Alors qu’il vient de demander Lucy Westenra en mariage, Lord Arthur Holmwood doit diligemment rentrer à Withby, au chevet de son père mourant. Le médecin de famille lui apprends, devant le cercueil de son père, la sinistre nouvelle : celui-ci était atteint de Syphilis, maladie qui a également poussé sa mère au suicide. Plus grave, Arthur lui-même est atteint. Désespéré, celui-ci fait appel à une secte de fanatiques qui voient en Holmwood le moyen de faire venir à Londres leur maître : le comte Dracula.
Dernière adaptation en date du roman de Bram Stoker, le téléfilm de Bill Eagles propose une variation assez libre sur la trame originale. Certains personnages (Renfield, Quincey Morris) en sont tout simplement absents, tandis que d’autres se voient conviés à un funeste destin très rapidement. Et les relations entre les protagonistes ayant survécu à la « purge » du roman original voient leurs relations sensiblement bouleversées. Si certains risquent de crier au scandale, il n’en demeure pas moins que l’ensemble se tient bien, et ne souffre pas de problème de rythme. Qui plus est il n’existe quasi aucune adaptation fidèle du roman de Stoker (et surtout pas celle de Coppola, malgré qu’il s’agisse d’une des meilleures du genre).
Le film a le mérite de donner une explication intéressante à la raison de la venue de Dracula en Angleterre, mandé par une secte d’illuminés, eux-mêmes financés par Holmwood, qui se retrouve très vite responsable malgré lui de la mort de sa femme, Lucy. Qui plus est l’idée de relier le pouvoir du sang de Dracula et la Syphilis (MST très redoutée à l’époque du roman de Stoker) permet de faire du sang l’un des piliers de l’intrigue, et peut-être même un pied de nez à certaines rumeurs qui entouraient Stoker.
Les acteurs ne sont par contre pas tous très crédibles dans leurs rôles. Si Dracula est campé par un Marc Warren (connu aussi pour son rôle de Lheureduthé dans l’adaptation TV du Père Porcher de Terry Pratchett) glacial à souhait , bien plus proche de l’image qu’en fait le roman original, et que Lucy est on ne peut plus crédible (Sophia Myles, qui a joué dans la franchise Underworld offre une des prestations les plus convaincantes du film), il n’en va pas de même pour le reste de la distribution. Le personnage de Harker est ainsi peu crédibles, de même que Seward (qui a perdu au passage l’ensemble de ses addictions), voire davantage Van Helsing, bien pitoyable créature qui n’ose qu’à peine affronter Dracula.
La photographie du film est par contre tout particulièrement convaincante, malgré le peu de moyen. Les décors sont superbes, et certaines scènes baignent dans des tonalités bleut/vert qui donnent un côté très Hammer à certaines scènes du film (notamment la partie où Harker est logé au château de Dracula).Le Dracula de ce film est en tout point conforme avec la créature décrite par Stoker. Ne se déplaçant avec facilité que la nuit, il a besoin de sang pour survivre. Il possède la capacité de se transformer en chauve-souris, possède une force surhumaine et certaines capacités d’hypnose. Il ne craint que les crucifix et l’ail, même si seul un pieu enfoncé en plein cœur semble à même de mettre un terme à son existence.
Au final, s’il ne s’agit pas là d’une adaptation à proprement parler inoubliable, elle comporte néanmoins quelques très belles scènes, de bonnes idées et certains des acteurs s’en sortent plutôt bien.
Concernant la syphilis, avoir introduit cet élément dans le film offre une perspective plus intéressante qu’un simple rapport avec le sang (la maladie se transmettant par voie sanguine notamment) comme tu n’oublies pas de le signaler. D’abord, on peut effectivement s’interroger, effectivement, sur ce parallèle entre la transmission de la syphilis et celle du vampirisme et on voit alors que la ressemblance est ici très marquée. Comme le vampirisme, la syphilis représente le sexe et la mort. Dans cette libre adaptation, Dracula a besoin d’associer une dimension sexuelle pour transmettre le vampirisme et quand c’est impossible, il se contente de tuer sans boire le sang de la victime. En fait, d’une part, ce film fait écho à l’hypothèse connue selon laquelle le vampirisme symbolise dans le roman une des MST contemporaines de Stoker et, d’autre part, on note que le détestable personnage qu’est Holmwood dans ce film, est sans doute plus vampire que le vampire : il est atteint de la syphilis, et comme pour Dracula, coucher avec une vierge c’est la pervertir à jamais.