Le baron Van Heim, son assistant Adolf et sa nièce Ingrid font route pour la Transylvanie. L’aristocrate entend bien chasser le vampire à l’occasion de ce voyage, aussi passe-t-il sans tarder le permis nécessaire en ces lieux pour s’attaquer aux buveurs de sang. Ses recherches le conduisent finalement au château du comte Dracula, où ce dernier les accueille comme il se doit. Le trio s’installe dans les chambres que leur propose le noble transylvanien, avant de continuer leurs recherches. Ils font également la rencontre de Vania et d’Alexis, respectivement petit-fils et fils de Dracula. Mais si Adolf finit par se douter de quelque chose, Von Heim ne comprend pas que ceux qu’ils cherchent sont justement ceux qui viennent de leur ouvrir les portes de leur château. Car Dracula et sa descendance… sont des vampires.
Rattaché à la collection Plagiats Célèbres de Monnet Editeur, ce Dracula pourrait bien être la première itération autour du comte dans la BD franco-belge. L’album a en effet été publié en 1975, et est marqué par l’influence du Bal des Vampires (1967) de Roman Polanski et de la Hammer Films. L’approche est indubitablement humoristique, la mention de Gotlib (qui apparaît dans l’album) ne trompe pas. La collection à laquelle est censé appartenir ce Dracula, si elle annonce d’autres titres en quatrième de couverture (Frank Einstein, La Momie, Le Loup Garou), semble avoir fait long feu. Il en va de même pour l’éditeur, dont ce semble être l’unique album. Du côté des auteurs, le scénariste A. Oki (dont le prénom n’est mentionné nulle part) est également connu pour quelques scénarios pour le magazine Zorro, dans les années 1970. Le dessinateur Vladimir Pablo a un peu plus de production à son actif, avec un certain nombre d’albums et séries publiés entre Becassexine (1974) et l’anthologie Tutti Frutti (1997), une de ses histoires figurant dans le tome 4. Au vu des titres et des couvertures des albums où son nom figure, il paraît principalement tourné vers la BD pour adulte (ce que n’est pas forcément ce Dracula).
Le récit est prétexte à des gags plus ou moins réussis (et assez datés), qui jouent autant avec ce que sont censés incarner les personnages et les figures qui sont censées les incarner. A l’image d’un film, la page titre de l’album nous explique ainsi que Dracula est incarné par Christopher Lee, Von Heim par Peter Cushing, Adolf par Jean Carmet, Vania (le petit-fils de Dracula) par Claude François, Ingrid par Alice Sapritch… On ne reconnaît pas forcément à chaque fois les acteurs et personnalités en question mais l’idée est là, et ancre l’album dans son époque. Matière également à souligner que Dracula (et les vampires) sont des créatures de cinéma, qui finissent par déteindre sur le neuvième art. Cet ancrage cinématographique traverse toute l’histoire, jusqu’au final où les acteurs s’en vont vaquer à d’autres occupations, maintenant que le récit est terminé.
Au niveau vampire, Dracula, son fils Alexis et son petit-fils Vania sont les principaux buveurs de sang du récit (mais pas les seuls). On découvre ainsi qu’en Transylvanie, les vampires paraissent sitôt le mot prononcé. Les habitants doivent alors produire des crucifix pour s’en débarrasser. Sur place Von Heim découvre que leur chasse est réglementée, et qu’un permis va lui être nécessaire. Pour le reste, on est sur une approche très classique : les vampires dorment dans des cercueils, craignent le lever du soleil et boive du sang pour survivre. Ils laissent alors les marques de leur morsure sur la gorge de leurs victimes. Idée intéressante néanmoins pour le final : Von Heim finit par être vampirisé par contamination avec le sang de Dracula (ils partagent un rasoir). Clin d’œil à la fois au roman, mais aussi au final du Bal des Vampires. A noter que le début de l’histoire, ou le trio est dans une diligence en route pour la Transylvanie, pourrait aussi être une allusion directe au roman.
Très daté, pas forcément drôle (la plupart des gags tombent à plat) ce Dracula n’en est pas moins une curiosité historique pour l’amateur de vampire. De quoi démontrer qu’en France aussi, l’introduction du vampire dans la bande dessinée se fait par l’entremise du cinéma. Acteurs et personnages se superposent, un peu comme le fit Dracula, père et fils d’Édouard Molinaro un an plus tard (1976).