Carmilla et son cousin Léopoldo Karnstein, tous deux derniers descendants de la famille du même nom, coulent des jours tranquilles dans une ancienne propriété familiale, dans la campagne romaine. Mais l’arrivée de Georgia, la fiancée de Léopoldo, va fortement perturber Carmilla. Cette dernière, ressemble trait pour trait à Mircalla Karnstein, une aïeule suspectée de vampirisme dont le corps n’a jamais été retrouvé. À la faveur d’une explosion survenue dans les ruines du château tout proche, Carmilla découvre par hasard l’entrée de la tombe de Mircalla.
Sorti en 1960, le film de Roger Vadim est une des premières adaptations du roman Carmilla de Le Fanu (après le Vampyr de Dreyer). À ce titre, le film est un des premiers à s’aventurer sur les terres du vampirisme saphique, mettant en scène l’attirance fatale ressentie par Carmilla pour les femmes. On retrouve par ailleurs certains éléments de l’intrigue du Masque du Démon de Mario Bava, notamment la ressemblance physique forte entre l’ancêtre vampire et sa descendante. Pour autant, le film de Vadim intègre à sa narration d’autres éléments, notamment une ambiguïté sur la source même du mal, entre la jalousie de Carmilla qui se muerait en folie ou la thèse surnaturelle. Le récit, narré par un docteur qui a assisté à son déroulement, est d’emblée frappé du sceau de cette hésitation. À commencer par la lenteur de l’intrigue, qui ne fait jamais basculer le film tout à fait dans l’horreur.
Le rythme du film, de par l’onirisme qu’il dégage et la symbolique de nombreuses scènes, est en effet assez particulier. Et même si la deuxième partie n’aurait pas pu exister sans la mise en place progressive de la situation, difficile de ne pas trouver un tantinet longuet le déroulement de l’action, jusqu’au moment où Carmilla découvre le tombeau de Mircalla. À partir de là, cependant, le film se fait plus accrocheur, et le travail sur l’esthétisme et les symboles se fait plus appuyé. Sans oublier une présence plus forte de la musique (particulièrement réussie), et un basculement (dans le dernier tiers) dans un onirisme que le réalisateur choisit de matérialiser par des effets visuels assez psychédéliques aussi surprenants que justifiés.
Les vampires de Et mourir de plaisir sont dans la première partie du film cantonnés aux récits qui entourent le passé des Karnstein. Aucun de ces vampires n’aurait échappé à la vindicte populaire, sinon Mircalla, dont le corps n’a pas été retrouvé (et donc pas percé d’un pieu). Mais le mythe du vampire prend forme par la suite, lorsqu’on retrouve le premier corps, qui porte des marques caractéristiques à la gorge. L’occasion pour le majordome de rappeler aux deux enfants qui vivent dans le manoir qu’on ne peut se débarrasser d’un vampire que si on lui enfonce un pieu en plein cœur, et que l’ail permet de se protéger contre eux. Il explique également que le vampire doit se nourrir chaque nuit, et que ses victimes sont forcément féminines. À la suite de quoi, tout vampire doit obligatoirement passer quelques instants dans sa tombe. Plusieurs scènes mettent également en avant l’idée que le soleil est désagréable aux vampires.
Pour autant, la symbolique du film pointe d’autres thématiques liées au mythe du vampire. Notamment celle du temps qui passe, inexorable, et qu’on ne peut jamais retrouver. Une symbolique qu’on retrouve également dans le motif des fleurs, particulièrement présent dans le film, qui peut aussi être perçu comme une représentation de la jeunesse qui se flétrit.
Un film intéressant, en cela qu’il s’agit d’une adaptation assez moderne du roman de Le Fanu, qui préfigure l’avènement du vampirisme saphique, cher à Franco dans son Vampyros Lesbos, même si on reste encore ici assez léger dans la mise en scène (pas ou peu de scènes de nus). Reste que les DVD de ce long-métrage ne sont pas légion, et que la version qui convient le mieux au public francophone (la version allemande) est loin d’être exempte de défauts : transfert de l’image et piste son pas terrible. A quand une version remasterisée digne de ce nom ?