Laurent Aknin propose ici une histoire particulière du cinéma en suivant la carrière exceptionnelle d’un acteur désormais hissé au rang de mythe. Suivre la carrière de Christopher Lee revient à parcourir plus de soixante ans de cinéma et de télévision. On y trouvera le cinéma populaire britannique d’après-guerre, la mythique Hammer, l’âge d’or du cinéma bis européen et son déclin, le cinéma indépendant américain du milieu des années soixante-dix, les étranges coproductions internationales des années quatre-vingt. On y redécouvrira des films d’épouvante, de la science-fiction, du péplum, des films d’arts martiaux et d’autres parfaitement indéfinissables. Et ce, à travers un éventail de cinéastes allant de Tim Burton à Jesus Franco, et plus de 250 films !
Rare (voire inexistant) sont les acteurs à avoir marqué plusieurs générations de spectateurs. Ayant commencé sa carrière d’acteur en 1948, Christopher Lee peut se vanter d’être de ceux-là. Dracula, Sherlock Holmes, Raspoutine, Fu Manchu, Rochefort, Scaramanga, Saroumane, Dooku font parti de ses incarnations les plus célèbres à l’écran. Des personnages historiques à l’aura sulfureuse, des héros de romans, autant de personnalités phares du XXe siècle. Car c’est aussi ça, Christopher Lee : une emblème de la pop-culture des 60 dernières années.
Bien sûr, c’est pour ses interprétations de vampires que cette biographie-filmographie se retrouve chroniqué ici. Malgré ses réticences à reprendre la cape après le Dracula de 1958, L’acteur aura quand même interprété au moins 11 fois le rôle du comte-vampire, sans compter ses autres interprétations vampirique. Un acteur quasi-indissociable du personnage crée par Stoker à partir de Vlad Tepes, qui a fini par devenir LA référence en la matière, surclassant à ce niveau Bela Lugosi, sans pour autant s’enliser dans la même carrière.
Le livre de Laurent Aknin propose ainsi une double manière d’aborder la carrière de l’acteur. Associant une biographie qui tisse un fil des premiers aux derniers films où Lee aura joué (la liste n’étant pas encore close) à une filmographie complète, l’auteur propose à son lecteur d’embraser le mythe Christopher Lee via son histoire professionnelle. Si le parti pris peut s’avérer étrange, voire sembler facile dans un premier temps, force est de constater que le travail a été fait avec soin. Aknin détaille chacune des apparitions à l’écran de l’acteur, détaillant le cadre de sa prestation, les problèmes rencontrés ainsi que l’impact à la fois sur la carrière de Lee.
De quoi rapidement se rendre compte de l’aspect éminemment populaire des choix de Sir Christopher, qui aura certes marqué de son jeu imposant le giron fantastique, mais aura aussi laissé sa trace dans le western, le film de pirate, le polar comme dans les drames historiques. Laurent Aknin nous dévoile également la passion de l’acteur pour le chant lyrique (et le métal plus récemment), sa filiation avec Charlemagne, sa culture occulte pointue, qui achève de composer le portrait d’un homme à part dans le 7e art.
Le lien entre Christopher Lee et les vampires, c’est bien évidemment Dracula, comme je l’ai rappelé plus haut, mais aussi le Baron Rodrigo, le comte Ludwig Karnstein ou encore le Comte Regula. Des vampires nobles, hautains, qui communiquent finalement peu mais imposent la peur et le respect par leur froideurs et leurs pouvoirs. Très classiques dans les caractéristiques, les vampires qu’aura pu incarner l’acteur durant sa carrière sont quasi-toujours sensible à la lumière du soleil, effrayés par un crucifix ou par une aspersion d’eau bénite. Ils craignent autant le feu qu’un pieu enfoncé en plein coeur. Voire, pour remonter à des caractéristiques moins utilisées par le cinéma, l’eau courante.
N’oublions pas également les duos marquant, en tête celui formé avec Peter Cushing (tantôt antagoniste, tantôt principal allié) avec qui Christopher Lee aura partagé pas moins de 21 fois l’affiche (et participé, à plusieurs dizaines d’années d’écart, chacun à une des trilogie Star Wars). Et si Lee incarne encore de nos jours le mètre-étalon du noble vampire, Cushing est sans nul doute le Van Helsing le plus emblématique du 7e art.
Un ouvrage franchement captivant, qui donne au passage de nombreuses idées (et envies) de visionnage, et s’avère un complément de grande qualité au livre de Nicolas Stanzick, qui explore quant à lui la maison Hammer, indissociable de la carrière de Christopher Lee. On aurait certes aimé en savoir un peu plus sur la vie personnelle de l’acteur, sa jeunesse, ses projets non-cinématographiques, mais il s’agit là de maigres manques face à la qualité de l’essai proposé par Laurent Aknin.