La vie de Vidar est rythmée depuis son enfance par les journées à s’occuper, depuis les aurores, de la ferme familiale. Devenu adulte, il vit toujours seul avec sa mère, et n’a pour seule sortie de la semaine que l’incontournable dimanche à l’Église. Un soir, Vidar en appelle à Jesus pour lui offrir la vie dont il rêve, et le sortir de la frustration perpétuelle de laquelle il se sent prisonnier. Le même soir, Vidar se voit exaucé : Jesus est en fait un vampire, et en forçant Vidar à accepter son sang, il fait du fermier un des siens. Mais un changement de vie aussi drastique n’est pas simple pour ce dernier. Ce n’est pas parce qu’il est désormais immortel qu’il sera en mesure de couper les ponts avec sa vie passée, et de profiter des plaisirs de la chair.
Vidar le Vampire aura su faire parler de lui l’année de sa sortie, et fait le tour des festivals à cette occasion. J’avais vu passer quelques commentaires moins positifs que l’avis général, pointant la charge misogyne du métrage, mais je ne pouvais pour autant pas passer à côté de cette comédie norvégienne autour de la figure du vampire. Les pays nordiques ont en général une approche du sujet qui tire son épingle du jeu, comme avait pu le montrer le plutôt réussi Tale of Vampires (2006) de Anders Banke (et je ne parle même pas de Morse).
Du coup, que retenir du film de Berg et Waldeland ? En premier lieu une charge anti-catholique assez forte. Jesus est un des protagonistes centraux du film, et le vampire qui sera à l’origine du basculement de Vidar dans le monde des ténèbres. À ce titre, l’initiation de l’agriculteur donne direct le là : c’est en pratiquant une fellation à Jesus que le héros devient une créature de la nuit. Associé à l’idée que Vidar et sa mère sont des pratiquants, affiliés à une église rigoriste, il y a ici matière à verser une bonne lampée d’acide sur la religion. Mais l’aspect sexuel n’est pas en reste : si Vidar se lamente de cette vie qu’il n’a pas voulu, c’est avant tout en raison de sa frustration sexuelle. À aucun moment le personnage, devenu vampire, n’essaiera de nouer de contacts : il cherche juste à assouvir sa faim (de sang comme de sexe, les deux étant fortement reliés).
Le film possède des scènes vraiment réussies, à l’image de ce moment où Vidar grimpe à même les murs, quasi-référence à la scène du Coppola où Dracula sort du château. Il y a également plusieurs passages ésotériques liés à la transformation du fermier, qui suit une nymphe à travers les profondeurs d’une caverne. J’ai également aimé la charge anticléricale, l’utilisation de certains tropes vampiriques (la photophobie), et l’idée d’utiliser les séances de Vidar chez son psychanalyste en fil rouge. Mais l’approche sexuelle est aussi très masculiniste : les personnages féminins sont réduits à de simples objets, à l’exception de la mère qui vit aux crochets du personnage. Pour autant, on peut aussi souligner que cette approche est en phase avec la psychologie de Vidar. N’ayant jamais connu de relation amoureuse, sa connaissance de la femme se limite à celles qu’il contemple dans les numéros de Playboy qu’il cache dans sa table de chevet. Jesus, incapable de le canaliser à ce niveau, finira par le sortir au bout d’une laisse, comme un chien.
Vidar est transformé en vampire après avoir absorbé la semence de Jesus Christ, figure vampirique majeure du film. Une fois devenu une créature de la nuit, il ressuscitera par trois fois, la première après avoir subi de plein fouet la morsure du soleil. Devenu une créature de la nuit, sa soif de sang est inextinguible, et rattachée à ses besoins sexuels. Car être immortel ne lui donne pas les clés pour séduire, ce qui lui donne rapidement l’image d’un prédateur sexuel. Il y a aussi cette idée qu’un sang plus jeune (puisé sur une victime de moins de trente ans) est plus goûteux que celui d’une personne plus âgée.
Vidar est un film dont l’approche est intéressante, propulsant un paysan frustré dans le monde de la nuit. Il y a aussi là en filigrane l’idée du décalage entre les mondes ruraux et urbains. Le film réalise dans le même temps une vraie satire anticléricale, particulièrement contre le catholicisme (n’hésitant pas pour cela à détourner les dogmes) . Pour autant, la représentation que se fait le personnage de la femme jette un voile masculiniste assez appuyé sur l’ensemble.