Cela aurait pu commencer comme n’importe quel autre roman vampirique, mais Even dead things feel your love commence comme une chanson. Bercé par la mélodie de Peter Carlsen, on déguste chacun des mots de Mathieu Guibé en entrant dans le récit.
Une introduction douceâtre, doucereuse et simple : un lord revient sur les terres de son enfance. Il fuit la ville, le progrès, le danger. Des chasseurs de vampires pourraient bien le réduire en poussière. Il rencontre de manière inattendue une jeune fille qui le bouleverse dans son inhumanité. Lui, le monstre, le sanguinaire qui se sert de ses crocs sans conscience découvre que son cœur peut encore battre. Pourtant, il nous prouve aussi que le cœur qui bat peut être bien plus douloureux que le cœur qui meurt.
Les notes s’affolent et notre lecture s’envole. Ce lord anglais, Josiah, nous fascine, nous fait trembler autant qu’il nous perturbe. Il est ici question d’un monstre qui l’est de par sa nature mais qui peut aussi faire preuve d’une tendresse infinie envers cette douce Abigale qui le renverse. Quelle plus belle preuve d’amour que l’abandon de soi ? Pourtant le destin est cruel et emporte avec ses griffes un bonheur que Josiah et Abygale pouvaient presque saisir.
A travers le temps, à travers les âges presque, on est happé par la quête éperdue de tristesse et de souffrance de Josiah. Une histoire banale d’amour impossible ? Non ! Une histoire envoûtante qui prouve que l’amour est irréfléchi, irrésolu, inviolable.
Avec une plume qui force le respect et emporte tout sur son passage, le récit de Mathieu Guibé déroule sa poésie délicatement, sans empressement, mais avec un luxe de détails qui nous permettent de plonger avec délice dans cette époque où le monde bascule et progresse à toute vitesse. On s’émmerveille des progrès de la science, de cette exposition universelle de Londres que nous n’aurions jamais pu connaître mais que nous avons, grâce à Mathieur Guibé,visitée savoureusement.
Josiah est un vampire qui ne craint pas totalement le soleil grâce à une amulette. Bien que la référence soit facile à rapprocher de Vampire Diaries et des bagues de protection, j’y vois plutôt là une allusion à la sorcellerie d’Europe de l’est, présente dans le roman. Pas de vampire sage et romantique chez Mathieu Guibé, mais des vampires torturés, sanguinaires par obligation, dont la conscience n’en est pas moins présente. Des vampires qui ont leurs fantômes. Et qui sont poursuivis par des chasseurs de vampires bien humains, sans pouvoirs magiques.
Au départ, je me suis demandé pourquoi donner un titre en langue anglaise à un roman français. On pourrait penser que c’est en référence au décor du roman puisque l’action se passe en Angleterre, mais en réalité, à l’écoute du morceau de Peter Carlsen, j’ai compris au delà des simples mots que Josiah répète dans le roman. C’est une puissance ancrée dans l’âme que transmet le chanteur et qu’a su retranscrire Mathieu Guibé avec une poésie subtile et envoûtante, au diapason de la musique qui l’a inspiré.