Sasha est une jeune vampire qui refuse de s’éveiller à sa condition de vampires. Interloqués par son incapacité à chasser, voire à éprouver de l’excitation face à ses victimes, ses parents décident de consulter. Il semble qu’un épisode de son enfance ait particulièrement traumatisé Sasha : un clown invité pour son anniversaire a fini sous les crocs de l’ensemble de sa famille, devant l’incompréhension de la petite non-morte. Un soit, ses dents percent néanmoins, alors qu’elle assiste à une tentative de suicides. Ses parents en profitent pour la confier aux soins de sa cousine, une vampire accomplie, pensant que celle-ci pourra mettre leur fille sur la voie. Mais Sasha n’éprouve aucune excitation à suivre sa parente en chasse, et préfère s’inscrire à un groupe de prise de parole. Là, elle retrouve l’adolescent mal dans sa peau rencontré alors qu’il envisageait de se jeter dans le vide.
Vampire humaniste cherche suicidaire consentant est une nouvelle proposition francophone autour de la figure du vampire. Si le métrage est programmé pour une sortie en salle en mars, il a déjà été projeté plusieurs fois en festival, et a su faire parler de lui. Aux côtés du Vourdalak d’Adrien Beau et de La morsure de Romain de Saint-Blanquat, le film d’Ariane Louis-Seize confirme un intérêt renouvelé des réalisateurs de langue française pour le vampire. Le Québec n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai sur le sujet, la province étant le berceau des Karmina (1996) et Karmina 2 (2001), devenus rapidement culte de ce côté-là de l’Atlantique. Mais Vampire humaniste cherche suicidaire consentant est davantage au croisement entre le grinçant du Vampires (2010) de Vincent Lannoo et la dynamique du A Girl Walks Home Alone At Night (2014) de Ana Lily Amirpour.
Comme chez Romain de Saint-Blanquat, le métrage d’Ariane Louis-Seize est un film d’apprentissage. Mais dans La Morsure, la protagoniste centrale n’est pas vampire, même si sa rencontre avec une créature de la nuit est un des tournants du récit. La réalisatrice de Vampire humaniste cherche suicidaire consentant nous propulse d’emblée dans le quotidien des vampires, faisant de son héroïne le vilain petit canard d’une famille normale… dans sa vampirité. De fait, s’est sa compassion qui la met au ban des siens, matière à nous proposer d’accompagner ses parents dans un parcours médical, en quête d’une solution. L’aspect coming-of-age est doublement traité avec le versant humain, et le personnage de Paul (Félix-Antoine Bénard). Et finalement, les deux protagonistes finiront pas trouver leur échappatoire au sein de leur relation. Aucun des deux ne suivra la voie tracée pour lui par sa condition (humaine ou vampire) : ils créeront eux-mêmes les moyens de leur existence future. À commencer par Sasha (Sara Montpetit), qui réalisera progressivement que ce qui lui pose souci, c’est l’absence de consentement des victimes de ses pairs.
Vampire humaniste cherche suicidaire consentant est une œuvre qui sait se faire drôle par sa galerie de personnages et ses dialogues, mais n’est pas une simple comédie. Il y a un côté tragique au film et une certaine cruauté, particulièrement dans le vécu des deux protagonistes. Paul est couvé par une mère aimante, mais soufre-douleur de ses camarades, Sasha n’a pas d’ami et est une déception pour la plupart des membres de sa famille. Le métrage aborde de nombreux thèmes comme le mal-être adolescent, le consentement et le harcèlement, et parvient à distiller une vision originale à un sujet déjà rebattu : l’adolescence. La plastique du film, son rapport au son y est pour beaucoup, mais ce sont aussi (voire avant tout) les acteurs qui lui permettent de tirer son épingle du jeu.
On découvre la figure du vampire au travers de la famille de Sasha. Il s’agit d’une famille « normale » de vampires, qui vit dans un pavillon de banlieue. On réalise vite que si les parents de la vampire, sa tante et sa cousine se nourrissent directement sur leurs victimes, elle ne parvient à se sustenter qu’en consommant des poches de sang. Matière à découvrir l’étendue de la communauté des vampires, quand son père et sa mère consultent des spécialistes pour comprendre le mal dont leur paraît atteinte leur fille. Ses crocs de vampires ne sont pas encore sortis alors qu’elle a près de 60 ans (mais le corps d’une enfant de 15 ans), et qu’ils sont censés percer face à l’excitation de la chasse. Dans ses échanges avec Paul, elle révèle qu’elle est allergique au soleil, de même qu’aux crucifix et à ce qui tient du religieux. On verra également qu’elle peut faire montre d’une force prodigieuse. Enfin, l’histoire nous montrera que si une victime n’est pas drainée jusqu’à la dernière goute, elle peut revenir en vampire.
Le film d’Ariane Louis-Seize (sont premier long-métrage après une poignée de courts) est une proposition intéressante et réussie autour de la figure du vampire, qui oscille entre les genres tout en offrant une composition actuelle, mais non dénuée de sens. Clairement le type de films de vampires que j’aimerais visionner plus souvent.