Un jeune homme est retrouvé amnésique et les habits déchirés, errant à la frontière italienne. Il est emmené à l’hôpital, mais les médecins ne parviennent pas à percer l’hébétude dans laquelle il semble s’être enfermé. Répondant à l’annonce que la police vient de passer, une jeune femme finit par se présenter. Elle explique que leur patient s’appelle Nicola, et est commerçant dans le domaine du bois. Mais dès qu’elle se retrouve en présence de ce dernier, il fait une crise, et elle en profite pour s’échapper. Le choc a néanmoins eu un effet sur Nicola : il va peu à peu se remémorer l’enchaînement de situations qui l’a amené là.
En 1972, quand Giorgio Ferroni s’attelle à une adaptation de La Famille du Vourdalak d’Alexei Tolstoï, l’horreur gothique chère à la Hammer a déjà du plomb dans l’aile. Sous l’impulsion d’une nouvelle vague horrifique menée par des réalisateurs comme Romero et son Night of the Living Dead, le fantastique et ses dérivés tendent, au cinéma à s’ancrer dans l’ère contemporaine. Un an plus tard, l’Exorciste enfoncera le clou un peu plus loin. Mario Bava a déjà adapté le texte de Tolstoï en 1963, dans ses Trois Visages de la Peur. Si le doute plane sur les premiers instants du film, l’arrivée de Nicola à l’hôpital montre le désir du réalisateur de se conformer aux goûts de son époque, et de ne garder que l’essentiel du texte, à savoir l’idée d’une malédiction dont serait victime une famille isolée.
Le film joue aussi fortement la carte du gore. La caméra ne se détourne (généralement) pas quand il s’agit de montrer un coeur se faire arracher, un pieu s’y enfoncer ou une morsure déchirer la gorge d’une victime. Sans oublier la manière dont les corps des morts-vivants se désagrègent : lors de la mort du père, le réalisateur prend son temps pour bloquer le regard de son héros (et du spectateur) sur le lent traitement que cette mort inflige à la victime. Les formes plantureuses des personnages féminins sont elles aussi relativement présentes à l’écran. Mais c’est là aussi un des incontournables du cinéma de genre à l’époque : le mélange de sensualité et de gore est attendu des spectateurs.
En ce qui concerne les vampires, le mot n’est jamais cité tel quel dans l’histoire. À un moment, un des personnages, a priori au fait de ce qui se passe dans la famille, explique qu’il s’agit là de Vourdalak (en lien avec le texte de Tolstoï, dont le film revendique l’influence). En dehors de cela, les non-morts dont il est question ici semblent surtout actifs la nuit, même s’ils peuvent se mouvoir en journée. C’est ainsi après le dernier coup de six heures du soir qu’il convient de ne plus ouvrir sa porte. Pour les tuer, un pieu enfoncé en plein coeur reste la méthode la plus sûre. Mais ce sont des créatures résistantes, qui ont besoin de sang pour survivre : la seule morsure semble être en mesure de transformer une victime en un nouveau mort-vivant. Dès lors, se nourrir prend une place centrale dans leur esprit. Et leur corps devient froid et pâle.
Un film très réussi dans son genre, qui joue sur la confrontation entre croyances surnaturelles et monde contemporain. Si le recours au gore peut parfois paraître excessif, les trucages (la dégénérescence des corps après empalement) sont assez impressionnants. Le tout avec des acteurs relativements convaincants, et une réalisation très efficace. Merci donc au Chat qui Fume d’avoir permis à cette rareté de sortir de l’ombre !