Interné dans un asile psychiatrique, le patient 34 s’évade et se retrouve dans le salon de son médecin, le Dr Seward. Accompagné par Lucy Weston, sa fiancée, et la mère de cette dernière, il écoute le comte Dracula interpréter une mélodie au piano. Le comte vient d’arriver de Londres, aussi Seward est-il surpris de voir son patient s’agenouiller devant celui-ci en l’appelant Maître. Mais le malade se reprend, et jure ses grands dieux qu’il ne connaît pas celui qui est en face de lui. Alors qu’il est remis en cellule, les gardiens relate ce qu’on sait du malade. Il est le seul survivant de l’échouage du Démeter, et a depuis perdu la raison.
Mystery and Imagination est une série anthologique de la télévision britannique, à l’image de La Quatrième Dimension. Successivement produit par ABC puis Thames Television, le programme est divisé en cinq saisons, diffusées entre 1966 et 1970. A la différence de la série de Rod Sterling, Mystery and Imagination est constituée d’adaptations de nouvelles et de romans, notamment signés Edgar Alan Poe (« La Chute de la Maison Usher »), Oscar Wilde (Le Fantôme des Canterville), Sheridan le Fanu (Carmilla)… Le découpage en acte (et donc le part pris très théâtral) est par ailleurs une caractéristique commune à l’ensemble des métrages de la série. Malheureusement, sur les 24 épisodes d’origines, seulement 8 ont été conservés, les autres ayant été victimes des mêmes aléas de conservation que Dr Who. A cette époque, il n’était en effet pas rare que les enregistrement soient effacés pour faire place à d’autres programmes. Reste que l’adaptation de Dracula, qui est le dernier épisode de la quatrième saison, fait parti de ceux qui n’ont pas disparu. Diffusé pour la première fois le 18 novembre 1968, l’épisode offre à Dentholm Elliot (ultérieurement connu pour avoir interprété Marcus Brody dans la saga Indiana Jones) l’occasion d’interpréter le comte. L’acteur a déjà participé à la série dans une de ses saisons précédentes, en incarnant Roderick Usher dans une transposition à l’écran de La Chute de la Maison Usher de Poe. Concernant l’épisode de Dromgoole, il s’agit sans doute de la première adaptation du roman à destination du petit écran.
D’emblée, on a conscience de ne pas être en présence d’une adaptation fidèle du livre de Stoker. Le récit démarre en effet en Angleterre, après l’échouage du Démeter. Si certains lieux de l’action sont des extérieurs, la plupart des scènes se déroulent à l’intérieur, comme un hommage appuyé aux racines théâtrales du Dracula (1931) de Tod Browning. De même, le scénariste malmène la galerie de personnage du roman : Harker et Renfield sont fusionnés, et seuls Seward et Van Helsing s’opposeront au comte. Pour autant, à mesure où le récit progresse, les créateurs de cet épisode montre une connaissance approfondie du livre, réintégrant certains éléments ultérieurement (le récit de Jonathan Harker). Mina et Lucy rencontre Swales lors de leur promenade au cimetière, Van Helsing parle avec un accent prononcé : autant d’éléments qui montre un retour au texte d’origine, même si parcellaire. D’autant que la confrontation finale débouche sur un baisser de rideau très différent de celui du roman (et des adaptations précédentes) : Harker et Mina n’ont pas été purifiés par la mort du comte, ils figurent au contraire la continuité de la malédiction de ce dernier.
Le film respecte un certain nombre des caractéristiques du comte établies par Bram Stoker. Ainsi est-il en mesure de se déplacer la journée, même s’il ne dispose pas de ses pouvoirs. Le comte est accompagné de trois femmes qui hantent les murs de son château, et s’attaquent à Harker. Le comte semble disposer d’impressionnant pouvoirs d’hypnose et peut se transformer en chauve-souris. La nuit, il préfère reposer dans son cercueil. Les auteurs ont néanmoins davantage creusé le folklore vampirique, l’exposé de Van Helsing étant beaucoup plus long que dans le roman. De même, Dracula, quand il relate ses origines, fait allusion à Vlad Tepes et à sa généalogie qui remonte à Atilla le Hun. On ne peut pas manquer de remarquer, pour finir, que les canines du comte rappellent beaucoup celles de Nosferatu.
Dentholm Elliot campe un Dracula très sixties – ses lunettes en tête – engoncé dans une cape qui souligne son lien avec la chauve-souris. Si on peut regretter que de nombreux aspects du roman soient simplifiés ou passés sous silence (la première partie est réduite au maximum), l’ensemble ne manque pas d’intérêt par son hybridation. Le métrage de 90 minutes reste très influencé par le passif théâtral de l’adaptation d’Universal, mais il démontre dans le même l’envie de surprendre avec un récit pourtant connu. Pas parfait, très épuré – télévision oblige – mais loin d’être inintéressant. Quelque part, on pourrait être tenté de dire que le monologue de Dracula, quand il rappelle avec emphase son lignage, fera par la suite école. A commencer par la version de Dan Curtis. Détail amusant, enfin : Corin Redgrave, qui interprète Jonathan Harker, jouera un rôle récurrent dans la série vampirique Ultraviolet (1998).