Alors que débute une nouvelle année dans le pensionnat de jeunes filles où elle est interne depuis l’année précédente, Rebecca espère enfin tourner la page. Car son arrivée dans cette école coïncidait avec le suicide de son père, et il aura fallu toute l’amitié de Lucy pour déchirer le voile de tristesse qui s’était abattu sur elle. Mais cette nouvelle année voit également l’arrivée d’une nouvelle élève : l’étrange Ernessa Bloch, de qui Lucy va rapidement devenir inséparable.
Le film de Mary Harron plonge rapidement le spectateur dans une certaine torpeur, le temps que l’ambiance de huis-clos (qui sait se faire pesante, mais pas de manière continue) ne s’installe. L’ensemble est porté par de jeunes actrices pour autant convaincantes, notamment le trio de personnages principaux. Que ce soit la blonde Lucy, Rebecca et surtout Ernessa (dont le physique assez particulier lui confère une froideur palpable, appuyée par son jeu tout en retenue), toutes campent sans fausses notes (mais sans trop en faire non plus) leurs personnages respectifs.
La part surnaturelle du film n’est pas forcément au premier plan, et se délite au fur et à mesure du film. De là à hésiter entre considérer cet aspect fantastique comme réel ou comme un fantasme de l’héroïne, il n’y a qu’un pas. D’autant que le personnage d’Ernessa peut rapidement apparaître comme une projection de l’héroïne plus aboutite(jusque dans sa relation avec Lucy, qui va au-delà de la simple amitié).
D’autres personnages viennent appuyer le malaise ambiant, entre le jeune professeur de lettres à l’intérêt un peu trop appuyé pour Rebecca, en passant par la cruelle Miss Bobbie et la principale Mlle Rood, elle-même hantée par la perte de son mari. Le cadre de cet ancien hôtel devenu pensionnat est assez bien vu, même si on aurait peut-être apprécié une plus grande immersion (les lieux utilisés étant assez restreints) dans les dédales de pièces qui composent l’endroit.
Le thème du vampire y est utilisé de manière plutôt particulière. Difficile de dire qu’Ernessa est un vampire à proprement parler, même si le scénario appuie sur les références du genre, que ce soit Dracula (que les élèves étudient) ou « Carmilla », qui sert de matière première à l’histoire (avec de grosses libertés). Reste que le lien entre les papillons et autres mites et les vampires ne date pas d’hier, et que le personnage de Lucy va dépérir au fur et à mesure du film (ce qui peut rapidement être vu comme un hommage au personnage homonyme dans Dracula). Reste aussi qu’Ernessa semble dotée de certaines capacités spéciales, et qu’elle ne touche pas aux repas du pensionnat. Enfin, la thématique du sang est centrale au récit (que ce soit au travers le suicide du père de l’héroïne, le sang de ses menstruations qui tâche ses draps, la perte de virginité, etc.).
Un film certes pas parfait mais qui ne manque pas d’intérêt, en adaptant librement, avec notamment l’ajout d’un personnage principal supplémentaire, le roman de Le Fanu dans le contexte moderne d’un pensionnat pour filles. Ce qui permet également au réalisateur et au scénariste de jouer avec le thème de la sexualité, et notamment les amours saphiques, que le roman de Le Fanu n’abordent que par métaphores interposées. Pas parfait, mais assurément à voir. A noter que le film se base sur le roman éponyme de Rachel Klein (traduit en français sous le titre : Le journal des papillons)
Voici une critique qui présente le film avec beaucoup de justesse.
J’ajouterai que je n’ai pas très bien suivi l’intrigue au niveau de l’incitation au suicide, pourtant centrale. Le rythme un peu lent permettait trop de distractions pour mon niveau d’attention de jeune papa.
Je crois que les amateurs du genre peuvent cependant s’y aventurer sans crainte.