Daniel est dessinateur dans une agence de publicité parisienne. À la suite d’un accident de voiture durant lequel son meilleur ami a trouvé la mort, le jeune homme est atteint de séquelles psychologiques. Il est en effet persuadé de peu à peu devenir un vampire. Alors que l’hôpital dans lequel il était interné le laisse sortir, il va rapidement attirer sur lui l’attention d’un inspecteur de police, après avoir agressé une spectatrice, durant la projection d’un film. Mais les pulsions de meurtre et l’envie de sang de Daniel sont-elles d’origine surnaturelle ou est-il la victime d’un docteur manipulateur ?
Attention objet filmique particulièrement difficile à chroniquer et à analyser. À l’aube des années 70, alors que le cinéma de genre triomphe en Angleterre et que certains pays d’Europe lui emboitent le pas (l’Italie en tête), la France n’a pas énormément de choses à proposer au public friand de créatures surnaturelles. Mais à l’instar de Jean Rollin, Jean-Louis Van Belle, autodidacte revendiqué, s’essaie avec ce film au genre horrifique.
Assez difficile d’abord dans son approche, le film repose à la fois sur un parti pris grinçant (les oppositions entre les images et le son, dès le générique) et sur le comique qui se dégage du jeu déplorable de la quasi-totalité du casting. Le tout donnant corps à un scénario qui possède son lot de rebondissements tordus et de dialogues où l’humour est assez grotesque. Plusieurs scènes jouent par ailleurs sur les sens de l’acteur principal (et ceux du spectateur), à mesure que ses pulsions vampiriques prennent le dessus en lui. L’image se teinte, la pellicule défile à l’envers (donnant l’impression que le monde recule), le tout appuyant l’impression que le film matérialise les hallucinations de plus en plus prononcées de Daniel.
Le vampire tel que mis en scène ici oscille entre le mythe classique et la pathologie mentale. Maladie, parce que le personnge principal se sent touché par une mutation progressive qui va faire de lui un vampire (du moins en est-il persuadé), et le pousse à se trouver des crocs et à être attiré par le sang et la gorge des jeunes femmes qu’il croise. De l’autre, l’effroi qu’il finit par ressentir à la vue des symboles religieux et de la lumière du soleil. Et l’impression qu’il donne, dans le seconde partie du film, d’avoir développé sa propre dentition, n’ayant alors plus besoin des fausses dents volées chez une marchande de déguisement. Afin d’éveiller tout à fait ses pulsions, Daniel ira chez un vampire auto-proclamé, et utilisera les services d’un hypnotiseur (à son insu). Mais l’essentiel de la charge vampirique du film reste liée au motif du sang (et au rouge carmin), qui revient inlassablement, que ce soit sous la forme de peinture, de sang de coq, de sang humain…
Difficile de dire qu’il s’agit d’un film totalement réussi, tant certains éléments peuvent apparaître totalement foutraques dans Le Sadique aux dents rouges, et tant le film peut sembler abstrait, le réalisateur semblant ne pas lui-même maîtriser son objet, le laisse prendre sa propre initiative. Mais il y a malgré tout une certaine ambiance, et on finit par se laisse porter par les images, à défaut de l’histoire, même si les acteurs ne rendent pas l’exercice de visionnage des plus facile.