On parle de plus en plus de la comtesse Elizabeth Bathory, qui est un personnage historique. Cette hongroise vécut au XVIème siècle, en Transylvanie, et finit sa vie emmurée dans un château, condamnée pour crimes sanglants. On dit qu’elle vidait de jeunes et jolies jeunes filles pour se baigner dans leur sang afin de conserver sa jeunesse.
Bathory devint donc la Comtesse Sanglante, puis une figure de proue du vampirisme. Dacre Stoker lui trouve même une parenté familiale comme vampirique avec Dracula. Si on parle souvent de ses atroces crimes sanglants, on parle moins de ce qui fit d’elle une meurtrière, de ses premiers pas dans le monde si rouge du sang qu’elle pensait fontaine de jouvence.
Lawrence Rasson et Amaury Quétel ont choisi de se pencher sur le cas Bathory, en illustrations et textes, en commençant par le début de cette descente aux enfers. L’Eveil… La couverture de la BD, de suite, donne le ton, dessins rouges sur fond sombre, omniprésence de la figure féminine, écriture gothique. Le personnage est se dévoile sombre et sensuel. Plus élaborée qu’un simple BD, c’est un album abouti que l’on découvre dès les premières pages. Les textes sont pointus, exigeants et harmonieux. Le trait est précis, détaillé. Dans les paysages et l’architecture de Transylvanie, on frémit à chaque image.
L’Eveil, c’est ce moment où la comtesse se réveille de la mort. Telle une enfant, elle se demande ce qui lui arrive, et voilà le texte en opposition parfaite avec les illustrations d’une sensualité ravageuse. Les pensées de la Comtesse sont celles d’une petite fille perdue mais elle se révèle pourtant bien vite à elle-même. Pourtant, on voit la faim qui la saisit, la conscience qui la rattrape et elle devient presque attachante cette Comtesse Sanglante. Pour un moment. Car il faut se rendre à l’évidence, c’est un monstre qui aura bientôt une mission.
Mais je n’en dirai pas plus sur cette histoire car elle est vraiment à découvrir. Lawrence Rasson et Amaury Quétel n’ont fait aucune concessions, ni à l’Histoire ni aux légendes, mais avec finesse. Le penchant de la Comtesse pour les jeunes filles, sa violence hors de contrôle… Tout est abordé, souligné, et le trait s’adapte alors parfaitement au ton du texte. On sent une collaboration étroite, une fusion de pensées entre l’illustrateur et l’auteur qui sert l’album à la perfection.
Nous aurons bientôt droit à la suite, le deuxième tome est en chantier et je gage que nous ne serons pas déçus. Les dominantes sang et nuit des couleurs, servant merveilleusement le coup de crayon gothique de Lawrence Rasson, retrouverons alors les textes sauvagement lyriques d’Amaury Quétel. Je reste fascinée par le talent de ces deux Lillois et je suis persuadée qu’on entendra encore bientôt parler d’eux ! C’est un coup de cœur !