Ancien journaliste à succès atteint de la maladie de Parkinson, Daniel Malloy reçoit un paquet contenant des K7 stéréo. La lettre qui accompagne le colis le ramène à une époque de sa vie où il s’était fait un nom en publiant des interviews choc. Il décide d’accepter l’invitation du mystérieux Louis de Pointe du Lac, et de reprendre leurs entretiens, en vue de livrer une biographie fidèle au récit de ce dernier. Louis se revendique vampire, rappelant d’emblée au journaliste que la réalité pourrait être bien davantage qu’un délire de psychotique. Louis débute son récit dans les années 1910, alors qu’il est à la tête d’un petit empire de bordels à La Nouvelle-Orléans. Si son statut lui vaut un certain respect des magnats locaux, sa couleur de peau le condamne à rester dans l’entre-deux. Le jeune homme porte sur ses épaules le poids du futur de sa famille. Sa rencontre avec Lestat de Lioncourt, un mystérieux aristocrate français débarqué du jour au lendemain en ville, va déclencher un tournant dans son existence.
Le projet d’une adaptation en série TV d’Entretien avec un Vampire remonte au moins à 2014, et fut dans un premier temps entre les mains d’Universal. Les années suivantes, le projet passe successivement chez Paramount, puis Hulu, et enfin AMC. Des noms comme ceux d’Alex Kurtzman et Roberto Orci (le duo ayant officié sur les séries Fringe et Sleepy Hollow), Bryan Fuller (Hannibal, American Gods, Star Trek : Discovery), Dee Johnson (Melrose Place, Urgences, The Good Wife). A cette époque, Anne Rice est impliquée en tant que co-productrice, aux côtés de son fils Christopber. C’est finalement après que la romancière ait rajouté dans la balance les droits des livres consacrés aux Sorcières Mayfair qu’AMC finit par racheter le package complet, en 2020. La série est mise en chantier en juin 2021, avec Rolin Jones (Boardwalk Empire, Perry Mason) en tant que showrunner. Les épisodes sont diffusés à partir d’octobre 2022, pour une première saison de 7 épisodes. La seconde saison a été confirmée un mois auparavant, en septembre.
Dès les premières informations qui filtrent, le projet paraît chercher à ne pas respecter à la lettre le roman original. L’interview de Louis par Daniel Malloy — devenu un septuagénaire— se déroule à notre époque, alors que le COVID est passé par là. Son histoire débute quelques années plus tard que le livre, en 1910. Louis est créole, et propriétaire d’un bordel. Claudia, qui intervient à partir de l’épisode 4, est une jeune adolescente, plus une enfant. La série met en exergue la tension raciale de la période, mais aussi l’amour entre les personnages, qu’il soit filial ou sexuel. Elle s’affranchit également de l’approche pudique du métrage de Neil Jordan, et embrasse frontalement le sous-texte homoérotique, physiquement et dans les dialogues (Lestat verbalise sa bisexualité).
En dehors de ces ajouts, modifications et éléments qui sont poussés à leur paroxysme, les scénaristes et réalisateurs parviennent régulièrement à revenir au roman, que ce soit par le fond ou la forme. Le frère de Louis et sa foi dévorante sont réintroduits dans le récit (ils avaient disparu du film). Plusieurs épisodes convoquent des lignes de dialogues directement tirés du livre. C’est autant vrai pour la transformation de Louis que lorsque ce dernier découvre Claudia. Parfois, cela peut donner l’impression d’être un peu forcé, mais l’ensemble se tient bien. Sans doute parce Sam Reid (Lestat) et Jacob Anderson (Louis), rejoints par Bailey Bass (Claudia), sont parfaits dans les incarnations de leurs personnages respectifs. Le duo principal possède une vraie alchimie, qui amplifie la tension sexuelle et permet à la série d’être queer de façon convaincante. On voit évoluer leur relation, puis le trio formé avec Claudia, qui passe progressivement de la famille homoparentale à une trinité surnaturelle… toujours sous la mainmise de Lestat. Il y a enfin, en filigrane de ces sept épisodes, l’importance accordée à la recension des faits, qu’elle soit audio ou écrite, et par-delà au point de vue conféré par cette recension. Daniel enregistre tous ses entretiens (et a déjà enregistré les confessions de Louis), Claudia tient un journal, etc. Comme un rappel incessant au support écrit par l’entremise duquel Entretien avec un Vampire a vu le jour. Et à l’enregistrement des mémoires de Louis, point de départ du premier livre et du film de Jordan.
Le cadre de l’intrigue n’est pas en reste. Habitué des séries d’époques, Rolin Jones et ses équipes plantent un contexte historique crédible, et recréent La Nouvelle-Orléans du début du XXe siècle. Une ville cosmopolite, où les tensions entre noirs et blancs sont réelles, et où le faux semblant règle en maître. Les couleurs et la photographie tranchent avec l’approche sombre du film de 1994. Ici, l’histoire se déroule principalement la nuit, mais il y a une lumière, une esthétique qui permetnt de donner un vernis baroque en phase avec le matériau d’origine.
Globalement, les caractéristiques établies par Anne Rice sont respectées. Les vampires ont besoin de boire du sang pour survivre. Si la série ne lésine pas sur les effets gore, Lestat n’en apprend pas moins à Louis et Claudia qu’il faut se débarrasser des corps. L’idée que les buveurs de sang peuvent échanger mentalement — sauf ceux qui ont un lieu de filiation vampirique — est de mise. Lestat enseigne également à ses ouailles qu’il est crucial de ne pas absorber le sang après la mort de la victime. Certains éléments et protagonistes sont enfin révélés — même si pas détaillés — bien plus tôt que dans les romans d’origine, comme Marius ou Ceux Qu’il Faut Garder. Même chose pour la capacité du vol, qui n’intervient que bien plus tard dans la saga — et n’est pas nativement un pouvoir dont dispose Lestat.
Cette nouvelle adaptation du roman d’Anne Rice rafraîchit le roman original en prenant ponctuellement ses distances avec celui-ci. Contexte, âge et couleur de peau de certains des personnages, période historique sont ainsi modifiés pour davantage les rapprocher des attentes de notre époque. En ce qui me concerne, la série est plus à considérer comme une relecture du livre plus qu’une adaptation. Oui, elle ne suit pas scrupuleusement le texte d’Anne Rice, même si elle lui reste fidèle par l’esprit (et si elle le convoque régulièrement à la lettre). De mon point de vue, c’est plutôt une bonne chose : quel intérêt à offrir une adaptation au plus près du récit d’origine ? Reste que cette propension à vouloir s’écarter du texte de départ peut finir par lasser. On a en effet parfois l’impression que les scénaristes s’échinent à chaque épisode à trouver comment rester dans les pas d’Anne Rice… tout en proposant autre chose. La série se concluant au moment où Louis et Claudia prennent la direction du vieux continent, reste à savoir comment les scénaristes ont en tête de poursuivre le récit.
Bonjour avez vous une date de diffusion en France et sur quel chaîne merci
Bonsoir,
A l’heure actuelle, je crois qu’aucun réseau ou chaîne n’a acheté la droit de la série.