Milo a développé une vraie obsession pour la figure du vampire. Mais son intérêt va au-delà du seul attrait pour la créature : le jeune homme confronte peu à peu ce que les réalisateurs et romanciers ont fait du vampire à ce qu’il juge être la réalité de leur condition. Il a ainsi établi un calendrier précis : à intervalles réguliers, il tue de manière à se nourrir de sang et ainsi endosser l’existence d’un vampire. Jusqu’au jour où il rencontre Sophie, une adolescente qui emménage dans le même immeuble que lui. Orpheline, prise en charge par un grand-père violent, la jeune femme est aussi perturbée que Milo, s’adonnant à l’automutilation. Peu à peu, tous deux se rapprochent, s’offrant l’un à l’autre un répit inespéré.
Sorti en 2016, The Transfiguration de Michael O’Shea est une variation inattendue sur la figure du vampire. Le réalisateur, dont c’est le premier projet sur grand écran, s’attaque aux buveurs de sang avec un longmétrage qui appelle davantage à l’influence du Martin de George Romero qu’aux dernières productions mainstream du genre. Le film ne franchit jamais la barrière du surnaturel, en phase avec le réalisme que Milo recherche dans la fiction vampirique. Car si le récit débute sur un meurtre, qui servira à Milo pour se nourrir de sang, on comprend d’emblée qu’il y a un problème : le jeune homme rejette rapidement ce qu’il a ingéré.
Les critiques ont fortement rapproché The Transfiguration de Let the Right One In, sans doute par le duo des deux adolescents qui sont au cœur de l’intrigue. Pour autant, la psychologie des personnages des deux films n’a que peu de rapports. Traumatisé par le suicide de sa mère, Milo s’est peu à peu décroché du réel, trouvant dans le vampire une échappatoire autant qu’une matérialisation de ses obsessions. Sophie, élevée par un grand-père abusif, se scarifie autant qu’elle se livre à des relations sexuelles sans éprouver le moindre plaisir. La lenteur du film ne fait au final que renforcer la cruauté du monde dans lequel ils vivent (Milo est un souffre-douleur pour certains jeunes de son quartier).
Au fur et à mesure de l’histoire, on comprend que l’intérêt de Milo va au-delà des films qu’il passe son temps à visionner. Dans les cahiers qui semblent l’accompagner partout, il confronte ce que la fiction dit du vampire avec la réalité qu’il peut expérimenter à son niveau. Il ne s’agit ici pas de vampires avec des canines allongées, mais bien de criminels qui tuent leurs victimes avec une arme tranchante, à l’image de Martin dans le film éponyme, voire de Simon dans le Vampire de Shunji Iwai. de Morse à Twilight en passant par True Blood, voire Aux frontières de l’Aube, Milo ne cesse de se référer à la créature qui l’obsède et dont il cherche à éprouver la réalité. Dans ses discussions avec Sophie, il abordera ainsi différents tropes, comme celui qui permet aux vampires de gravir sans difficulté des murs, leurs faiblesses face aux symboles religieux, etc. Mais il y a, en fin de compte, l’idée que le vampire est un moyen d’aborder le thème du deuil. Car c’est bien la mort qui plane à tout instant sur le film. Celles que provoque Milo, mais aussi celle dont il a été témoin, que ce soit celle de son père (évoqué) ou celle de sa mère (qui fait l’objet d’un flash-back glaçant).
The Transfiguration est autant un film de vampire qu’une oeuvre qui parle de la figure du vampire. Si le métrage possède quelques longueurs, l’ensemble force le respect par sa réalisation et le jeu sobre de ses jeunes acteurs, particulièrement convaincants.