Sortie en 1973, cette adaptation de Dracula passe pour être la troisième dans son genre, après les versions de Mystery & Imagination (1968) pour la TV américaine et Hrabe Dracula (1971) pour la Tchécoslovaquie. Destinée à la TV canadienne, elle fait partie de l’anthologie Purple Playhouse, composée de huit métrages, basés sur des mélodrames célèbres. On dénombre ainsi des versions filmiques de Sweeney Todd ou de la pièce de théâtre The Bells (qui a offert à l’acteur Henry Irving un de ses plus grands succès) parmi les œuvres qui constituent le programme. Tous bénéficient d’une introduction par le dramaturge Robertson Davies.
C’est d’ailleurs ce dernier qui intervient en ouverture de Dracula, pour souligner la lutte du bien contre le mal qui est au cœur du roman. Il affirme également qu’il s’agit là d’une des adaptations les plus fidèles qui soit au livre de Stoker (le présentateur en compte seize avant celle-ci, incluant sans nul doute le cinéma et la télévision). Pour autant, l’épisode de soixante minutes achevé, difficile de croire que Davies a vu le montage final. La version disponible sur Youtube est certes tronquée : il manque au bas mot un gros quart d’heure sur les 60 minutes annoncées. Au vu des scènes qui sont laissées de côté, on peine à imaginer que tout repose sur cette fraction manquante. D’autant que là n’est pas le seul biais de cette adaptation. Laquelle est réalisé par Jack Nickson-Browne, dont c’est l’un des premiers travaux connus. Le fantastique ne semble pas son cheval de bataille, sachant que les dernières entrées dans sa carrière ont trait à des épisodes du Vagabond, une série TV mettant en scène les aventures d’un berger allemand (datée de la première moitié des années 1980).
Le récit démarre sur un échange entre Dracula et Harker, alors que ce dernier est arrivé au château de Dracula et termine son repas. De fait, toute la mise en ambiance représentée par le voyage du jeune avoué est gommée. Son personnage fait face à un Dracula aux cheveux blancs mi-longs, et à la peau blafarde. Physiquement, il est plus proche de la description du roman ceux qui ont précédemment incarné le vampire. Pour autant, l’acteur surjoue, et son maquillage forcé n’arrange pas les choses. L’adaptation manque également de personnel : il ne reste que deux des fiancées du comte, et ce dernier doit lui-même charger ses cercueils sur le chariot qui doit le conduire à Varna. Enfin, Quincey Morris et Lord Godalming, pour la deuxième partie, sont absents : seuls John Seward, Van Helsing et Harker s’opposeront à Dracula. L’histoire regorge d’ellipses : passé le témoignage de Jonathan Harker, les choses reprennent alors que Lucy est déjà morte [ref] Il semble que ce soit là l’origine des 15 minutes manquantes, comme le souligne la chronique de Taliesin [/ref] et que Mina commence à montrer les signes du même mal. De fait, c’est elle qui sera victime de somnambulisme, et conduira Van Helsing et ses alliés à faire pour la première fois face au comte… et à Lucy devenue une créature de la nuit.
Avec soixante minutes pour adapter une œuvre de cette ampleur, difficile de ne pas tronçonner dans le matériau de départ. Pour autant, ce n’est pas là que le métrage pêche le plus. Les choix sont intéressants et offrent une bonne fluidité à l’ensemble. Les acteurs, à commencer par Dracula, en font tous un peu trop : le rire du personnage donne une touche burlesque accidentelle à l’ensemble, de même que les grimaces qui déforment son visage quand ses instincts prennent le dessus. Les crucifix scintillants qui sont brandis par les chasseurs rajoutent au clinquant de l’adaptation.
Le vampire est conforme aux caractéristiques que lui a conférées Stoker. Il possède une capacité d’hypnose et entretien un lien fort avec les vampires qu’il engendre. Il craint les crucifix et ne peut reposer dans un cercueil qui a été consacré à l’aide d’une hostie. Un pieu en plein cœur sera le moyen le plus sûr d’en venir à bout. À signaler, également, que l’attitude du vampire change du tout au tout lorsqu’il entend le chant du coq. Un clin d’œil au Nosferatu de Murnau ? Dans l’un de ses monologues finaux, le personnage se présentera enfin comme un père trahi par ses enfants. Car c’est ainsi qu’il considère Mina et Jonathan, ce dernier ayant été mordu par le comte dans la première partie de l’histoire.
Des trois plus anciennes adaptations TV du roman, ce « Dracula 1973 » n’est pas franchement le plus réussi. Il serait pour autant intéressant de pouvoir en visionner une version un peu plus qualitative, sans timecode et intégrale. Si les coupes dans la trame originale sont justifiées par la longueur relativement courte de l’épisode (60 minutes), la tendance à en faire trop mine cette adaptation.