L’absence de préface, comme une invitation à explorer le paratexte, m’aiguille vers la quatrième de couverture : « INEDIT », y interpelle-t-on le lecteur. Inédits, les textes de neuf auteurs français, que je connais de nom pour avoir vu , souvent il me semble, leur production sur les tables des librairies. Un retour au recto, une couverture un peu originale pour un format poche, élégante, sans pelliculage, en fort papier vergé, qui attire l’œil et l’amène au détail kitsch (moi qui ne me considère pas comme une lectrice de « blanche », j’ai l’impression, là, de me faire le témoin de frasques genresques commises par des auteurs bien comme il faut), un crâne argenté, placé comme un heurtoir… entrons !
« Frédéric Jourdain » de François Bégaudeau raconte, à la première personne, l’histoire d’un type qui a de drôles de fantasmes de morsures – pas si drôles en fait, personnellement je me suis dit un temps que ça avait l’air du journal d’un tueur, mais en fait non – , et qui cherche à savoir ce qui cloche, parce que ça ne passe pas très bien en société de lécher, comme ça, le cou des femmes dans le bus. C’est bien écrit et ça tombe bien comme il faut à la fin et puis c’est bien un peu drôle, après tout.
Régis de Sa Moreira nous propose « Entretien avec Claire », une pitrerie qui livre son truc au bout de quelques répliques, si jamais on ne l’avait pas encore compris à ce stade. C’est la « copie » rendue sur le thème du vampire qui m’a vraiment parue présenter le moins d’intérêt, tant qualitativement que dans la pertinence de l’utilisation de la figure du vampire.
David Foenkinos raconte « Raymond le vampire », prenant le parti d’un vampire attachant, qui comme tout le monde ou comme lui seul, a ses problèmes de vampire vieillissant. C’est « enlevé », comme qui dirait, plein de rebondissements et de sourires tendres, avec un peu de sang quand-même. Ça ne prête pas à conséquence et c’est bien agréable.
Je trouve que Thomas B. Reverdy propose avec « Bela Lugosi‘s Dead » un texte savoureux, particulièrement pour les connaisseurs de culture vampire. En effet, on retrouve dans ses scènes contemporaines le goût de la littérature vampire splatterpunk ou ricienne et dans les scènes situées dans le passé, une belle utilisation du folklore d’Europe de l’Est. Le tout renoue avec la fonction métaphorique du vampire à un niveau social et politique.
Avec « Bogdana » de Philippe Jaenada, on reste dans le folklore roumain, mais pas du genre métaphorique. On a du redneck version roumaine, une hache, du sang, bref de quoi frissonner un peu, ne pas oublier que le vampire est aussi un croquemitaine.
« Je pleure pour ne plus être malheureuse » de Martin Page, partant d’une idée un peu semblable à celle de la première histoire du recueil, met en scène une jeune femme un peu étrange dont on s’imagine qu’elle va découvrir sa propre nature. Toutefois, la couleur, l’ambiance de ce texte sont différentes, il y a ici dans le récit quelque chose de plus simple et lumineux, un dénouement plus ludique.
Jean-Michel Guenassia raconte avec « L’Incroyable histoire de Sigmund F. » la mise à l’index au sein d’une communauté juive, de la famille Brokker, jusque là bien sous tous rapports, mais soudainement soupçonnée de vampirisme, sur des bases assez fumeuses. C’est une drôle d’histoire où le personnage principal, un dénommé Sigismond, fricotte avec la fille des Brokker, cette dernière ayant certaines théories originales impliquant Œdipe et l’inconscient…
Jakuta Alikavazovic intitule son récit « Chaque vampire est un groupe », formule qui renvoie immédiatement, pour le public averti en matière de littérature à crocs, à La Ville vampire de Paul Féval. Ici, un groupe d’enfants se réapproprie la phrase énigmatique pour en faire un des ingrédients du secret qui les lie d’une manière forte mais qu’ils ne comprennent pas vraiment. L’auteur utilise ici habilement et redonne de la puissance au sang donné comme symbole de la filiation et de l’origine.
« La Grande Réparation » de Joël Egloff ne m’a pas particulièrement marquée. Il s’agit de la réutilisation du thème de l’hystérie à une échelle plus réduite que la foule munie de faux et de torches, puisque nous sommes dans le huis clos d’un immeuble et qu’il suffira d’un très petit nombre de protagonistes pour déclencher le processus.
En conclusion, il s’agit d’un recueil d’assez bonne qualité dont seulement deux textes, à mes yeux, ne valaient pas tellement de détour. Le thème du vampire ne s’y trouve pas révolutionné, son utilisation n’est pas très originale mais l’ennui n’est pas pour autant au rendez-vous, puisqu’une histoire, avant de valoir pour son vampire, vaut quand-même pour elle-même… et chacune dans ce livre possède sa propre saveur, ses surprises.
Il manque dans votre bibliographie un ouvrage essentiel :
Élisabeth Campos & Richard D. Nolane, Vampires ! Une histoire sanglante. Moutons électriques, 2010, 340 p. « la bibliothèque des miroirs », volume 8
Même si nous aspirons à l’exhaustivité, elle est quasi inaccessible sur le sujet vu le nombre de parutions qui existent et continuent de sortir.
Néanmoins, concernant le titre en question, on peut difficilement dire qu’il manque à la liste des ouvrages présents sur le site : https://www.vampirisme.com/livre/campos-nolane-vampires-une-histoire-sanglante/