Quand il arrive à Bistritz, Jonathan Harker se voit remettre un pli signé de Dracula, le client qu’il vient voir et dont le château se trouve dans les environs de la petite ville. Le comte attend en effet son jeune avoué pour le lendemain. Après avoir changé de fiacre en cours de route, Jonathan fait la connaissance du comte. À peine le jeune homme installé à manger, le maître des lieux lui demande derechef de lui présenter les résultats de ses recherches. Car Dracula cherche une demeure à son goût pour venir s’établir en Angleterre. C’est alors qu’il remarque, sur une photo appartenant à Jonathan, le visage de Lucy Westenra. Sans qu’Harker ne comprenne pourquoi, le comte est immédiatement subjugué par les traits de la jeune femme.
Presque 20 ans tout juste avant le film de Coppola, Dan Curtis proposait ici une version revisitée du roman de Stoker qui injecte (entre autres) à l’histoire d’origine l’idée que l’un des personnages féminins humains puisse être la réincarnation de l’amour perdu de Dracula. Une idée assez audacieuse, qui semble tout droit tirée de Dark Shadows (la série qui fit connaître Curtis, et à laquelle il consacra quelque 1225 épisodes et deux long-métrages), et marqué un tournant dans les adaptations du roman (même Dario Argento ne passe pas à côté).
L’un des autres points forts de cette adaptation, est le lien particulièrement appuyé qui existe ici entre le Dracula historique et le personnage de fiction. Le récit de Dracula concernant l’histoire de ses ancêtres est plus référencé (il cite Arpad notamment), et la toile qui orne son bureau le relie sans hésitation à Vlad Tepes (sans compter le texte défilant de la fin, qui rappelle qui était le voievode). Et cela près de 16 ans avant que Raymond McNally et Radu Florescu enfoncent le clou avec leur ouvrage sur le sujet.
Alors certes, pour le reste l’adaptation peut sembler un peu frustre au niveau des personnages (exit Quincey Morris, Jack Seward, Renfield) et des scènes emblématiques, dont certaines se voient réduites à des ellipses (la traversée du Demeter, la poursuite de Dracula jusqu’à son château,…), mais n’oublions pas qu’il s’agit ici d’une adaptation pour la télévision, avec des moyens moins élevés que le cinéma. L’accent est plus mis sur la galerie de personnages qui subsistent (Van Helsing, Holmwood, Mina Murray, Dracula) que sur d’éventuels effets spéciaux (réduits aux crocs des vampires), et sur les décors. On retrouve par ailleurs un certains côté soap (les personnages sur des plans différents qui se parlent sans se regarder…), hérité sans nul doute du passé de Curtis avec Dark Shadows. Et force est d’avouer que Palance s’en sort particulièrement bien dans le rôle, même s’il n’a pas autant imposé sa marque que Lugosi ou Lee.
On est ici face à une représentation très classique du vampire. Il ne se déplace que la nuit tombée, et doit passer la journée dans un cercueil, qui doit nécessairement contenir une quantité de terre natale quand il s’éloigne de chez lui. Il craint le soleil, l’ail et les crucifix, et peut être tué si on lui enfonce un pieu en plein cœur. Doté de canines très longues, il doit se nourrir de sang pour survivre, mordant ses victimes (essentiellement des membres du sexe opposé) à la gorge. Il est en outre d’une force physique hors du commun et doué d’hypnose, mais il ne peut rentrer dans un lieu sans y avoir été invité.
Palance est totalement habité par le personnage, mais ne reprit jamais le rôle par la suite, malgré de nombreuses propositions. Et même si le film pèche par une très (trop) grande sobriété, il n’en demeure pas moins une pièce maîtresse pour qui s’intéresse à l’histoire de Dracula sur grand écran, préfigurant l’évolution de la représentation du personnage dans les décennies à venir, à commencer par le Dracula de Coppola, qui lui emboîtera le pas sur de nombreux aspects.
Effectivement, Palance campe ici un Dracula dont l’interprétation n’a finalement pas grand chose à envier à Lugosi ou Lee, pourtant les deux « maîtres étalons » absolus en la matière.
D’ailleurs, les adorateurs de vampires de ma génération (quadras) auront toujours gardé à l’esprit le seigneur des Carpates dont gene Colan s’est inspiré pour son personnage de la série Comics « Tomb of Dracula ».
La seule série BD sur le sujet dont je possède tous les numéros depuis belle lurette.
Quant au film à proprement parler, il est d’un classicisme dont on ne peut que se louer, vu la débauche d’effets visuels à l’objectif purement mercantile, dont la production sur le thème nous gratifie (bien trop) allégrement de nos jours.
On est loin ici des blockbusters pour ados attardés, mais tout aussi loin (hélas) d’une production destinée à prendre les bonnes mesures avec un tel roman.
Si un soin tout particulier semble avoir été porté pour le choix des décors, on ne peut en dire tout autant pour le déroulement de l’action, dont le tempo narratif est bien trop rapide et sélectif à mon sens.
Malgré tout, les puristes avides d’un traitement très consensuel et respectueux des codes trouveront ici matière à satisfaction.
Voire à jubilation.