Un jeune couple en caravane, Fred et Harriet, se décident à faire halte en pleine forêt, dans les environs d’une demeure isolée. Sur la route, Harriet avise deux auto-stoppeuses : l’une châtain, l’autre blonde, qui se dissimule dans les fourrés. La première nuit, alors que l’orage gronde, Harriet est réveillée par une lumière qui filtre à travers les vitres du château, qu’elle et Fred pensaient désert. Quelques instants plus tard, elle croit voir une main ensanglantée à la fenêtre de la caravane. Devant l’angoisse de sa compagne, Fred accepte d’aller faire un tour, mais ne découvre rien de particulier. Le lendemain, Ted, un homme d’âge mûr dont le véhicule emprunte la même route que Fred et Harriet, prend en auto-stop la troublante Fran. Intéressé par la jeune femme, il finit par la suivre chez elle. Ce qu’il ignore encore, c’est que Fran et son amante Miriam ont été assassinés ici il y a des années de cela. Devenues vampires, elles attirent depuis dans leur demeure des hommes qu’elles vident de leur sang.
Vampyres de José Ramon Larraz sort en 1974, alors que l’Europe continentale, sous l’influence de la Hammer, s’est à son tour emparée de la figure du vampire. Dans les pas d’un Jesús Franco, mais aussi sous l’impulsion de la firme anglaise dont l’approche a évolué (avec des métrages comme Lust for a Vampire), l’érotisme est désormais assumé à l’écran. Centré sur ses personnages féminins, Vampyres fait la part belle aux relations sexuelles de ses protagonistes, qu’elles soient homosexuelles – saphiques – ou hétérosexuelles. Mais dans le même temps, le film explore un versant horrifique plus cru, où on ne cache ni les plaies ni les cadavres ensanglantés.
Quand il se lance dans la réalisation de Vampyres, Larraz n’en est pas à son coup d’essai. Il s’agit en effet de son septième film, sa carrière ayant débuté en 1970 avec le thriller Whirlpool. Larraz s’est fait un nom comme spécialiste de la série B, alternant récit policier, western et horreur. Après The House That Vanished (1973), Emma, puertas oscuras (1974) et Symptoms (1974), Vampyres est sa troisième réalisation dans le registre horrifique. Le long métrage met en lumière le duo de personnage formé par Marianna Morris (Fran) et Anulka Dziubinska (Miriam), dont les CV à l’écran sont plutôt réduits. Le film est très librement adapté de la nouvelle « La Fille de la Pluie » de Thomas Owen, publiée en 1965 dans Mystère Magazine avant d’être reprise dans le recueil Cérémonial nocturne et autres contes insolites, édité par Marabout. Le texte de départ ne fait aucunement apparaître des vampires (bien que l’auteur soit un habitué du sujet), le scénariste en retient essentiellement certaines scènes, notamment la découverte du manoir par Ted, et la chute.
Les éléments gothiques s’imposent rapidement à l’écran, centrés autour de ce manoir en décrépitude, lové en pleine forêt, et auquel est attenant un cimetière. Pour autant, le contexte est bien contemporain, symbolisé par les accidents de voiture qui permettent au duo de se débarrasser de ses victimes. Le scénario de Diana Daubeney (la femme de Larraz) paraît aussi puiser dans le Dracula de Stoker. Il y a en effet quelque chose de Harker dans le personnage de Ted, qui se trouve vite prisonnier de la vieille demeure et de ses propriétaires. On pense également aux Lèvres Rouges (1971) de Harry Kümel, dans l’étrange attraction qui semble s’imposer entre Harriet et les deux vampires.
Le film joue sur la juxtaposition entre érotisme et horreur. L’un des points d’orgue étant les scènes où Fran et Miriam laissent libre cours à leurs instincts sur les corps ensanglantés de leurs victimes. On peut ainsi citer la blessure au bras de Ted, à laquelle elles s’abreuvent de son sang, dont la forme ne cesse de rappeler le sexe féminin. Pour autant, le métrage possède ses passages oniriques, à l’image du duo qui regagne son lieu de repos au lever du jour, traversant pour cela le cimetière qui jouxte l’endroit de leurs exactions.
Dès le titre, il n’y a aucun doute quant à la mise en exergue de la figure du vampire dans le film. On comprend que, assassinées alors qu’elles étaient en train de se donner l’une à l’autre, Fran et Miriam sont devenues vampires. Elles sont liées à cette demeure, dont elle ne s’éloigne jamais totalement. On ne les voit paraître que la nuit, le jour semblant les laisser sans force, comme morte. Toutes deux se nourrissent, bien qu’on ne voit jamais une seule canine, aussi bien de sang que de sexe. Elles ne sont enfin indisposées que par le lever du soleil et les miroirs.
Le film a ses faiblesses, certains points d’intrigues peuvent paraître irrésolus, mais il n’en possède pas moins un bon équilibre entre les aspects gores et érotiques. Pour autant, en creusant les éléments épars laissés au spectateur (le meurtre des jeunes femmes, le fait que Ted soit reconnu à l’hôtel, le dialogue final de l’agent immobilier), il est possible de relier l’ensemble. Ted pourrait être le tueur du début du film, irrémédiablement obsédé à l’idée de revenir sur les lieux de son crime. Laissant alors planer le doute sur la réalité de ce qui vient de se passer. Tout ça ne pourrait-il être le délire d’un psychotique ?
A noter que l’édition Blue Underground propose un documentaire, intitulé Return of the Vampyres, où les deux actrices principales reviennent sur leur expérience de tournage. Il est également possible de regarder le film doublé par un commentaire du réalisateur et du producteur, José Ramón Larraz et Brian Smedley-Aston.