Traduction : Benoît Domis
Georgina Kincaid est un succube, une démone qui pourrait vider la force vitale de son petit ami par un simple baiser. Immortelle, elle tire son pouvoir du plaisir qu’elle provoque chez les hommes et peut changer d’apparence à volonté. Evoluant dans une ville où vampires, anges et forces infernales se côtoient sans complexe, la jeune femme travaille dans une librairie pour le moins agitée : elle soupçonne notamment l’un de ses collègues de travail de consommer une drogue mystérieuse et funeste pour l’état de santé de n’importe quel mortel. Surtout, Bastien, un de ses anciens partenaires incube, revient auprès d’elle afin de s’acquitter d’une mission des plus délicates : séduire pour le compte des enfers Dana Dailey, une animatrice radio à la tête du CPVF, un mouvement sexiste qui s’oppose entre autres à l’avortement et au mariage homosexuel.
À l’image du premier volet, ce second opus des aventures de Georgina se démarque du reste de la production bit-lit grâce à une ambiance parfaitement dosée qui oscille entre érotisme et sentiments plus intimes. De par la nature qui la condamne depuis plusieurs siècles, l’héroïne mène un train de vie quelque peu amoral tout en essayant de bâtir une relation sérieuse avec Seth Mortensen, l’auteur à succès dont elle s’est amourachée. Les qualités du récit ne résident donc pas dans un suspens haletant, mais puise son intérêt au travers des relations qui se tissent entre les personnages dans un cadre d’Urban Fantasy. Les situations aussi surprenantes qu’imaginatives se révèlent tantôt sensuelles tantôt embarrassantes, sans jamais se départir d’un style littéraire vivant et facile à suivre.
Cody et Peter, les deux amis de Georgina, sont les seuls buveurs de sang présents dans l’histoire bien que leur communauté soit implantée en force dans la ville de Seattle. Loin d’incarner de redoutables prédateurs, ces derniers mis au second plan se contentent du rôle de confidents et apportent souvent une touche d’humour supplémentaire en complément des frasques exaltées du succube. Il arrive au tandem d’accompagner leur amie en boîte pour danser, et éventuellement chasser. Les deux vampires passent néanmoins le plus claire de leur temps à papoter et à s’amuser au cours des soirées qu’ils organisent. Les vampires décrits par Richelle Mead s’éloignent ainsi du mythe classique : sociables, ils peuvent boire et manger comme n’importe quels mortels en substitution de l’hémoglobine, mais n’en craignent pas moins les rayons du soleil.
Outre son ton résolument adulte, le charisme du personnage de Georgina est l’un des points forts du roman, pour ne pas dire sa principale attraction. Même si elle œuvre activement pour le camp des démons, le succube sait faire preuve de compassion et éprouve parfois du remord à user de ses charmes pour piéger les mortels. Loin du stéréotype de l’héroïne adepte des méthodes musclées, elle préfère recourir à son ingéniosité et son sex-appeal pour surmonter les problèmes. Les quelques incursions dans son passé permettent quant à elles de mieux cerner le raisonnement d’une immortelle sans cesse partagée entre son essence maléfique et sa nature humaine .
Cocasse, l’atmosphère qui se dégage de Succubus Nights, avec son vocabulaire parfois cru, se veut légère et pétillante. La succession de passages aguicheurs maintient la curiosité des lecteurs en éveil et le dynamisme des dialogues insuffle à l’histoire un rythme soutenu de la première à la dernière page. Autre aspect positif en plus de son humour revendiqué, la série s’applique à mettre en avant la vie quotidienne d’une grande librairie avec son lot de tracas, ses imprévus, ses conflits, les organisations d’évènements littéraires… Cet aspect réaliste mais ô combien intéressant complète une toile de fond déjà riche.
Les amateurs de récits sombres qui attendent une présence vampirique plus prononcée dans ce genre d’œuvre préfèreront peut-être passer leur chemin. Néanmoins, cette deuxième aventure de Georgina Kincaid comblera sans mal les fans du premier tome qui apprécient les péripéties croustillantes de la charmante démone, autant pour ses protagonistes désinvoltes que pour les thèmes matures qui se voient abordés. Une série qui grâce à sa fraîcheur, confirme sa place parmi les ténors du genre bit-lit.