Ce petit film n’a pas fait grand bruit lors de sa sortie en 2000. Pourtant, l’entreprise est assez intéressante pour que tout accroc du nosferatu s’y penche d’un peu plus près…
L’histoire mélange allègrement fiction et réalité historique : en effet, le film s’attarde sur le tournage du célèbre Nosferatu de Wilhelm Friedrich Murnau, premier grand film muet sur le mythe du vampire ; mais on s’aperçoit vite que Max Schreck, l’acteur embauché par le réalisateur pour jouer le comte Orlock, est plus que bizarre… Partant de l’anecdote selon laquelle le vrai Schreck était un acteur à part, qui avait besoin de s’immerger totalement dans ses rôles, Merhige décide de se laisser aller et imagine que Murnau a déniché un véritable vampire pour interpréter l’hideux comte.
C’est alors que le film à côté du film prend vie. On assiste au tournage du chef d’œuvre expressionniste – les moindres scènes vues à travers la caméra de Murnau collent de très près à l’original, et le travail sur la lumière et les plans de caméra est saisissant – et se voit chambardé à cause du caractère de Schreck et de ses lubies (il se nourrit de vermines, va jusqu’à mordre les assistants du réalisateur). Mais pour Murnau, il touche du doigt la vérité, et chaque improvisation du monstre est une avancée de plus dans l’histoire du cinéma.
On s’apercevra d’ailleurs que le vrai monstre n’est pas celui qu’on croit : Murnau, décrit comme un mégalo, a promis de payer le vampire en nature (pauvre Greta) en échange de sa participation ! La folle entreprise du réalisateur culmine lors de la scène finale où Orlock suce le sang de Greta avant de périr par les rayons du soleil. Sur le plateau, la réalité dépasse la fiction : Schreck tue les assistants et l’actrice qui joue Greta, alors que Murnau continue à filmer jusqu’à la mort réelle du vampire.
Outre l’hommage évident rendu au classique allemand, L’ombre du vampire est aussi une réflexion sur le pouvoir du cinéma. Il brouille les pistes, la frontière entre la réalité et le fantasme ; il se joue du spectateur. Le cinéma, qui à l’époque est encore un art neuf, se définit comme tel, et le comportement de Murnau ou de Greta (drogués, ayant la folie des grandeurs) préfigure l’âge d’or des stars hollywoodiennes et les dérives à suivre.
En ce qui concerne le vampire en lui-même, on peut dire qu’il reste ici assez mystérieux et ambivalent, difficile à saisir, à la fois repoussant et terriblement humain (William Defoe campe un brillant Schreck), une ombre, comme le suggère le titre du film, qui s’étend au-delà de la pellicule. En effet, qui n’a pas en tête la silhouette ignoble du comte qui grimpe les escaliers dans une des scènes phares de Nosferatu ? Une image qui fait partie du patrimoine du cinéma d’épouvante : Nosferatu est mort, mais il vit toujours.
L’ombre du vampire est un film sans prétention, mais néanmoins une bonne surprise : tout est dit en une heure et demie, et on se prend même à être un peu nostalgique en repensant à cette période de l’histoire du cinéma, où quelques classiques de l’épouvante allaient bientôt voir le jour…