Ramener l’Ange depuis Jérusalem, était le moyen de retrouver l’amour qui les avait unis autrefois. Monseigneur Pruit offrira, ainsi la communion, à sa bien-aimée, lui conférant, progressivement, un rajeunissement de corps et d’esprit ; ils étaient, tous deux perdus dans les Ténèbres. Les allusions récurrentes de Mildred sur l’apparition de John Pruit, le père de Sarah Gunning (Annabeth Gish) alertent le spectateur et visent une exploration des liens du vampire entre deux mondes.
Le vampire, chez Mike Flanagan, recherche, dans la fuite, un « autre » qui se construit dans la séparation, et las de la vie qu’il mène, il aspire à modeler sa vie, à la rendre différente avec un autre être, comme lui. C’est pourquoi, il recherche, à travers la mutation identitaire, à sortir du monde présent et à lui apporter un autre regard sur ce qui l’entoure. L’amour de John Pruit et Mildred Gunning, évoque la quête inhérente du vampire, celle de l’impossible solitude, dans la recherche d’un « autre », afin de se compléter dans une union intemporelle. La détresse existentialiste du vampire rend hommage à la dramaturgie inhérente aux vampires contemporains.
Adjoindre le principe de résurrection de l’humain, en un être éternel, apporte une nouvelle lecture au mythe. Empruntant à la temporalité biblique, Mike Flanagan, impose une réflexion sur le temps du jeûne lors de la période de Carême, en un temps de privation, pour accepter de devenir un autre, et nous alerte sur cette mutation identitaire.