En 1994 sort cet album, fruit de l’envie de plusieurs jeunes loups du magazine Scarce de raconter des histoires de vampires. Huit récits, dix auteurs, et une grande diversité :
– The Flow : un groupe de soldats et de convoyeurs spatiaux est aux prises avec des vampires (hommes et femmes) parqués (et considérés) comme du bétail dans la soute d’un cargo. Dans ce récit Mathieu Lauffray n’a pas encore fixé son style, mais on sent déjà le dessinateur habile et minutieux, adepte d’un découpage efficace malgré un récit simpliste et prévisible écrit par Pascal Dowrling-Carter, qui a été fortement marqué par Alien.
– Dans Rage, Jean-Marc Ponce, qui réalisera plus tard Amazones Century chez Soleil, nous montre un combat entre deux vampires et un chasseur surprenant. Disons que c’est sa nature qui est surprenante, parce que l’histoire est d’une médiocrité à la limite du publiable. Une seule scène, découpée n’importe comment avec des personnages à l’aspect figé, même si le travail sur certains visages est intéressant. Un peu de fan service en passant, ce n’est pas grand-chose à se mettre sous la dent.
– Noir, blanc, rouge : Philippe Chapelle, dans un décor des années 50, envoie un producteur américain sur les traces d’un réalisateur reclus en Hongrie. Mais le passé de celui-ci en a fait une créature tout à fait particulière… Un style classique pour un récit un peu ennuyeux, sauf sur la fin.
– Immortelle amertume a été écrit par Michael Monnin et mis en images par David Fauré. En deux pages, c’est une sorte d’ellipse graphique et narrative sur la condition vampirique. Un peu trop court pour être notable, et le dessin mériterait d’être plus adulte pour être réellement efficace.
– Vampyrum spectrum n’est peut-être pas le plu spectaculaire, mais en tous les cas le plus efficace du recueil. Un jeune apprenti libère par mégarde une créature de la nuit dans l’atelier de son maître et en son absence. La confrontation va être terrible, à moins qu’un trublion vienne mettre tout le monde d’accord. Ce récit est muet, mais grâce aux expressions des visages et au découpage bien pensé, c’est une vraie réussite de la part de Denis Lapierre (qui n’a rien à voir avec le célèbre scénariste).
– I’m dead joue sur le registre de l’humour noir avec cette gardienne de morgue et ce vampire auquel elle permet de venir s’abreuver de sang encore frais, mais qui veut mourir définitivement. L’auteur Anthony Desmazeau a des progrès à faire en termes de physiologie et d’expression sur les visages, mais son noir et blanc est loin d’être inintéressant.
– Dans Obsession morbide un jeune flic pourchasse un tueur de petites filles et retrouve un ami de sa famille qui se fait appeler « le vampire ». soucieux de lui venir en aide, il va bientôt regretter son côté samaritain… Laurent Teulat avait un style très marqué « années 70 », et son récit manquait de subtilités, malgré le coup de théâtre final.
– Vade retro est l’œuvre d’Alain Janolle et nous montre un jeune homme prêt à tout pour revenir dans les bras de celle qui l’a subjugué… Le découpage et l’utilisation du noir et du blanc sont intéressants dans ce récit muet assez efficace.
– Le collectif se conclue par six petites cases de Mapom avec un petit récit absurde entre un humain et un canard-vampire (!). l’intérêt de l’histoire est très limité, et le dessin fait assez BD pour enfants.
Au final, c’est un recueil qui est assez diversifié, avec des futurs grands noms de la bande dessinée, et d’autres qui n’ont pas réussi à percer. Les vampires représentés sont eux aussi assez divers, entre figures classiques, aux crocs caractéristiques ou pas, qui meurent avec un pieu dans le cœur ou pas, personnages se contentant de vider le corps de leurs victimes par des moyens médicaux, créatures éthérées ou très réelles, vampires fantasmés… certains usent de leur pouvoir de persuasion pour amener leurs victimes à leur obéir… Rien de bien révolutionnaire dans l’ensemble, mais un intéressant panel pour un ouvrage qui doit être introuvable (1000 exemplaires en tirage en 1994).
A noter la présence d’autres grands noms en couverture ou en illustrations intérieures ou intercalaires : Vatine, Caza, Lauffray (encore), Juszezak, TaDuc, Hérenguel, Plumail, Lemordan, Vince et Mezzo.