Le mythe du vampire est un des plus traditionnels de la littérature fantastique et du cinéma. Immortel bien sûr, le vampire a également évolué hors des sentiers battus des cimetières et Vampire Story vous en propose de multiples et fascinantes variations par les plus grands auteurs anglo-saxons, belges et français. Tour à tour extra-terrestres, invisibles, humoristiques ou psychiques, ils vous emmèneront dans un voyage garanti sang pour sang épouvante où vous rencontrerez la race des saigneurs de la nuit, des créatures aux visages multiples, reliées par un besoin aussi commun que protéiforme : la soif.
Il y a beau avoir de très nombreuses anthologies généralistes sur le thème du vampire, beaucoup d’entre elles ne font que ressasser les même invariables textes, à quelques exceptions près (on en doit une partie à Barbara Sadoul). Si Vampire Story intègre certaines nouvelles que les amateurs ont déjà pu lire ailleurs, il reste indéniable que la sélection de nouvelles ici proposées est fort réussie, et propose aux lecteurs de découvrir de nombreuses variations intéressantes sur le thème, organisées avec soin en 4 sous-ensembles.
On commence ainsi les hostilités avec un corpus de textes rassemblés sous le titre Les traditionnels, à travers lesquels les auteurs mettent en scène des visions assez classique du vampire, quoi que la chute (et certains éléments propres aux vampires évoqués) mettent d’emblée ces textes à la marge. Je pense notamment à « Frères de Sang », de Robert Bloch, qui est un des premiers textes connus à faire du vampire le héros-narrateur. On reste cependant dans les codes du vampire buveur de sang qui craint la lumière du soleil. Une créature qui séduit pour parvenir à ses fins (Léonora et Le péril en sont de bons exemples), et sustenter sa faim.
Les parodiques est à n’en pas douter un des temps fort de cette anthologie. La ville-vampire de Féval en est le coeur, même si le chapitre est ouvert par une nouvelle de Henry Kuttner (plutôt réussie pour le coup, avec un retournement de situation assez juteux). Je ne reviendrais pas en long, en large et en travers sur la longue nouvelle de Féval, mais force est d’avouer qu’elle est d’une inventivité rare, pour un pastiche du genre (détournement réussi des textes d’Ann Radcliff, qui devient l’héroïne, et du roman gothique en général). La manière dont les vampires intègrent leurs victimes, la description de la mythique Sélène, les retournements de situation à tout va en font un des textes qui mérite le plus sa place au panthéon des textes du genre. Je vous suggère d’aller de ce pas lire la critique détaillée de la Ville-vampire par Senhal.
Les étranges est le chapitre suivant de Vampire Story, qui s’attache à rassembler trois nouvelles très réussies. Des enfants avides de se venger d’une créature à la fois sanguiniphage et cannibale, aux mystérieux Grom, des créatures capables de se sustenter des affects des humains (et que ces même humains ne peuvent voir), pour finir par La chose, qui s’ouvre sur le procès de deux personnes accusées de meurtre. Des textes courts qui proposent de bons (voire très bons) finaux et des variations originales sur le sujet. De quoi faire sortir quelque peu les vampires de leur cercueil et montrer que le vampire n’est pas un mythe aussi codifié qu’on pourrait le croire.
Les psychiques est la 4e et dernier partie de l’anthologie. C’est également une de celle que je préfère, étant donné que ce sous-ensemble des textes vampiriques permet de grosses libertés avec les codes popularisés au XIXe, à l’instar de l’Echiquier du Mal de Dan Simmons ou du Horla de Maupassant. Des vampires qui délaissent quelque peu le coup du sang, et préfèrent se nourrir des émotions de leurs victimes, de leur force vitale… Pour le coup, c’est une nouvelle de Conan Doyle (le père de Sherlock Holmes, faut-il le préciser) qui ouvre le bal, en mettant en scène un savant on ne peut plus rationnel confronté à une medium qui va peut à peu avoir la main-mise sur son esprit. Une nouvelle bien calibrée, qui permet en outre à l’auteur d’aborder les tendances ésotérico-mysique de son époque (le mesmérisme en tête). L’ensemble s’achève à Venise, dans un appartement louée par un malade en convalescence amoureux de la ville. Un appartement dans laquelle trône un miroir qui aura tôt fait de captiver l’attention de son occupant. Mais à quel prix ?
Un recueil qui a le bon goût de rassemble quelques classiques mais aussi (et surtout) des nouvelles rares qui mériteraient d’être davantage connues, tant leur trame promet au lecteur de s’immerger dans une ambiance fantastique sans cesse renouvelée. Car si l’ensemble de ces textes mettent en scène des vampires, pas un ne ressemble à celui qui le précède. Pour ceux qui pensent que le mythe du vampire ne parvient pas à se renouvelle, voilà une démonstration incontestable du contraire !