Le vampire est un créature issue du fond des âges, qui s’est imposé au fil des siècles dans notre inconscient, jusqu’à envahir le champ des arts à partir du XIXe siècle. D’Ekkimu à Edward, en passant par Arnold Paole, la Lenore ou Lestat, Rémy Batteault nous propose un voyage aux sources du mythe, nous offrant, au fil des interview d’universitaires, auteurs et spécialistes, de découvrir l’évolution d’une créature aux multiples visages, qui cristallise les tabous de l’homme pour le sang, la mort et la sexualité et matérialise son désir d’immortalité.
Claude Lecouteux, Jean Marigny, Li-Cam, Morgane Caussarieu, Jeanne Faivre d’Arcier, Cassandra O’Donnel, Jacques Sirgent… au vu des intervenants qui se succèdent au long des 50mn de ce documentaire produit par les films de l’Aqueduc, force est de constater que le réalisateur-scénariste a su choisir avec soin ses interlocuteurs pour donner au spectateur la possibilité d’approfondir un thème que la récupération mercantile de ces dernières années (effet Twilight oblige) a trop eu tendance à édulcorer. En revenant aux origines, que ce soit les ancêtres mythologiques ou bibliques du vampire, pour ensuite se pencher sur son apogée folklorique (qui nous est connue, en France, par l’entremise de la Dissertation de Dom Augustin Calmet), Rémy Batteault se donne le recul nécessaire pour élaborer des hypothèses (via les personnalités interrogées) sur le pourquoi de cet intérêt sans fin pour les vampires, et leur passage de la croyance à la fiction artistique.
L’ensemble est construit autour des échanges avec les auteurs pré-cités mais également autour de temps forts, que les habitués reconnaitront sans nul doute, entre les Imaginales, le Salon du Vampire, etc. De quoi asseoir la place du vampire en tant que figure imaginaire de la littérature de genre française actuelle, tout en se donnant les moyens d’une base sérieuse (via la présence de plusieurs universitaires et spécialistes dont le travail dépasse le seul registre de la fiction). L’ensemble est soutenu par des scènes muettes, mettant en scène une femme Vampyr et un lecteur passionné par les buveurs de sang qu’on envisage rapidement comme sa future victime.
Je n’aurai, concernant le documentaire dans son ensemble, qu’un petit bémol, celui de ne pas plus se pencher sur l’évolution du cinéma et de la fiction littéraire, et la manière dont le jeu de vases communicants entre les deux ont contribué à façonner (de la même manière que les échanges entre les croyances passées) le mythe. Certains ouvrages sont cités (ou tout du moins leurs noms apparaissent à l’écran), mais il est dommage de ne pas s’être arrêté sur des textes comme Entretien avec un vampire, qui marque clairement un tournant dans la conception du mythe.
Pour autant, ces manques n’entachent en rien les apports de Vampyr. Sobre dans sa mise en scène (même les saynètes muettes ne jouent pas dans la surenchère d’effets spéciaux, misant davantage sur des effets plus poétiques, et un grain d’image qui donne une coloration onirique à l’ensemble), intéressant dans son propos (les auteurs abordent plusieurs éléments dont il est peu question dans les ouvrages ou documentaires sur le sujet), ce documentaire est à n’en pas douter un travail de qualité pour qui voudrait comprendre d’où viennent les vampires.