Parle-nous un peu du Dieu Vampire. Qu’est-ce qui t’a donné envie d’écrire ce roman vampirique ? Envisages-tu de lui donner une suite ?
Je suis un grand passionné d’Histoire et de Mythologie. Avec Le Dieu Vampire, j’ai essayé de faire ce que j’avais déjà réalisé avec mes précédents romans fantastiques : explorer des grands mythes classiques, en les transposant à notre époque, voire dans le futur. Après le Diable, la fin du monde selon la tradition chrétienne (Apocalypse de St Jean) ou scandinave (Ragnarok), j’ai eu envie de m’attaquer aux vampires.
Cela étant, je ne souhaitais absolument pas m’insérer dans une mode et dépeindre les vampires comme ils l’ont été tant de fois, écrire une énième déclinaison de « Dracula », montrer des buveurs de sang décadents, tourmentés par l’amour ou éventuellement gentils au point de se rabattre sur des victimes non-humaines… Le Dieu Vampire ouvre la possibilité à une suite. Dans mon esprit, une histoire complète pourrait faire l’objet d’une trilogie. Très franchement, je pense que l’écriture de cette suite dépendra entièrement du succès du roman. Quand un livre se vend bien, on peut tout proposer à un éditeur…
La souffrance, et de là une certaine forme de sadisme, est indissociable des vampires que tu dépeins dans ce roman. Qu’est-ce qui t’a amené à repenser le mythe du vampire de cette façon (et de là, à donner une origine vampirique aux grandes figures criminelles qui ont parsemé l’histoire de l’humanité) ?
La clé, c’est effectivement repenser le mythe du vampire. Et la meilleure façon de le faire, à mon avis, c’est de retourner aux sources, et de tout rebâtir à partir de là, sans tenir compte de ce qui a déjà été écrit. Ma passion pour l’Histoire m’a incité à construire le roman en utilisant le personnage historique de Vlad III de Valachie, surnommé Dracula. Lorsque Stoker a rédigé son roman, il s’est appuyé sur un ensemble de légendes à propos des vampires, et n’a utilisé Vlad de Valachie que pour donner un nom, une référence historique à son personnage. Je souhaitais avoir une démarche différente, ne pas partir des légendes, mais des sources historiques existant sur « Draculea ».
Ce qui ressort de l’étude des textes le concernant, c’est la terreur invraisemblable que cet homme inspirait à ses contemporains, à une époque pourtant excessivement cruelle (selon nos critères actuels). Vlad Tepes, c’est à dire Vlad l’empaleur, avait mis en place un mode de gouvernement par la terreur. Il utilisait la terreur pour faire régner l’ordre social, pour mener ses campagnes militaires. Et de toute évidence, il n’avait pas à forcer sa nature. Son existence a été marquée par une sorte de surenchère permanente dans l’horreur, avec une efficacité certaine. Il en ressort que l’homme qui fut à l’origine du mythe de Dracula se distinguait par son goût pour la souffrance infligée, pour les supplices, pour les massacres ; pour le sang, mais pas sensus stricto…
A partir de là, j’ai essayé de déterminer des similitudes avec d’autres personnages historiques. Il se trouve que plusieurs ont usé des mêmes méthodes que Vlad Tepes, par exemple les rois assyriens, ou Gengis Khan. C’est en m’appuyant sur ces constatations que j’ai construit le roman. Et en utilisant certaines connaissances scientifiques, en matière de parasitologie notamment.
Au bout du compte, tout cela a donné un métissage entre le Fantastique et le Polar avec une touche de SF. J’aime ce qui se situe aux carrefours, aussi bien dans le domaine de la Science que celui de l’Art. (Je suis un fan de musiques métissées, la World Music).
Quelles ont été ta première et ta dernière rencontre avec un vampire (littéraire et/ou cinématographique) ?
