L’histoire commence en 1560, lorsque naît Erzsébet Báthory, héritière d’une des plus riches familles hongroises. Très jeune, elle est promise à Ferenc Nádasdy, qu’elle épouse en 1575. le royaume de Hongrie étant à l’époque le dernier bastion contre l’envahisseur turc, Ferenc passe davantage de temps sur les champs de bataille qu’avec son épouse, qui lui donne cependant trois enfants, dont un fils, Pal. Ferenc ramène en trophée à Erzsébet le peintre Caravaggio, avec lequel la comtesse, délaissée par son mari qui lui préfère les servantes, va nouer une étrange liaison. Lorsque Ferenc meurt, son bras droit Thurzo, qui envie les terres de la comtesse, va tenter de forcer la main à celle-ci pour s’accaparer une partie de ses biens. Mais la comtesse ne l’entendant pas de cette oreille, une lutte sans merci s’engage entre les deux nobles…
Voilà un film pourtant intéressant qui n’a pas eu les honneurs d’une sortie par chez nous, et deux ans après il ne faut plus espérer que cette erreur soit corrigée. Juraj Jakubisko s’attaque donc ici à l’histoire de la comtesse Báthory, figure historique ayant considérablement influencée la littérature vampirique. A la différence des traitements habituels de cette histoire, le réalisateur propose ici une relecture libre, pas forcément très respectueuse au niveau historique (notamment la relation entre le peintre Caravaggio et Erzsébet) mais qui opte pour le point de vue de la conspiration. Erzsébet n’aurait ainsi pas perpétrés les meurtres dont on l’accusait, mais aurait été la victime d’une machination destinée à faire main-basse sur ses terres. La machination aurait été orchestrée notamment par Thurzo, un cousin à elle, avec lequel on lui prête une aventure survenue après la mort de son mari.
Si les libertés prises avec l’Histoire sont indéniables, le film de Jakubisko est cependant d’un esthétisme rare, autant au niveau des costumes des personnages que des reconstitutions des décors (châteaux, villages, etc.). C’est d’ailleurs l’une des grandes forces de ce film, celle d’offrir à cette histoire une identité visuelle sombre et sensuelle à la fois. Les moments de folie de la comtesse suite à son empoisonnement sont ainsi très bien rendus, de même que les instants passés en compagnie de Caravaggio dans les caves du château de Čachtice. Il y a quelques visuels, quelques idées qui donne à l’ensemble une tonalité qui n’est pas sans rappeler le Dracula de Francis Ford Coppola, mais le fantastique n’est ici que suggéré, jamais vraiment avéré. A noter enfin une bande-son signée Simon Boswell (qui a travaillé avec notamment Lamberto Bava, Dario Argento, Clive Barker…)
Les acteurs sont plutôt convaincants. Anna Friel campe une comtesse tour à tour froide, passionnée, dépassée, rusée. Darvulia est troublante à la fois par sa noirceur et par l’amour qu’elle porte à Báthory. Thurzo quant à lui, froid et calculateur, rustre et mauvais joueur, est également très bien interprété.
Au niveau du mythe du vampire, le scénario insiste sur plusieurs détails qui relient ici les fausses exactions de la comtesse avec l’œuvre d’un vampire. Les victimes retrouvées sont en effet mutilés, le cou percé de deux trous. Plusieurs fois, le terme upir (ou oupir) est prononcé, à la fois par les villageois et le pasteur de Čachtice. Mais on apprends avant même cela que la comtesse dispose d’une arme perforante qui laisse une blessure proche de celle d’une morsure.
Un film intéressant à la fois pour son aspect visuel très léché et pour l’hypothèse qu’il conforte. Les évènements sont cependant relatés avec une liberté certaine, qui risque de mettre en défaut le récit aux yeux des connaisseurs. Une bien sympathique production malgré tout, qui a eu un succès considérable en Europe de l’Est.