Succubus Blues nous fait partager la vie quelque peu chaotique de Georgina Kincaid, jeune femme aussi active que charmante et jouissant surtout de l’immortalité grâce à sa nature de succube. Cette employée des forces infernales a pour mission de tenter les mortels afin qu’ils vendent leurs âmes pour le compte de son camp. Elle possède pour cela certains dons surnaturels tels que le pouvoir de se métamorphoser, une capacité de séduction accrue ou peut encore profiter d’une récupération physique supérieure à la normale. Son existence se poursuit avec les frustrations et les anecdotes insolites qui ne manquent pas de parsemer l’existence d’une pareille créature. Les choses ne s’arrangent pas lorsqu’un mystérieux tueur de vampires assassine Duane, l’un de ses ennemis, car tous les motifs semblent dès lors la désigner comme la coupable idéale.
L’univers dans lequel évolue l’héroïne est indéniablement l’un des éléments qui séduit d’entrée dans cette nouvelle série bit-lit, genre décidément fleurissant sur notre territoire. Une ville telle que Seattle se voit ainsi partager de façon équitable entre différentes factions formées par des démons, des vampires et des anges. Cette cohabitation n’est d’ailleurs pas sans rappeler le background que l’on retrouve dans le comics Hellblazer. Néanmoins, pas de guerre de territoire ou de friction entre tout ce petit monde ici. Jérôme est le puissant archi-démon gérant les affaires courantes de sa ville mais ne répugne pas à partager un peu de son temps en compagnie de Carter, le superviseur du camp angélique.
En ce qui concerne les vampires, ces derniers n’ont pas un rôle clairement défini à l’inverse des anges ou des démons. Ils sont représentés de façon plutôt neutre, bien que se sentant naturellement plus proche des représentants de l’enfer que des envoyés du ciel. Les aficionados de la figure vampirique dite classique risquent d’être un tantinet déçus. Les vampires en questions peuvent se passer de sang frais durant une certaine période en substituant l’hémoglobine par de la nourriture normale et peuvent même prendre du poids. Ils possèdent par contre une force physique et une vitesse supérieure aux démons, ce qui les rend moins subtil dans leur approche mais plus dangereux au contact.
Fait intéressant, seul quelques mortels « élus » dotés d’un don spécial sont capables d’éliminer un vampire, alors que cela est chose impossible pour un simple humain. Des allusions sont d’ailleurs faites à ce sujet sur une certaine » petite blonde tueuse de vampires de la télé » dans la première partie de l’histoire.
Le personnage de Georgina Kindcaid est l’un des autres atouts majeurs du récit. L’auteure parvient à façonner une héroïne tirant profit d’une originalité rafraîchissante par rapport à certaines de ces collègues jouant elles aussi dans le même registre littéraire. Bien que ne s’affranchissant pas des incontournables critères tels que la séduction innée, le franc parlé ravageur ou le côté fouineur, Georgina se voit pourtant dotée d’une personnalité nuancée. Elle souffre à certains moments de son immortalité, restreint volontairement les relations sérieuses avec les hommes bien autour d’elle, semble parfois un peu paumée… Son passé nous est conté par bribes tout au long de l’histoire afin d’en découvrir d’avantage sur sa vie de mortel.
Outre sa galerie de personnages classiques dans le fond mais tout de même attachants, l’ambiance de cette première aventure est, il faut bien l’avouer, une franche réussite. La librairie dans laquelle travaille le succube est l’occasion de voir se développer une intrigue efficace baignant dans le milieu des livres et des auteurs en évoquant certaines des petites manies caractérisent ces derniers. Le style de Richelle Mead est agréable tout en étant suffisamment aguicheur pour séduire les fans de ce type de récit. Autant de points positifs qui ne pourront que séduire les lecteurs de cette nouvelle série qui se classe parmi le fleuron du genre bit-lit, aux côtés des Anita Blake et autres Mercy Thompson.
Personnellement j’ai adoré ce livre. Il est plein d’un humour qui sait se faire cassant et qui ne dénature en rien les moments où l’auteur souhaite faire peser une atmosphère un peu plus lourde.