Pour la première rencontre, c’est vraiment une colle ! Peut-être un vieux Dracula avec Christopher Lee, ou Nosferatu de Murnau lors d’une projection dans un ciné-club de collège…
Je peux plus facilement parler des rencontres qui m’ont le plus marqué. Dans le domaine cinématographique, je dirais Les Prédateurs de Tony Scott, parce que le film sortait des sentiers battus ; ou des œuvres qui jouent avec le mythe, comme Le Bal des Vampires de Roman Polanski, le déjanté Une nuit en enfer de Robert Rodriguez ; ou quand même le Dracula de Coppola…
Dans le domaine littéraire, je citerais L’échiquier du Mal de Dan Simmons et Je suis une légende, de Richard Matheson (trois fois adapté au cinéma) parce qu’ils abordent le sujet de manière vraiment originale.
La dernière rencontre, je pense que ce doit être la série Twilight (les romans, pas le film, que je n’ai pas vu) Ayant trois enfants (deux filles de 18 et 21 ans, un garçon de 14 ans), j’ai été victime du syndrome Harry Potter qui consiste pour les parents à être curieux de ce qui fascine tant leurs gamins.
Pour toi, comment peut-on analyser le mythe du vampire ? Qu’est ce qui en fait la pérennité ?
Question difficile… Il y a une pérennité incontestable, mais je dirais aussi des modes cycliques. Pourquoi ? Le romantisme gothique du XIXème siècle convenait bien aux vampires, le XXème siècle moins me semble-t-il. Que se passe-t-il au début du XXIème pour relancer l’intérêt ?
Je pense qu’il existe actuellement un reflux d’une certaine confiance presque aveugle dans les progrès de la Science. Dans l’inconscient humain, au vingtième siècle, il s’est construit à un moment une sorte de certitude : les progrès scientifiques nous menaient continuellement vers un avenir meilleur. De plus en plus, l’évolution de la Science est perçue comme une menace (pollution, nucléaire, manipulations génétiques, etc.…) et cette certitude s’efface de notre inconscient. Si ce que j’appellerai « le mythe scientiste » recule, alors il laisse de la place à d’autres mythes, qui ressurgissent. On croit moins aux « miracles de la Science », du coup l’intérêt augmente pour le surnaturel. Sur le plan littéraire, notre époque pourrait être plus Fantastique que SF. Mais les acquis ne disparaissent pas pour autant… C’est pour cette raison que je crois aux mélanges, aux croisements dans la littérature de l’Imaginaire. On peut s’amuser à superposer les mythes, écrire des histoires de vampires différemment, en
utilisant l’héritage SF par exemple.
D’ailleurs, à mon avis, la pérennité du mythe du vampire passe par là. Si les histoires de vampires ne font que recycler à l’infini Dracula de Bram Stoker, elles finiront par lasser les lecteurs.
Le Dieu Vampire sort ces jours-ci en librairie. Quelle sera ton actualité dans les semaines et mois à venir ? As-tu déjà commencé de travailler sur de nouveaux romans ou nouvelles ?
Le même mois que Le Dieu Vampire, les éditions Voyel sortent le premier tome de ma saga de Fantasy, Le Neuvième Cercle. Ce sera la troisième fois que ce roman sera édité, cette fois-ci dans une très belle collection, avec de magnifiques illustrations de Genkis, un artiste vraiment talentueux et qui communique beaucoup avec les auteurs pour réaliser les couvertures.
Donc, mon actualité, parallèlement au Dieu Vampire, c’est Le Peuple oublié, premier tome du cycle. Il sera suivi de L’Impossible Quête , puis de la réédition de La Porte des Ténèbres en deux tomes.
Du coup, je travaille en ce moment sur la suite de ce cycle de Fantasy. De la même manière que la réédition du Neuvième Cercle en 1998 m’avait incité à écrire La Porte des Ténèbres, l’initiative des éditions Voyel m’a donné envie de retrouver l’univers et les personnages que j’avais créés il y a des années. Ce qui est amusant, c’est que mon héros, comme moi, vieillit et évolue, puisque une trentaine d’années séparent le début de la saga et la suite que je suis en train d’écrire. Au total, il y aura six tomes, deux pour la première histoire, deux pour le deuxième volet qui se situe une quinzaine d’années plus tard, et deux pour la fin inédite du cycle, dont la parution aura lieu en 2011.
Donc je ne manque pas d’occupation, surtout qu’il est question de romans assez longs, dans la tradition des sagas de Fantasy qui fourmillent de mondes et de personnages variés.