Ancien juriste, Renfield est depuis près d’un siècle l’homme à tout faire du comte Dracula. Le vampire lui a conféré un peu de ses pouvoirs, ce qui permet à Renfield de disposer de capacités hors du commun quand il absorbe des insectes. Après que Dracula a failli être détruit par une énième cohorte de chasseurs de vampires, le duo trouve refuge dans les sous-sols d’un immeuble de La Nouvelle-Orléans. Renfield rejoint un groupe de parole, voyant dans les tortionnaires des participants des victimes toutes trouvées pour son maître. La relation abusive qui lie le vampire à son âme damnée évolue néanmoins, alors que ce dernier se retrouve sur la route des Lobos, une famille du crime locale. À cette occasion, il fait la rencontre de Rebecca Quincy, une policière décidée à faire tomber une fois pour toutes les Lobos. Impressionné par l’aplomb de la jeune femme, Renfield y trouve la force suffisante pour prendre son indépendance du comte. Dracula, cependant, ne l’entendra pas de cette oreille.
Renfield est l’un des jalons du projet d’univers partagé d’Universal. Le studio a un temps imaginé une série de films connectés mettant en scène les figures de proue horrifiques de leur catalogue. Après les échecs successifs de Dracula Untold (2014), puis de La Momie (2017), l’idée d’un ensemble de films reliés entre eux est écartée, celle de proposer des longs métrages autonomes s’impose. Invisible Man (2020) de Leigh Whannel devient le premier long-métrage de cette nouvelle tentative, suivi en 2023 par Renfield de Chris McKay. On est loin d’une énième adaptation du roman de Stoker, les scénaristes choisissant de s’intéresser au personnage de Renfield, et sa relation problématique à Dracula. L’histoire est signée Ryan Ridley (Invincible, Rick and Morty) sur une idée de Robert Kirkman (Walking Dead, Invincible). L’angle d’attaque est celui de la comédie, quelque part entre le Dracula de Mel Brooks et What we do in the Shadows de Tahika Waititi et Jemaine Clement.
Le film prend la suite directe du long-métrage de Tod Browning, dont il détourne certains moments clés. Au cours d’une scène introductive, la rencontre entre les deux personnages dans le Dracula de 1931 est ainsi réinterprétée, avec Cage à la place de Lugosi et Hoult celle de Renfield. Un moment de fan-service qui constitue l’un des temps forts du métrage pour l’amateur de vampire. Ce choix permet d’établir une filiation avec la première adaptation de Dracula sur grand écran, même si la tonalité est d’emblée très différente. D’autres références s’égrènent au fil de ce flash-back, comme le Cauchemar de Dracula (la scène du rideau et du crucifix), voire quelques idées visuelles puisées dans le Coppola. Reste que ces clins d’œil n’apportent pas grand-chose au film et à l’histoire au cœur de celui-ci.
L’approche du métrage l’amène à présenter le lien qui unit Renfield et Dracula comme une relation toxique, matière à justifier la présence de l’âme damnée du vampire dans un groupe de parole. Si dans un premier temps cette présence s’explique par le besoin de fournir des victimes à son maître, Renfield finit par se confier. À cette occasion, il réalise qu’il n’est pas dans une situation très différente des autres personnes qui interviennent dans le groupe. Renfield interroge dans le même temps la monstruosité. Dracula rappelle ainsi dans un monologue très efficace (encore un passage qui repose sur Cage) qu’il a lui-même tourné le dos à sa vie humaine (et abandonné sa femme et sa fille) pour suivre le comte, par appât du gain. Le métrage détourne également les codes du récit de superhéros, s’intéressant régulièrement aux capacités hors du commun de Renfield quand il se nourrit d’insectes. S’il utilise ces pouvoirs pour répondre aux besoins de son maître, il finit par les mettre au service du bien.
Dracula, incarné par Nicolas Cage, est l’antagoniste et l’un des trois personnages principaux du film. L’approche du protagoniste est outrancière, comme un mix entre le Dracula de Browning, celui de Fischer et celui de Coppola, avec la touche Cage. Le personnage semble quasiment immortel : seuls des cercles de protections paraissent en mesure de l’emprisonner. Il peut se transformer en nuées de chauves-souris, est doté d’une force et d’une vitesse hors du commun, et peut voler. Blessé grièvement par la lumière du soleil quelques années avant que ne commence le film, il se terre en comptant sur Renfield pour lui fournir le sang nécessaire à ses soins. Par le dialogue, le personnage insiste sur l’absence de la question du genre dans ses choix de proies : il faut surtout que les victimes soient pures, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes importe peu.
On ne peut nier que plusieurs passages imaginées par le scénariste et le réalisateur sont particulièrement réussies. En tête, les flash-back du début du métrage, et la discussion entre Dracula et Renfield (après que celui-ci ait décidé de suivre sa propre voie). Mais l’ensemble peine vraiment à convaincre, avec son trop-plein de scènes d’action et son côté potache qui ne fait pas mouche à chaque fois. L’approche humoristique et l’idée de voir le lien Renfield-Dracula comme une relation toxique permet de prendre une certaine distance avec les Dracula précédents. Mais en fin de compte, le film ne propose qu’un sympathique divertissement qui n’exploite pas son potentiel.