Si elle n’est pas à l’origine de ma passion pour les vampires, Tanith Lee fait partie des auteurs que je considère comme responsables de mon incessante sarabande autour des œuvres qui donnent vie aux vampires. Auteur protéiforme, véritable touche à tout qui appréciait autant de se frotter à la fantasy, aux contes de fées, au fantastique, au thriller, que ce soit en romans ou en nouvelles, Tanith Lee joue avec les mythes, se réapproprie leur matière, modernise leurs thèmes, insuffle sa vision propre aux classiques, leur offrant une vie nouvelle. Amatrice d’univers parallèles, de ces espaces où l’hésitation entre l’Histoire et l’imaginaire se fait ténue, la plume de l’auteur déploie dès les premiers mots une maestria sans pareille qui tisse une toile dont le lecteur est rapidement la victime consentante. Car sa plume a le pouvoir de donner vie aux lieux où se déroulent ses intrigues, à l’image de la demeure des Scarabae, une antique maison art nouveau qu’on imagine très bien figurer aux côtés de l’académie de danse de Fribourg, telle que Dario Argento l’a imaginée dans son Suspiria.
Ma première lecture de l’œuvre de La Dame remonte à 1994, alors que venait de paraître le deuxième volet de son Opéra de Sang, aux Presses de la Cité. Ma mère avait pris le livre dans les nouveautés que proposait l’une des grandes surfaces près de chez nous, j’imagine sans réellement savoir ce dont il retournait. Si elle avait su que ce faisant, elle m’initierait à ce qui est à n’en pas douter l’une des plus grandes auteurs anglaises d’imaginaire moderne. Je n’ai depuis eu de cesse que de collecter tout ce qui a pu être traduit de l’auteur, complétant déjà l’Opéra de Sang, puis continuant avec les anthologies et nouvelles éparses éditées par les éditions de l’Oxymore et quelques autres. Une œuvre bien souvent magnifiée par de splendides couvertures, signées Ruby, Dorian Machecourt ou John Kaiine. Une œuvre par ailleurs fortement influencée par la figure du vampire, que Tanith Lee a explorée sous des visages différents, prouvant par sa seule production que le thème peut être réinterprété à l’infini sans pour autant sombrer dans la redite. Sans pour autant faillir aux thèmes que portent en eux les buveurs de sang. Car ses différents textes jouent autant avec l’idée d’immortalité que sur la dualité entre Eros et Tanathos.
Ce soir, les Scarabae se sont regroupés sur le rivage, non loin de La Demeure, car ce soir, le vent leur a apporté la nouvelle : Tanith Lee, la maîtresse de la nuit, est tombée, sans un bruit. Aucun d’entre eux ne pleure, tous participent à la préparation du bûcher, sur cette plage où les restes de Sylvian ont depuis longtemps été balayés par le vent, et où d’autres ont été depuis, immolés. Car c’est là la coutume des Scarabae. Une coutume immémoriale, dont l’origine se perd dans les temps et l’usure des vagues. Les Scarabae ne meurent pas. Tanith Lee est immortelle : son œuvre de près de 70 romans et 250 nouvelles ne finira jamais de s’infiltrer dans les méandres de notre imagination.