Dans la Transylvaine du XVe siècle, Vlad III, prince de Valachie, sort victorieux d’une guerre sanguinaire face aux Turcs et se forge une image de Vlad l’Empaleur. Soucieux d’apporter la paix aux siens, il doit, cependant, retourner au combat et vaincre à nouveau son pire ennemi, Mehmet II (Dominic Cooper), malgré une trêve passée avec ce dernier. Mehmet exige 1000 jeunes garçons pour enrichir son armée et en particulier le jeune fils de Vlad, Ingeras. Vlad III, autrefois enrôlé de force dans l’armée turque, refuse de faire subir le même sort à sa descendance. Père, mari, chef de son armée, Vlad se doit de remporter la guerre contre les Turcs et scelle un pacte avec une force maléfique tapie dans une grotte, au Pic de la Dent brisée. Le démon lui offre la puissance et l’hégémonie, en contrepartie de sa propre délivrance. Pourtant, ce pacte engendre un sacrifice, celui d’être assailli par une soif irrépressible de sang humain, néanmoins, s’il résiste pendant trois jours, il redeviendra lui-même, sinon, il sera condamné à errer dans le monde des ténèbres, créant la mort autour de lui, pour se nourrir.
On assiste à travers Dracula Untold à une nouvelle lecture du mythe, au retour à l’une des figures fondatrices du vampire, Vlad l’empaleur de l’ordre des dragons.
Le vampirisme comme remède à la désolation, aux ténèbres, s’immisce comme un fléau, à l’image d’une guerre dévorante et dévastatrice. L’idée est intéressante de combattre un fléau par un autre, tel un virus virulent pour combattre son ennemi, l’homme.
Gary Shore, issu du monde de la pub, réalise ici son premier long métrage mêlant un contexte historique aux sources originelles qui ont forgé l’image du vampire, Dracula. Associant habilement les codes de la guerre à ceux du vampirisme, il inscrit son Dracula Untold, dans une œuvre historico-fantastique, qui penche plutôt du côté du film de guerre que celui du film fantastique.
Cependant, il exploite le cheminement d’un guerrier, chef de Valachie, protecteur des innocents, chrétien en un être assoiffé de sang, en y associant d’autres codes du mythe faustien, de la fête de Pâques, face au besoin insatiable de l’homme de conquérir de nouvelles terres sur l’Europe et d’incarner un héros. Car il est bien question de héros dans Dracula Untold, interprété par Luke Evans, en un combattant redoutable et néanmoins vulnérable, en un père de famille aimant, en un époux romantique. Difficile d’assumer tous ses rôles face à un guerrier barbare et son empire dont le terrible dessein est de l’anéantir en ôtant la vie aux siens.
On ne peut s’empêcher de voir en Dracula Untold de sourds échos au Dracula de Coppola (le mythe fondateur de Vlad l’empaleur, l’armure de Vlad, la chute de l’épouse, Mirena (Sarah Gadon), du haut du château, le désespoir de Vlad face à la mort de son épouse, qui le pousse à entrer dans le monde des ténèbres, la transposition du vampire à l’époque contemporaine et la rencontre avec Mina, en référence au Dracula de Bram Stoker), ou encore à un petit clin d’œil à la filmographie vampirique de la Hammer (le sang sur le cadavre ressuscitant le corps en vampire).
Le parti-pris de Gary Shore d’associer la résurrection du Christ en une figure éternelle à celle de l’humain en un être immortel, un vampire, est judicieux, et apporte une nouvelle lecture au mythe, sur l’identification d’une force libératrice face à l’invasion des turcs. Le vampirisme permet ainsi à Vlad de gagner en force face à son ennemi, mais ne résout en rien la protection des siens. On retrouve cette idée dans le Dracula de Coppola, alors condamné à errer dans le monde des ténèbres car incapable d’empêcher la mort de sa bien-aimée, à l’instar de Vlad, impuissant lui aussi à sauver sa femme, les menant tous deux en quête d’une autre image de la bien-aimée, Mina.
Comme le dira le maître-vampire (Charles Dance) : « la lumière contre les ténèbres, la terreur contre la désolation », est bien tentant, pourtant, conclure un pacte d’une telle ampleur est bien dangereux à qui ne sait où il s’aventure. Et, le serviteur du démon nargue avec ruse Vlad, au cours du délai imparti des trois jours, lui offrant avec grâce du sang frais.
Ce Dracula Untold cache en lui, à l’image du maître-vampire, régnant sur le pic de la dent brisée, son lourd secret d’unir les forces du mal pour défendre les siens, d’y associer le mal pour trouver la paix. Le prêtre tentera de délivrer son empereur de ce mal qui le ronge, en vain, mais finira par lui porter main forte en brandissant le symbole de la croix, face à l’armée des vampires, sauvant alors son fils.
Dracula Untold, réincarnant un héros séduisant et romantique ne réussit pas à convaincre totalement son auditoire. Malgré quelques bonnes trouvailles, il ne détient pas la fougue sanguinaire sur laquelle s’appuie son mythe. Son armée de chauves-souris n’est pas bien menaçante, et ne réussit pas à détruire ses ennemis, tout comme le vampire lui-même ne démontre pas une réelle puissance à diriger son bestiaire, d’un mouvement de la main. On est loin de la fougue impétueuse d’un vampire sanguinaire. Le Dracula de Gary Shore est très humanisé, à la fois dans sa représentation de chef des armées, de père et d’époux, il demeure très vulnérable et attendri face à sa famille, et dans sa dimension de vampire.
Les codes du vampire sont centrés sur son pouvoir face aux chauves-souris, sur les éléments naturels, et sur la guérison de ses blessures de guerre. Il entend et voit, comme un être de la nuit, ici point de métamorphose spectaculaire, ni de réelle stratégie.
Mirena s’écroule dans le vide, alors que Dracula tente de la rattraper, ses soldats deviennent un à un des morts-vivants et forment alors une véritable armée de zombies assoiffés de sang. Les codes de destruction du vampire, tels que l’argent, la lumière sont surexploités lors d’un combat quelque peu décevant, entre Vlad et Mehmet, tandis que le vampire accable son ennemi du pieu qui lui était destiné ; la scène du feu à travers laquelle le vampire est condamné à brûler n’ajoute aucune plus-value au caractère monstrueux du vampire. Malgré quelques rugissements et une attente interminable, il ressort des flammes, le visage quelque peu égratigné.
Dracula Untold demeure néanmoins un divertissement épique, visuellement agréable à regarder, avec quelques séquences symboliques, comme la renaissance de Vlad dans l’eau du lac, après avoir bu le sang du maître-vampire, la transmission de son propre sang (le maître-vampire donne son sang à Vlad, Vlad le transmet à un autre homme), la place de la religion (le prêtre souhaite délivrer Vlad de son mal, il brandit la croix devant les vampires afin de les chasser), ou encore l’apparition du maître-vampire à l’époque contemporaine.