Quatre enfants, Sai, Ting, Jerd et Noi se rendent au cœur de la forêt, auprès d’une étrange maison en ruine. Comme le rappelle Jerd, il s’agit d’un lieu connu pour être hanté par une femme du nom de Nual, dont l’esprit serait enfermé dans un coffre. Le petit groupe commence une partie de cache-cache, et Sai et Noi décident de se dissimuler à l’étage de la maison. Alors qu’elle cherche où se cacher, Sai avise une grande boîte ouverte. Elle s’en approche, mais remarque rapidement que cette dernière est totalement vide. C’est alors qu’une Krasue se matérialise derrière elle. Plusieurs années plus tard, Sai est devenue aspirante infirmière au petit hôpital local, alors que Noi est parti avec ses parents à Bangkok, et que Ting est devenue maman. Jerd quant à lui passe beaucoup de temps avec Sai, espérant faire d’elle sa femme. Mais Noi refait son apparition, avec dans son sillage un groupe de chasseur de Krasue, attirés par la présence potentielle d’un de ces créatures dans les environs.
La Krasue est une créature vampirique qu’on retrouve sous différentes formes dans les légendes d’Asie du Sud-Est, particulièrement en Thaïlande, en Malaisie (sous le nom de Penanggalan) ou aux Philippines (renommée Manananggal). La créature, qui est constituée d’une tête et d’un amas d’organe, est rattachée à un corps de femme, qui n’a pas conscience de se transformer la nuit venue. Elle s’attaque particulièrement au bétail ou aux nouveaux-nés. La Krasue semble faire son apparition dès les années 70 dans la production cinématographique asiatique, avec des films comme Krasue Sao (1973) , mais on trouve trace du Manananggal dans le cinéma philippin à une date aussi ancienne que 1927 (Ang Manananggal, un film muet dirigé par Jose Nepomuceno, considéré comme le père du cinéma local).
Il y a donc un passif notable (d’autant que les années 2000 ont vu fleurir de nombreux films sur la créature) de la Krasue dans le cinéma thaï. Le cinéma horrifique et les comédies romantiques sont parmi les genres les plus prisés du pays, il n’est donc pas surprenant de retrouver un mélange des deux dans des films comme Krasue: Inhuman Kiss. Le métrage se centre en effet autour du personnage de Sai, courtisée par Jerd mais amoureuse de Noi. Sauf que la jeune femme est à son insu une Krasue, depuis qu’elle a été infectée par une telle créature étant enfant. Force est de constater que la partie romance prend beaucoup de place, et convoque un panel de sentiments attendus (nostalgie, jalousie, attirance, tolérance, soutien). Pour autant, le côté pathos est un peu trop souligné, et le film aurait sans douté gagné à être réduit d’une bonne demi-heure. L’ensemble n’en est pas moins assez réussi, et l’entité mise en scène est fidèle aux légendes. Les acteurs sont relativement convaincants dans leurs rôles respectifs, et les effets spéciaux réussis, sans tomber dans la surenchère.
La trame verra Noi – un scientifique incrédule – réaliser que Sai est la Krasue que tout le monde cherche. Son amour pour elle va le pousser non pas à la dénoncer, mais à l’aider à vivre sa condition. Pour cela, il va chercher de l’aide auprès d’un moine qui vit reclus dans les environs, mais il va aussi mettre à profit ses connaissances médicales pour tenter de trouver un remède. Dans le même temps, il doit prendre garde à ne pas attirer l’attention de Tad, à la tête d’un groupe de chasseurs, qui ne rêve que d’arracher le cœur de la Krasue. Noi parviendra-t-il à faire autre chose que retarder l’inévitable ?
Le folklore de la Krasue est bien évidemment au cœur du film. La nuit tombée, la tête de Sai quitte le corps de cette dernière pour aller se nourrir, s’attaquant en premier lieu au bétail et aux nouveaux-nés. La créature embarque certains de ses viscères quand elle se déplace, dont son cœur, est est munie de fins tentacules. Sai finira par réaliser ce qu’elle est devenue, mais l’aide de Noi lui permettra de déjouer ses accusateurs. Le film imagine que les femmes qui boivent à la même eau que la Krasue deviennent elles-même une des entités, alors que les hommes en meurent. L’une des innovations du métrage, c’est aussi de convoquer la figure du Krahang, une figure fantastique masculine censée hanter les mêmes lieux que la Krasue . Le scénariste imagine un lien tragique entre les deux créatures, qui permet de justifier la proximité des deux entités tout en offrant au film un twist inattendu. Il convoque également l’idée de l’herbe magique censée permettre à la Krasue de contrôler sa transformation. Dans le folklore thaïlandais, il s’agit de la wan phi phong, une herbe (qui brille comme une luciole) dont l’ingestion est suspectée de transformer en phi phong, une autre créature.
Krasue: Inhuman Kiss est un film d’horreur relativement typique des productions thaïlandaise. Malgré quelques longueurs, le métrage de Sitisiri Mongkolsiri est une variation intéressante, tour à tour fidèle au légendaire rattaché à la créature – et à sa représentation visuelle – mais ouvert à d’autres éléments pour enrichir son approche.