Quel est ton parcours d’auteur ? Comment en es-tu venu à rencontrer les nouvelles éditions l’Editeur et à leur proposer le Dieu vampire ?
Je conserve un souvenir très précis de ce qui a représenté pour moi le point de départ de ma vocation d’écrivain. J’étudiais en classe de sixième, à l’occasion d’un cours de français, un extrait de Salammbô de Gustave Flaubert. A la lecture de ce texte magnifique, relatant le sabotage de l’aqueduc carthaginois par Spendius, une envie est née en moi, l’envie d’être capable un jour de raconter des histoires en captivant les autres de la manière dont j’avais été captivé, de posséder à mon tour ce pouvoir magique dont sont investis les auteurs. Mon désir d’écriture a été engendré par cette phrase qui m’avait transporté dans un autre lieu et un autre temps :
« C’était la mort pour Carthage, et la victoire pour les barbares… »
Plus tard, adolescent, j’ai découvert la SF, puis la Fantasy, à dix-huit ans, avec Le seigneur des anneaux. Peu à peu, mon besoin d’écrire s’est cristallisé autour d’un genre littéraire qui me fascinait par les dimensions infinies offertes à l’imaginaire. A cette époque, les dessins de Druillet m’ont fortement marqué, et j’ai constaté avec plaisir que cet artiste que j’admire beaucoup avait décidé de faire une B.D. de Salammbô. L’univers des mots de l’auteur qui m’avait bouleversé pendant mon enfance rejoignait l’univers graphique du dessinateur que j’estimais le plus. Alors j’ai vraiment ressenti l’impérieuse nécessité d’essayer de bâtir, moi aussi, un monde imaginaire.
J’ai débuté l’écriture du Neuvième Cercle en 1984, pendant mes études à l’Ecole Vétérinaire de Nantes, et je l’ai poursuivie pendant mon service national en Polynésie, où j’ai passé dix-huit mois dans le cadre de l’aide technique. Mon épouse l’a entièrement tapé à la machine à écrire (1985-86 constitue la préhistoire de l’informatique) et je réalise maintenant quelle dose de confiance en moi il lui a fallu pour accepter un tel travail sans bien entendu la moindre certitude quant à mon éventuelle publication.
Mon métier n’offrant que peu de loisirs, lorsque que j’ai commencé à faire de l’aide et des remplacements dans des cliniques vétérinaires, j’ai dû réfréner quelque peu mes ardeurs d’écrivain. Cependant, une pause en 1987, nécessaire pour rédiger ma thèse de doctorat, m’a offert l’opportunité d’imaginer un polar fantastique, Le Jeu. C’est ce livre qui m’a permis en fin de compte de franchir la frontière séparant les auteurs publiés de ceux qui rêvent de l’être.
Le Jeu est sorti en 1989 chez Fleuve Noir, suivi en 1990-1991 du Neuvième Cercle, édité en six volumes. Ces parutions représentaient bien sûr une incitation à persévérer, mais ma vie professionnelle est devenue trop prenante à cette période et a mobilisé toute mon énergie. En 1989, j’ai créé une clientèle vétérinaire à Marennes, en Charente Maritime, et pendant plusieurs années, mon esprit n’était pas vraiment disponible pour une autre activité. Cependant, le démon de l’écriture s’est à nouveau emparé de moi, et j’ai rédigé Le Niwaâd, qui a été édité en 1997, premier roman de la collection « Legend » chez Fleuve noir.
A cette occasion, j’ai fait la connaissance de Marc Duveau, dont le soutien a constitué une puissante motivation pour continuer dans la voie de la SF et de la Fantasy. Privé du regard d’un directeur de collection, un auteur évolue sans repères, et il est bien difficile de ne pas céder au doute. La réédition du Neuvième Cercle en 1998 m’a décidé à imaginer une suite aux aventures des personnages que j’avais créés près de quinze ans auparavant : La Porte des Ténèbres (1999).
