Le comte Dracula se voit forcé de quitter la Transylvanie, les jeunes filles vierges dont il s’abreuvait jusque-là commençant à se faire rare. Aidé par Anton, son fidèle serviteur, il se rend donc en Italie, persuadé que l’influence de la religion, très présente dans le pays, aura permis aux jeunes filles du cru de conserver leur pureté. Rapidement, il pose ses valises chez la famille Di Fiori, des aristocrates sur le déclin qui vivent avec leur serviteur, Mario. La comtesse Di Fiori voit d’un très bon oeil l’arrivée de cet aristocrates étrangers qui pourraient permettre de redorer le blason familial, pour peu qu’elle arrive à convaincre le comte de la probité de ses filles.
Sorti quelques temps après Chair pour Frankestein, et orchestré par une équipe similaire, Du sang pour Dracula est donc une réalisation de Paul Morrissey, produit par Andy Warhol. Un film qui n’a pas grand chose à voir avec le roman de Stoker, si ce n’est son personnage principal, le comte Dracula. Un Dracula fortement affaibli par l’évolution des moeurs, qui ne parvient plus à trouver de sang pur pour se nourrir, et se voit donc obligé de partir à l’étranger pour trouver de quoi étancher sa soif.
La réalisation a un cruel défaut de rythme, et les effets ont plutôt mal vieilli. Le film s’est à l’époque vu affublé d’un interdiction aux moins de 18 ans qui apparaît un tantinet poussive aujourd’hui, même si la scène finale fait basculer l’ensemble dans un rendu gore pour le moins radical (à la limite du grand guignol), lorsque Mario comprend la nature du comte et se décide à mettre un terme à ses exactions.
L’ensemble est saupoudré de scènes érotiques qui semblent vouloir appuyer l’hypocrisie des hautes sphères, qui essaient de maintenir les apparences en façade, alors que la dépravation est de mise. Certains ont vu une autre forme de critique sociale dans le personnage de Mario, prolétaire violent qui sert de domestique au Di Fiori, et se gorge des écrits communistes, dont il a d’ailleurs peint l’emblème sur les murs de sa chambre. Le côté un peu extrême du personnage me ferait plus pencher vers une forme de critique de la critique sociale, et a plutôt tendance à tourner en dérision la critique sociale, d’autant que le personnage appuie très lourdement sur ses idéaux.
C’est véritablement le personnage de Dracula, campé par Udo Kier, qui est le point d’attraction du film. Chétif au possible, affaibli, il campe un comte quasi soumis dans une relation sado-masochiste avec Anton, son homme-lige. Un comte efféminé et précieux qui ne se laisse pas moins diriger par ses instincts, même si ceux-ci ont une fâcheuse tendance à le mettre en mauvaise posture. Ce que n’est assurément pas l’homme fort du film, Marco, le domestique obsédé par l’idéologie communiste, qui a recours sans vergogne à la violence. Au final, entre Dracula et la maisonnée Di Fiori, difficile de dire qui est la victime.
Le Dracula du film est donc très affaibli, ne parvenant plus à trouver du sang de vierge pour se sustenter. Le sang de femmes impures le rend en effet malade, ce qui fera l’objet de plusieurs scènes du film, quand il découvre que certaines des filles Di Fiori ne sont pas vierges. Sans pouvoirs, avec une force physique amoindrie, le vampire est par ailleurs obligé de se déplacer en fauteuil roulant. Il est très attaché à son cercueil (même s’il n’est pas obligé d’y dormir), et craint le plein soleil, même s’il peut évoluer en journée. Sa morsure lui permet enfin de contrôler ses victimes.
Film culte s’il en est (l’aura d’Andy Warhol aidant), il est pour autant difficile de qualifier ce film de chef d’œuvre. Un rythme qui regorge de longueurs, un casting pas des plus convainquant (à l’exception de Dracula), mais l’ensemble propose malgré tout de nombreuses scènes intéressantes pour l’amateur de cinéma vampirique. Notamment quand Dracula, obnubilé par son besoin de sang, se voit incapable de résister à l’attrait de l’hémoglobine, quelle que soit la forme que prenne cette dernière.
Paul Morissey n’est pas le chanteur des Smiths, mais un réalisateur (entre autres) new-yorkais de l’époque de la Factory (Morrissey étant un pseudo utilisé par Steven Patrick, le chanteur des Smiths, donc).
Merci pour votre vigilance. J’ai modifié la chronique de manière à corriger ce point.
Assez déçue par ce film, pour lequel j’avais lu un article dans un magazine sur le cinéma fantastique. Il est vrai que la représentation du vampire est assez éloignée du mythe. La quête de sang de vierges n’est pas sans rappeler la référence à une célèbre comtesse, mais le parallèle s’arrête là. La mise en scène est répétitive, cependant, certains points sont intéressants, notamment, sur le manque de sang et sur la souffrance du vampire après avoir sucé du sang impur.
À noter également, le personnage qui se maquille au début du film et qui revêt l’apparence du comte. Quelques clins d’œil cependant au Dracula originel, l’absence de reflet dans le miroir, la référence à Londres, et les jeunes femmes offertes au vampire.