Sa mère se trouvant au seuil de la mort, Louisa se précipite à son chevet. La jeune femme découvrira à cette occasion le lourd secret qui pèse depuis des décennies sur la famille Carlstein. La crypte du château renferme en effet le corps de Dracula, premier comte de Carlstein. Ni tout à fait vivant, ni tout à fait mort, il doit sa survie aux femmes de la famille. Lesquelles, hypnotisées sexuellement par lui, se chargent de faire tomber dans ses rets de plantureuses jeunes femmes gorgées de sang.
S’il existe déjà un film nommé La Fille de Dracula, le film de Jesús Franco ne partage presque rien avec son homonyme, réalisé par Norbert Hillier et sorti en 1936, dans la lignée du Dracula de Browning (dont il est l’une des suites). Si Hillier ébauchait certains aspects saphiques dans son film, l’époque a bien changé, et la nudité n’est plus un tabou au cinéma. Franco, qui a navigué toute sa carrière entre érotisme, policier, fantastique et pornographie assois d’emblée son film dans l’époque contemporaine. De fait, la première scène fait davantage allusion au cinéma policier européen de l’époque qu’au fantastique réveillé plus de 10 ans auparavant par la Hammer.
Le film, dont les scènes « fantastiques » ont été tournées à Sintra, au Portugal, confronte ainsi le réel et le surnaturel, sans pour autant avoir besoin «d’expliquer», partant du principe que les vampires et leurs caractéristiques font désormais partit des connaissances de base du cinéphile de genre. Ce qui se dégage, de fait, c’est surtout l’envie de montrer à l’écran le saphisme, les scènes érotiques en question opérant une cassure nette dans le rythme du film. Mais pouvait-il en être autrement, quand on sait à quel point cette approche du vampire est centrale dans les productions de Franco, d’autant qu’il place également son film sous le patronage de Sheridan le Fanu, Carlstein étant une allusion à peine voilée à Carmilla (un an auparavant, la Hammer avait déjà utilisé le nom, dans le premier volet de la trilogie Karnstein : Lust for a Vampire, qui adapte de manière plus fidèle – encore que – le roman).
Deux vampires se partagent la part vampirique du film. Dracula, bloqué dans sa crypte, ne peut survivre que si Louisa, sa fille vampire, lui apporte de jeunes femmes à mordre. Cette dernière, si elle ne semble dans un premier temps qu’hypnotisée par le comte, finit par céder à ses pulsions, et à rejoindre ce dernier dans la crypte (et à ne se montrer qu’une fois la nuit tombée, où à l’intérieur des bâtiments). Tous deux sont dotés d’une paire de canines pour mordre leurs victimes, des femmes, à la gorge, et y puiser le sang dont ils ont besoin. Ils seront tous les deux annihilés au même moment, l’une brûlée par le feu, l’autre avec un pieu enfoncé dans le front. A noter que Dracula ne prononce pas une parole dans le film, et qu’il ne sort jamais de sa crypte. Quant à l’acteur qui joue le personnage, Howard Vernon, il a déjà joué Dracula dans Dracula contra Frankenstein, du même Franco.
Un film qui intègre le corpus de modernisation de la figure du vampire, se débarrassant des oripeaux gothiques repris par la Hammer, en s’intégrant dans une certaine contemporanéité. Pour autant, le rythme est très particulier, très contemplatif, ce qui peut rebuter le spectateur. Mais il faut reconnaître à Franco la part qu’il a eue dans la libération sexuelle du personnage, jusque-là surtout condamné au sous-entendu. Chez Franco, la sexualité du vampire est frontale, et centrale dans sa survie. Elle se fait aussi transe hypnotique, appuyée par le recours à la musique (piano, percussion ), et est appuyée des jeux de caméras autour des regards exorbités.
Reste que malgré tout ça, je ne suis parvenu à finir le film qu’avec une certaine violence. Le scénario est décousu, tout s’enchaîne beaucoup trop vite, et certains rebondissements (la fin en tête) tombent comme un cheveu au milieu de la soupe.
Un petit mot sur le support, car il s’agit du premier Bluray édité par Artus Films sur lequel j’ai l’occasion de me pencher. L’image passe très bien la HD, ce qui permet d’amplifier le pouvoir d’invocation des décors de la vallée de Cintra. Les menus sont sobres mais efficaces, à l’image de ce qu’à pu produit l’éditeur jusque-là. Et on aura plaisir à retrouver, en complément du film, les bonus habituels, ainsi qu’un échange avec Jean-François Rauger, spécialiste français du cinéma de genre.