Qui n’a jamais vu la jaquette de ce « petit classique » made in 80, trônée au rayon « horreur » de son magasin de location vidéo préféré ? Une maison lugubre, une silhouette à la fenêtre et l’image éthérée d’un monstre aux dents acérées qui flotte au-dessus de la demeure… Vampires, vous avez dit vampires ?, (originalement intitulé Fright Night, en référence à l’émission de Vincent) est l’exemple typique des productions ricaines de l’époque, en matière de films de frousse.
Charlie, un ado qui vit avec sa mère, espionne son nouveau voisin, et se rend bientôt compte qu’il vit à côté d’un vampire, qui se met à tuer chaque nuit, en toute impunité. Personne n’ose croire le jeune homme, et il se tourne alors vers Peter Vincent, acteur et présentateur vedette d’une émission basée sur les films d’horreur. Ils unissent leur force pour contrecarrer les plans du maléfique M. Dandridge…
Sans être un chef d’œuvre, le film a néanmoins la force de balayer son approche naïve et fun des événements, en installant un climat angoissant, notamment en début de péloche. Tout passe par Charlie, le prisme par lequel on découvre le mystérieux voisin : on le suit dans ses investigations, on craint pour sa vie de mortel lorsque Dandrige s’incruste dans sa baraque, etc.… Ici, c’est le vampire, M.Tout-le-Monde, qui est en position de supériorité, jusqu’à la fin. Même si le film se veut amusant et cul-cul (Dandrige invité par la mère de Charlie, le pote de ce dernier et son humour à deux balles, la romance des protagonistes), il a recourt à l’abécédaire complet du vampire : le cercueil, l’ail, les pieux, le don pour les transformations, la force surhumaine… On a même droit au fidèle serviteur du maître, sorte de cerbère comme dans les bons vieux films ; à Peter Vincent, qui ressemble étrangement à Peter Cushing – célèbre interprète de Van Helsing ; ou encore à l’histoire entre Dandrige et Amy (parallèle entre Dracula et Mina). Le tout enrobé, bien sur, d’une ambiance propre à l’époque, avec night-club, musique 80 et ruelles sombres.
L’autre bon point de Vampires, vous avez dit vampires ?, ce sont les effets spéciaux, particulièrement réussis pour l’époque (on voit où se sont inspirés les maquilleurs de Buffy contre les vampires), notamment lors de la mort de Ed, transformé en loup et empalé par Vincent. On notera aussi une réflexion gentillette sur la foi (par forcément de nature religieuse) : Charlie est le seul qui croit – en ses convictions – et c’est pour ça que lorsqu’il brandit la croix devant le vampire, ce dernier la craint. Vincent, lui, reflète parfaitement l’idée qu’on « devient ce qu’on est » : d’acteur ringard, il se change en véritable tueur de vampires, ce qu’il incarnait déjà à l’écran.
Tom Holland nous sert donc un agréable teen-movie horrifique, encore à mille lieues des bouses hollywoodiennes à venir.
L’émergence des sociétés de production indépendantes et l’arrivée de la VHS vont voir, dans les années 80, le monde du cinéma s’intéresser à la jeunesse, à l’instar d’Amblin et de films comme ET (1982) ou les Goonies (1985). Côté cinéma fantastique, ce sont Once Bitten et Fright Night qui ouvrent le bal en 1985, choisissant de mettre en scène des adolescents face à des créatures avides de sang. Dès lors, les plus jeunes semblent être les seuls en mesure de lutter contre les vampires, les adultes ne semblant plus disposés à croire à leur existence.
Tom Holland (qui initiera quelques années plus tard la franchise Chucky) signe ici son premier film, qui se pose comme une charnière dans les œuvres sur le sujet, ayant recours aux codes du genre (le brouillard, les chauve-souris…) dans un cadre moderne et urbain. Intégrant de nombreux clins d’œil aux films passés (la plus évidente étant le personnage de Peter Vincent, qui découle à la fois de Peter Cushing et de Vincent Price – un temps envisagé pour le rôle –), comme le Salem de Tobe Hooper (1979) ou encore 2 Nigauds contre Frankenstein de Charles Barton (1948). Mais le film pose un pied marqué dans l’époque contemporaine de son tournage, à commencer par les effets spéciaux, particulièrement remarquables (et qui ont plutôt bien vieilli), à base de maquillages et postiches du plus bel effet.
Si le personnage de Charlie Brewster (campé par William Ragsdale) est assez énervant (ce que n’arrange sans doute pas le doublage VF de l’époque), le casting est de bonne tenue, notamment pour ce qui est d’Amanda Bearse (qui incarna plus tard Marcy dans Mariés deux enfants), Chris Sarandon (qui joue le vampire Jerry Dandridge et eut son heure de gloire dans les années 80 avec Princess Bride et Frankenstein) et bien évidemment Rody McDowall (Peter Vincent), acteur de talent qui joua pour Lang et Ford, mais a explosé à l’écran en incarnant Cornélius dans La Planète des singes.
Le film utilise l’ensemble des codes des films de son époque, à la fois en ayant recours à une bande son assez typée (dont le point d’orgue est atteint durant la scène en boîte de nuit), les looks des personnages (Dandridge incarnant un vampire qui a troqué sa cape pour un manteau en cuir), l’ambiguïté sexuelle (incarnée par le duo Dandrige et Cole), ce qui corrobore d’autant plus son statut de film à la croisée des chemins, au même titre que Les Prédateurs de Tony Scott, ou quelques années plus tard de Génération Perdue de Joel Schumacher et Aux frontières de l’Aube de Kathryn Bigelow. Les vampires entrent dans l’ère moderne, quittent leurs châteaux poussiéreux et leurs looks d’un autre temps (optant pour des vêtements plus rock’n’roll) pour se fondre dans la masse urbaine, ou se lancer sur les routes.
Côté vampirique, le film a recours plusieurs fois à l’idée que les objets religieux (notamment le crucifix) ne peuvent fonctionner que s’ils sont brandis avec foi. Ce qui posera des problèmes à Peter Vincent. La lumière du soleil est également létale pour le vampire, de même que l’eau bénite, et les miroirs semblent un bon moyen de les mettre au jour, étant donné qu’ils n’ont pas de reflet. Pour le reste, ils ne se déplacent que la nuit tombée (ils dorment la journée dans leur cercueil, et doivent donc se reposer sur un allié humain pour protéger leur sommeil) et peuvent se transformer en animaux, comme les chauve-souris ou les loups.
Un classique du genre qui a pour le moins bien vieilli, pour peu qu’on soit capable de passer outre les looks des acteurs et la musique, très typée années 80. À l’image, la décennie suivante, du Dracula de Francis Ford Coppola, Holland fait autant de son film un hommage à ceux qui l’ont précédé qu’une modernisation du thème, en l’intégrant dans un cadre contemporain.