A cette saga de Fantasy a succédé L’Arpenteur de Mondes, un roman d’un genre très différent, à l’intersection du Polar, du Fantastique et de la SF. Sa sortie chez Presses Pocket, dans la collection « Terreur » dirigée par Patrice Duvic, a eu lieu en janvier 2000 (une date symbolique pour une histoire qui s’inspire de l’Apocalypse de Saint Jean). Ce livre a obtenu le Prix Masterton 2001 du meilleur roman francophone en Fantastique, et a été désigné par le même jury, en 2009, meilleur roman fantastique francophone des dix dernières années.
J’ai vraiment pris goût au Fantastique, et Les sept saisons du Malin, paru chez Naturellement dans la collection « 2000.com » en juillet 2000, m’a permis d’explorer ce genre littéraire différemment. Il s’agit d’un recueil de nouvelles toutes axées sur un personnage principal qui n’est autre qu’une incarnation du diable. Puis j’ai récidivé en 2001 chez Pocket « Terreur » avec L’Aigle de sang, en utilisant à nouveau le métissage du Polar, de la SF et du Fantastique, ainsi que l’exploitation de l’eschatologie (celle du mythe scandinave de Ragnarok, le crépuscule des dieux), comme je l’avais fait avec L’Arpenteur de Mondes. En 2002, L’Aigle de sang a lui aussi été récompensé par le Prix Masterton.
Malheureusement, à la suite de cette série de publications, j’ai été très perturbé par les problèmes rencontrés par Patrice Duvic, aussi bien sur le plan professionnel que sur le plan de sa santé. J’ai été affecté par sa maladie et son décès. Nous avions d’excellentes relations d’auteur à directeur de collection, et des relations amicales également. Sa disparition explique sans doute en partie une période de quelques années où je n’ai rien publié. Cependant, il m’avait encouragé à mener à bien un projet de roman historique dont je lui avais parlé, l’histoire d’un ambassadeur chinois du IIème siècle avant JC, qui fut le premier homme à parcourir la route de la soie. La rédaction de ce livre m’a demandé beaucoup de temps, le travail à effectuer étant sans commune mesure avec celui demandé par un roman de fiction pure ; sans oublier qu’à côté de l’écriture, j’ai aussi un boulot de vétérinaire assez prenant… Mais en fin de compte, j’ai achevé ce roman et j’ai trouvé un éditeur pour le publier. Le Pays des chevaux célestes est sorti en deux tomes chez Ramsay : L’empire du dragon jaune en 2008 et Les royaumes des steppes en 2009, sous le pseudonyme de Chris Jensen (une exigence de l’éditeur, à mon avis discutable…).
J’ai proposé à Ramsay le manuscrit du Dieu vampire. Comme ce genre littéraire ne correspondait pas à leur ligne éditoriale, il aurait pu rester dans un tiroir, sans quelqu’un qui travaillait pour Ramsay mais qui intervenait également pour aider à la création de cette nouvelle maison d’édition qu’est L’Editeur. Il a convaincu l’équipe de L’Editeur de lire mon manuscrit, et même si la publication d’un roman comportant le mot vampire dans son titre ne faisait pas forcément partie de leurs projets initiaux, ils ont eu assez d’ouverture d’esprit pour en tourner les pages. Comme l’histoire a plu à tout le monde, Dieu vampire a vu le jour. Et je dois dire que je suis ravi de travailler avec une équipe motivée, dynamique et compétente.
Merveilleux auteur que je recommande vivement ; je le lis depuis ses débuts, L’Arpenteur de monde est un petit bijou méconnu malheureusement ; L’Aigle de sang tout aussi passionnant : (attention, âmes sensibles) ; le dieu vampire prouve toujours que Chaumette n’a rien perdu de son talent ; petit problème cependant, L’Aigle de sang n’a pas été ré-édité et est assez difficile à trouver.